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Cesare Battisti : Lettre ouverte à Evo Morales

Nous publierons dès que nous en aurons la traduction en français la requête en bonne et due forme adressée par Cesare Battisti aux autorité boliviennes pour demander l’asile politique. Il semblerait qu’il y indiquait l’endroit où l’on pouvait le joindre et... où on l’a cueilli avant de le mettre précipitamment dans un avion italien, au mépris des lois de la république bolivienne.
LGS

Monsieur le président Evo Morales

L’extradition de Bolivie, où il s’était réfugié, de l’ex militant italien Cesare Battisti, et les conditions, pour l’instant troubles, de celles-ci, nous préoccupent au plus haut point. Des agents de services étrangers seraient intervenus dans l’arrestation et l’expulsion, mettant en cause la souveraineté de votre pays.

Nous tenons à vous faire part de notre surprise, de notre incompréhension et de notre vive réprobation face à votre silence.

La Bolivie multiculturelle, pluri-nationale, engagée dans un profond mouvement de décolonisation, d’émancipation humaine et sociale, porte les espoirs de millions d’hommes et de femmes dans le monde. Elle a bénéficié, dès le départ, de notre solidarité. En Amérique latine, elle reste l’un des derniers gouvernements qui font face et tiennent, contre la vague conservatrice, qui submerge le continent.

L’arrestation (par qui ?), à Santa Cruz, majoritairement hostile à la révolution bolivienne, du militant italien Cesare Battisti, va sans doute choquer beaucoup de démocrates. Il est condamné par les autorités de son pays pour quatre meurtres qu’il nie depuis toujours avoir commis, durant les terribles « années de plomb ». L’extradition précipitée de Santa Cruz, n’a pas permis de prendre le temps nécessaire à une réflexion sereine. Les autorités boliviennes ont semblé « doublées » par le Brésil et l’Italie, pays dotés de gouvernements d’extrême droite. Rappelons que l’Italie a déjà été condamné par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour violation de l’article 6 de la Convention pour absence de droit à un procès équitable et violation du droit à la défense. Un procès de 1993, en l’absence de Ceseare Battisti, ne peut justifier aujourd’hui son enfermement à vie. Il doit bénéficier d’un procès équitable.

Réfugié 14 ans en France, François Mitterrand lui avait accordé une sorte de droit d’asile à condition qu’il renonce, avec ses camarades, à la lutte armée. Menacé lors de la présidence de Jacques Chirac, il se réfugia au Brésil, où le président Lula lui octroya le droit d’asile.
Ces faits et leur contexte nous conduisent à solliciter des éclaircissements, sans quoi nous serions amenés à considérer que vous avez commis une dommageable faute politique, que cette « affaire » contredit les principes dont se prévaut votre action depuis 2005.

Lundi 14 janvier 2019.
Un groupe d’amis de la Bolivie :

José Bové, député européen,
Germain Sahary, responsable du village Emmaüs Lescar-Pau (qui a reçu la visite d’Evo Morales en 2015)
Jean Ortiz, maître de conférences Université de Pau (a invité Evo Morales en 2002 au Festival CulturAmerica,
puis l’Université de Pau a accordé au président bolivien le Doctorat Honoris Causa en 2015),
Maxime Vivas , journaliste, administrateur du site legrandsoir.info
Serge Pey, poète,
Pierre Carles, réalisateur.

AJOUT de Maxime Vivas.

Dimanche, j’ai rédigé cette lettre ouverte à Evo Morales. On m’a dissuadé de l’envoyer et de la publier, au prétexte que cela n’aiderait pas. L’espoir existait encore qu’Evo Morales ne laisserait pas faire. Je regrette aujourd’hui de ne pas l’avoir envoyée à l’ambassade de Bolivie en France. Morales aurait peut-être ainsi appris ce que des amis de son pays redoutaient.

Libérez Battisti
Lettre ouverte à Evo Morales

Cher Evo,

Le site d’Informations alternative sur lequel j’écris a publié des centaines d’articles pour soutenir votre combat et votre peuple.

Quand vous étiez un syndicaliste désargenté, notre ami commun, Jean Ortiz, vous a accueilli chez lui, comme un frère.

Vous n’avez pas en France de meilleurs amis que nous.

