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Brésil - le droit historique de résister (Carta Maior)

À certaines occasions de l'histoire du Brésil, le droit de résister à un coup d'état ou à la fraude a été utilisé avec succès avec un immense soutien populaire.

Compte-tenu de son importance sur la scène internationale, le Brésil a toujours été et reste l’objet de politiques interventionnistes, de sabotages, de déstabilisations de la part des grandes puissances impériales et de leurs mécanismes, qu’ils soient des sociétés transnationales, des moyens de communication, des services d’information et d’espionnage et, plus récemment, des institutions non gouvernementales, mais toujours guidés et financés par les objectifs étatiques de ces grandes nations, et en particulier des États-Unis.

Quand le Brésil a entrepris, à partir du siècle dernier, des actions pour parvenir à l’indépendance, à la souveraineté et à un modèle autonome de développement, il n’a cessé d’être entravé dans ses revendications par les agissements de ces puissances internationales interventionnistes, toujours avec l’aide des oligarchies locales et de leurs instruments locaux, en particulier les médias.

L’opération Lava Jato et la paralysie de la production

Tel est le cas du coup d’état dont est aujourd’hui victime la présidente Dilma Roussef. Le fonctionnement de l’Opération Lava Jato (énorme opération judiciaire contre la corruption liée à la Petrobras NdT) a des connexions externes qui pourraient expliquer de façon plus objective le pourquoi de la quasi-paralysie qu’elle a provoqué à la Petrobras et dans ses projets réalisés en partenariat avec les grandes entreprises d’ingénierie nationale. Il est inutile d’analyser cette paralysie productive de l’un des centres vitaux de l’économie brésilienne pour comprendre qu’elle favorise les entreprises étrangères qui ne cachent pas leur avidité en ce qui concerne l’économie pétrolière brésilienne. L’objectif permanent est clair : privatiser l’industrie pétrolière, et détruire l’ingénierie nationale qui, en partenariat avec l’État, projette le Brésil comme un acteur majeur dans le contexte international. Surtout quand la politique étrangère brésilienne est liée aux BRICs, à l’UNASUR, à la CELAC et au Mercosur, les États-Unis et les oligarchies locales n’ayant jamais caché leur souhait de voir détruire ce dernier.

Il faut se souvenir que les agressions militaires et les bombardements de l’OTAN ayant pour objectif les changements de régimes en Irak et en Libye, ont eu un résultat tangible et absolument négatif pour le Brésil : l’expulsion des grandes entreprises d’ingénierie brésiliennes de ces pays, où ils avaient construit des oeuvres stratégiques d’infrastructure énergétique et autres, et qui ont été remplacées par des sociétés américaines (Halliburton) ou françaises. Ici, au Brésil, le processus de destruction est effectué, jusqu’à présent sans bombardement, mais à travers l’arrêt de la production, ce qui provoque des retards dans des secteurs stratégiques et un chômage énorme. Odebrecht vient de licencier environ 70.000 travailleurs, après être devenu l’une des cibles de l’opération Lava jato. Il est très important de noter que de nombreux projets menés par cette société, dorénavant à moitié paralysés, touchent à la récupération stratégique de l’industrie de la défense brésilienne, et sont, par conséquent, très symboliques. C’est en somme la poursuite du désarmement unilatéral promu par la démolition de l’industrie brésilienne de la défense pendant le gouvernement de Fernando Henrique Cardoso (président social démocrate de 1995 à 2003 NdT). À qui profite un pays comme le Brésil, la neuvième plus grande économie du monde, dépourvu de capacité de défense ?

Sabotage systématique

On peut collectionner les actions hostiles contre le développement indépendant et souverain du Brésil. Le téléphone portable de Dilma Roussef a été mis sur écoute par un organisme d’État des USA. Des ordinateurs de la Petrobras ont été volés. Wikileaks a révélé des entretiens entre les dirigeants politiques de l’opposition brésilienne et les autorités américaines, pour mettre en place des actions efficaces de sabotage de la souveraineté nationale sur le pétrole du pré-sal et aussi pour affaiblir la présence de Petrobras dans l’industrie pétrolière, stratégique au Brésil. Outre le pétrole, les documents publiés par WikiLeaks ont révélé les actions des États-Unis, opposant leur veto au transfert de technologie étrangère pour le programme spatial brésilien, ainsi que leur hostilité permanente envers le programme nucléaire brésilien, et en particulier en ce qui concerne le projet de sous-marin nucléaire, qui a reçu un soutien budgétaire et politique important des gouvernements Lula et Dilma.

Ces sabotages et ces hostilités ne sont pas nouveaux. Lorsque Vargas a lancé le programme nucléaire brésilien, sous le commandement de l’Amiral Álvaro Alberto, des turbines atomiques achetées par le Brésil à l’Allemagne ont été séquestrées en 1952 dans le port de Hambourg, par des militaires américains. Vargas, Jango (Jão Goulart, président en 1961, déposé par le coup d’état en 1964 NdT), Lula et Dilma ont toujours été la cible d’actions de sabotage impérialistes pour empêcher le développement autonome et souverain au Brésil.