J’étais à Caracas en septembre 2017 pour les journées « Todos somos Venezuela » et c’est avec émotion que je vous ai entendu raconter comment, pour une réunion internationale en Amérique latine, vous aviez l’argent pour payer le voyage aller, mais pas le retour, comment la solidarité des camarades a réuni les fonds, mais comment vous aviez passé plusieurs jours sans manger.

Cesare Battisti, fils du peuple, s’est, lui aussi battu, pour les pauvres de son pays. Comme un révolutionnaire. Pas comme un terroriste. Il est innocent des crimes dont on l’accuse.

Il ne doit pas être livré à l’Italie pour que nos ennemis communs effraient les révolutionnaires du monde entier en faisant un exemple.

Por favor, querido companero y hermano, accordez-lui l’asile politique.

Avec tout mon respect.

Maxime Vivas

Ecrivain, animateur radio, administrateur du site d’information alternative legrandsoir.info

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COMMENTAIRES  

15/01/2019 08:59 par CN46400

Oui bien sûr, mais que pèse Battesti devant les menaces de l’empire, contre la Bolivie de Moralès en ces temps-ci....

16/01/2019 22:07 par Geb.

Pourtant Moralès devrait se souvenir que ça n’est pas en se soumettant aux menaces de l’Empire ni en lui livrant ses ennemis sous de fausses promesses de "mansuétude" qu’on se met à l’abri de ses exactions.

Chaque "concession" amène de plus grandes "exigences".

Et ce ne sont pas les exemple de Hafed al Hassad qui torturait pour le compte des USA avant que son fils ne reprenne le pouvoir, ni Ghadaffi qui a largué des boucs émissaires de l’attentat de Lockerbie pour faire cesser le blocus américain, ou Saadam Hussein acceptant de démanteler ses forces armées, qui me contrediront. Eux qui se pensaient au dessus des autres parce qu’ils avaient fait alliance avec le Diable.

N’importe quel patron de bistrot marseillais sait cela : On ne fait pas cesser un rackett en y souscrivant. En y cédant on ne fait que l’amplifier.

18/01/2019 12:46 par bostephbesac

Pour moi, Evo MORALES a signé l’ acte écrit pour son assassinat futur . Que se soit "trumpipi" ou les pro-"obamou", les dirigeants US ne vont cesser de faire pression sur lui, désormais.

18/01/2019 20:49 par mediacideur

A noter qu’un certain Karl Laske, de Mediapart, dans un papier paru aujourd’hui. ("Cesare Battisti : une extradition expresse après 40 ans de cavale"), donne une version différente : selon lui, Battisti n’a jamais bénéficié de la jurisprudence Mitterrand, au contraire, il en aurait "été exclu en 1983 en raison de la gravité des crimes qui lui étaient reprochés".
Plus loin à l’aide de citations tronquées et hors contexte habilement encadrées de ses commentaires il prétend que Battisti a revendiqué ses actions :"Quand je dis que moi je n’aime pas les innocents c’est parce que moi je suis coupable. Je veux être coupable et je suis fier de l’être dans cette saloperie-là." (sourcé comme interview à L’Oeil Electrique, en 2000) "En 2001 il dit aussi qu’il assume [ses] responsabilités politiques et militaires. (là, c’est non sourcé) KL enchaîne :"Ce n’est que plus tard en quittant la France qu’il se déclare "innocent" des crimes commis par les PAC." Et de rappeler que "selon la justice italienne il est l’auteur direct de 2 assassinats" (1 maton et 1 policier) "Et deux autres dont il a été, pour l’un, le commanditaire et, pour l’autre, le complice, en février 1979 :celui d’un bijoutier, Pierluigi Torregiani,et d’un boucher, Lino Sabbadin. Des meurtres pour certains racontés dans son roman autobiographique, Dernières cartouches, en 1998, comme d’autres actions des PAC, braquages, tirs dans les jambes... "
Seconde couche à la fin de l’article, CB a toujours su qu’il était "exclu" de la doctrine Mitterrand (à l’appui : entretien filmé en 2001 "Des hommes en cavale" de Joseph Beauregard) en gros Karl nous explique que Battisti a manipulé tout le monde (editorialistes, appel, pétition, LDH "jusqu’à Hollande"...). Tout "n’était qu’un leurre" à preuve une "note de synthèse de 5 pages tapée à la machine et signée par le directeur adjoint du cabinet du garde des Sceaux, Régis de Gouttes, le 26 avril 1983."
Pour le cas où on n’aurait pas compris, rebelote :"il ne pouvait en aucun cas se prévaloir d’avoir bénéficié de la doctrine Mitterrand, qui l’avait précisément exclu, et chassé, en 1983 " mais à trop vouloir convaincre il vient comme des doutes... Non ?
N’empêche que l’article est suffisamment venimeux pour ébranler le pékin moyen (je ne prétends pas ne pas en être un...) et appelle sans doute une réplique ?

27/03/2019 22:52 par mediacideur

Bon, aucune réplique. Tant pis (tant mieux ?).

Aujourd’hui (enfin non, hier plutôt) cet article dans L’Huma, on ne sait si c’est du lard ou du cochon, en tout cas il mélange à souhait le présent de l’indicatif et le conditionnel qui conditionne et un brin jésuitique (à mon humble avis) parce qu’enfin le mec est embastillé donc sa parole n’est pas libre dont il est pourtant usé comme s’il l’était par ce journaliste huma (ni taire...) reprenant sans problème aucun la parole des juges. Voici cet article :

L’heure du bilan pour Cesare Battisti
(c’est le titre)

L’écrivain a reconnu sa responsabilité dans quatre homicides. Il a déclaré aux juges que la lutte armée avait stoppé l’élan de progrès de 1968. (c’est le sous-titre)

« Je parle de mes responsabilités, mais je ne donnerai le nom de personne.  » Samedi, face aux juges italiens, Cesare Battisti, ex-militant des Prolétaires armés pour le communisme (PAC), un temps en cavale au Mexique, en France, puis au Brésil et en Bolivie d’où il a été expulsé en janvier, a reconnu sa culpabilité pour les quatre homicides commis dans les années 1970 et pour lesquels il a été condamné par contumace. Alberto Nobili, responsable du pool anti-terroriste de Milan, a rendu publique cette information hier. Pour le magistrat, dans ce qu’a déclaré l’ancien fugitif, «  tout correspond » aux sentences définitives émises par la justice italienne contre les PAC. Pas question, donc, d’autoriser – c’est une particularité du droit italien – un nouveau procès pour Cesare Battisti.Ce dernier a été condamné en 1981 pour les meurtres en 1978 d’Antonio Santoro, un gardien de prison, et, l’année suivante, d’Andrea Campagna, chauffeur pour la police. En 1979, il avait été reconnu complice des assassinats de Lino Sabbadin, boucher, et de Pier Luigi Torreggiani, bijoutier. Le groupe des PAC s’était fait une spécialité de s’en prendre à ce qu’il considérait comme l’appareil répressif, ou aux commerçants qui, comme Sabbadin et Torreggiani, ont blessé par arme à feu au nom de la légitime défense des malfrats lors de hold-up. « Je me rends compte du mal que j’ai fait et je demande pardon aux familles » des victimes, aurait déclaré Battisti au magistrat, qui précise que ces propos ne permettront pas de réduction de peine. Celui qui est devenu auteur de polars en France aurait également fait le bilan des années de plomb, quand, à la suite d’une partie de l’extrême droite, des dizaines de groupes d’extrême gauche basculèrent dans l’action violente. « La lutte armée a jugulé le développement du mouvement de 1968, qui aurait porté un véritable progrès social et politique à la société italienne », aurait déclaré Battisti.

L’Élysée avait changé d’attitude en 2002

Après quelques années au Mexique, Battisti s’était établi en France en 1990, où il a bénéficié de la doctrine Mitterrand. Le président français avait, en 1985, offert d’accueillir les militants transalpins qui renonceraient à la lutte armée. Si les différents gouvernements italiens n’ont eu de cesse de réclamer l’extradition d’anciens militants d’extrême gauche, cette politique a contribué à mettre fin aux violences de l’extrême gauche et à la guerre civile larvée qui sévissait. Paris avait changé d’attitude en 2002 en expulsant l’ancien membre des Brigades rouges Paolo Persichetti, poussant Cesare Battisti à fuir vers le Brésil puis, après l’élection de Jair Bolsonaro, vers la Bolivie, d’où il a été expulsé à la mi-janvier à la demande de Rome.

GAËL DE SANTIS (c’est l’auteur)

28/03/2019 20:00 par mediacideur

A peu près de la même eau (croupie) l’article dans Politis. Je vous en fais grâce.

(c’est plus discret de commenter dans cet article que dans l’autre, beaucoup trop fréquenté à mon goût)

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