Nous nous trouvons actuellement, une fois de plus, à un moment crucial de notre histoire. Dilma est la cible d’une articulation entre des secteurs du judiciaire, du Ministère Public, de la Police Fédérale, du Parlement et des médias, qui, par un usage frauduleux de la figure constitutionnelle de l’impeachment, a pour but, en fait, de déposer la présidente, sans que soit prouvé le moindre crime de responsabilité.

Devant les farces de l’histoire, il existe toujours un droit de résister

À certains moments de l’histoire du Brésil, le droit de résister au coup d’état ou à la fraude a été utilisé avec succès et avec un immense soutien populaire. D’autres fois, malheureusement, il n’y a pas eu la résistance qui aurait dû exister. La Révolution de 1930 constitue elle-même une réaction à l’énorme fraude électorale, afin d’occulter la victoire, avec l’aide de la couverture des médias oligarchiques et des intérêts étrangers, du candidat présidentiel de Alliance libérale, Getulio Vargas. Le résultat de cette élection frauduleuse, organisée afin de maintenir l’hégémonie oligarchique sur un Brésil agraire et désindustrialisé n’a pas été avalé par le peuple. Et la révolution de 1930, avec le soutien populaire et des militaires progressistes, a ouvert une nouvelle étape pour le développement brésilien autonome, combinant l’industrialisation et la justice sociale par la structuration de l’État comme levier de ce développement. Il y eut un soutien notable de la société à ce développement, à l’exception de l’oligarchie, en particulier à São Paulo, qui prit les armes en 1932 contre les transformations sociales en cours. La réaction oligarchique de São Paulo, soutenue par les puissances impérialistes, fut bientôt vaincue, et l’ère Vargas produisit l’ITA (Instituto Tecnológico da Aeronautica - l’Institut Technologique de l’Aéronautique), la Siderurgie Nationale, le BNDES (Banco Nacional de Desenvolvimento - Banque Nationale de Développement, qui a servi de modèle pour la banque des Brics NdT), la CLT (Consolidação das Leis do Trabalho – Consolidation des Lois du Travail), l’entreprise Vale do Rio Doce et la Petrobras, ainsi que la justice électorale ; le droit de vote ayant été accordé aux femmes, en 1932, bien avant la France qui, en tant que championne auto-proclamé de la démocratie, ne le réglementera qu’après la deuxième guerre mondiale.

Vargas, le coup de feu et la résistance.

L’ère Vargas a été arrêtée par une déstabilisation conservatrice, comme aujourd’hui, qui montrait aussi des connexions internationales intéressées à stopper le cours des transformations sociales et de l’indépendance du Brésil. Malgré l’immense popularité de Vargas le 24 Août 1954, celui-ci choisit de ne pas suivre l’avis de Tancredo Neves, son jeune ministre de la justice, qui lui enjoignait de résister au coup d’État en convoquant la garnison militaire de Rio de Janeiro et la majorité du peuple. Par un tir de revolver en plein cœur, le suicide de Vargas a provoqué la fureur du peuple qui a empêché le coup d’état, mais qui a révélé, en même temps, le soutien populaire considérable dont il aurait bénéficié, s’il avait décidé de résister, avec des chances concrètes de vaincre. JK (Juscelino Kubitschek, président de 1956 à 1961 NdT), le successeur de Vargas, a également été la cible d’actions putschistes constantes, comme Lula et Dilma, de l’hostilité implacable et systématique des médias, à l’exception du journal Ultima Hora. Mais JK a réussi, au prix de concessions amères, à arriver à la fin de son mandat, non sans le soutien solide du maréchal Henrique Teixeira Lott, symbole d’une puissance militaire nationaliste et démocratique, à la tête d’une résistance organisée et démocratique face aux actions de déstabilisation contre le gouvernement élu par un vote populaire. L’oligarchie voulait même empêcher la construction de Brasilia...

La chaîne de la légalité

Une expression nouvelle et inoubliable, la Résistance Démocratique au coup d’État aura lieu en 1961, lors de la tentative arbitraire et dictatoriale d’empêcher l’accès de Jango à la présidence après la démission de Janio Quadros. Sous l’égide du gouverneur Leonel Brizola (1933-2004 – à l’époque gouverneur de l’État du Rio Grande do Sul NdT), se mit en place le Réseau de Légalité, réunissant des centaines de stations de radio à travers le pays, conduites par les émetteurs radio de Radio Guaiba, installés dans les sous-sols du Palais Piratini (Palais du Gouverneur NdT), et qui réussit, en appelant à une large mobilisation populaire, à vaincre le coup d’État en cours.

Ce réseau de Légalité, avec Brizola au micro, était une fois de plus la preuve que le recours au droit démocratique de résister peut être victorieux lorsque, dans certaines conditions de l’histoire, et au bon moment, il convoque la participation directe du peuple dans la destinée du pays, en défendant la règle de droit démocratique.

Une fois de plus, nous les Brésiliens, nous sommes confrontés à une situation cruciale et décisive dans laquelle l’organisation d’un réseau de communication démocratique peut galvaniser la conscience populaire, en convoquant sa participation pour assurer le respect du vote populaire qui a élu la présidente Dilma Roussef, mais aussi la continuité des conquêtes du peuple brésilien, qu’elles viennent de l’ère Vargas - Petrobras et CLT - mais aussi des plus récentes, tels les programmes sociaux de distribution des revenus et d’inclusion sociale des gouvernements Lula et Dilma et en particulier la loi sur le partage la politique étrangère souveraine.

Il y a un champ de communication public, des TVs et des radios, nationales et à l’échelle des États qui, coordonnées les uns avec les autres, avec une programmation appropriée, comprenant également les Tvs et des radios éducatives communautaire et des Universités, qui peuvent transmettre à la population le message juste et nécessaire du droit démocratique de résister à cette action flagrante de coup d’État, déguisée sous le prétexte fallacieux d’impeachment.

Note du traducteur :

[1] Pour comprendre les quatre principaux modèles d’exploration pétrolière dans le monde :

Monopole - c’est le modèle que le Brésil adopta jusqu’au 6 Août 1997, lorsque le président d’alors, Fernando Henrique Cardoso (PSDB) sanctionna la nouvelle loi sur le pétrole, qui le supprima. Toute l’exploitation du pétrole était alors aux mains de la Petrobras.

Concession – entra en vigueur le 6 Août 1997 jusqu’au 22 Décembre 2010, lorsque l’ancien président Lula signa la loi 12.351, qui établit le modèle de partage. Dans le modèle de concession, une vente aux enchères de la zone est faite. La société dont l’offre à l’État est la plus importante gagne la concession. Dans ce modèle, 100% du pétrole produit appartient à l’entreprise gagnante. Elle n’a que les impôts à payer. Dans le modèle de concession, le contrôle est entre les mains des entreprises, ce qui favorise une exploitation prédatrice. C’est ce qui est arrivé en Argentine avec l’entreprise espagnole Repsol. L’Argentine avait d’importantes réserves qui permettaient d’assurer son avenir. Mais par la privatisation et le modèle de concession en vigueur, l’Argentine exportait son pétrole à à 5 $ le baril. En Septembre, elle devait importer $ 100 le même baril. Actuellement, elle l’importe à 66 $. En plus d’épuiser rapidement les réserves des champs pétrolifères, le modèle de concession implique d’autres risques :

* Il ne génère pas d’emploi dans la chaîne dans son ensemble, car il permet l’exploitation du pétrole à n’importe quel prix.

* Il n’utilise pas le retour économique du champ pétrolifère à des fins de recherches. C’est une des raisons des attaques contre la Petrobras (et contre le système de partage), qui génèrent moins de profit.

* L’environnement. C’est ce qui arriva dans un puits de la société américaine Chevron sur le champ pétrolifère Frade dans le bassin de Campos (RJ), en Novembre 2011. Chevron voulait produire plus vite et n’a pas suivi les normes de sécurité. Le résultat en a été un grand déversement de pétrole en mer. Le risque environnemental est plus grand dans le modèle de concession car le mécanisme que l’État contrôle est très réduit. Le maximum que l’État puisse faire, c’est d’infliger des amendes. Dans le cas du Champ Frade. L’État brésilien a appliqué une amende et Chevron a recommencé à produire.

Partage - C’est le système actuellement en vigueur. Il a commencé à être adopté dans le second gouvernement Lula. Il représente le juste milieu entre la concession et le monopole. Dans le modèle de partage, l’entreprise qui offre le plus de pétrole à l’État brésilien gagne l’appel d’offre. C’est ce qui s’est passé pour le champ pétrolifère de Libra. L’entreprise gagnante a offert 41% du pétrole à l’état. De chaque baril de pétrole produit, 41% sont destinés au peuple brésilien. En plus des taxes sur l’ensemble du volume exploité. Dans le modèle de partage, contrairement à la concession, le seul opérateur de la zone est la Petrobras. Ce qui permet au peuple brésilien, à travers l’état, de contrôler la production. Dans le système de partage, les autres entreprises interviennent comme associés investisseurs. Mais c’est la Petrobras qui va travailler sur le terrain, qui loue les équipements et les navires, et surtout qui contrôle la production. C’est le plus important. Cela permet au pays d’explorer selon ses propres besoins plutôt que de vider les ressources rapidement, comme c’est le cas dans le modèle de concession.

Services - L’État retient les services d’une entreprise pour exploiter le pétrole et paye pour ce service. Mais le pétrole appartient à l’état.

« Maintenir le modèle de partage est une question de souveraineté nationale », affirme João Antonio de Moraes. « Il est essentiel pour nous de ne pas être un simple producteur de pétrole brut. Et que des investissement parallèle soient faits dans la chaîne antérieure - production de navires, de plates-formes, génératrices d’emplois et de revenus ici dans les chantiers navals - comme à l’autre extrémité, que sont la raffinerie, la pétrochimie et l’industrie de transformation des plastiques ».

Traduction Si le Brésil m’était traduit...

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