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Chasse aux sorcières contre les communistes en Ukraine

Photo : Les députés du parti d’extrême-droite Svoboda attaquent le président de l’UCP Petro Symonenko dans le Parlement. Quelques instants plus tard, les 32 parlementaires communistes ont été jeté hors du Parlement.

La guerre en Syrie, la fragile trêve de paix et les négociations en cours en Ukraine ont quelque peu fait disparaître ce pays de l’actualité. Pourtant, l’évolution y est plutôt inquiétante. En Ukraine, sous prétexte de lutter contre la prétendue cinquième colonne de la Russie, une chasse aux sorcières contre les communistes a été lancée. Une mesure de précaution pour garder sous contrôle la grande catastrophe sociale qui se prépare.

En juillet, le gouvernement ukrainien promulguait un décret déclarant le Parti communiste d’Ukraine (PCU) hors-la-loi. Le PCU est allé en appel, et ce procès a débuté le jeudi 5 novembre. Des représentants de plusieurs partis communistes et des démocrates de toute l’Europe étaient présents à la session d’ouverture. L’enjeu est en effet bien plus important qu’on ne le penserait à première vue.

Il s’agit effectivement de bien davantage que la mise hors circuit d’un parti qui collaborerait avec le mouvement séparatiste de l’Est du pays. Le PCU a d’ailleurs toujours été un farouche adversaire de la scission du pays. Et, même si le parti s’est montré très critique à propos de la prise de pouvoir anticonstitutionnelle par les forces pro-occidentales en février 2014, il a continué, avec ses 32 parlementaires, à mener une opposition active au Parlement. Jusqu’au moment où, lors d’une intervention au Parlement, Petro Symonenko, le président du PCU, a été violemment privé de parole et où, un peu plus tard, le 24 juillet 2014, le groupe communiste au Parlement a été dissous. Le régime a même traduit le PCU en justice afin de faire interdire ce parti.

Les juges censés présider le procès contre le PCU ont toutefois démissionné en février dernier. Ils se sont plaints d’avoir été mis sous pression. Un peu plus tôt, le ministère public avait fait fouiller leurs domiciles et leurs bureaux, cherchant ordinateurs et documents.

Mais les choses n’en sont pas restées là. Le 15 mai, le président Porochenko signait un ensemble de quatre lois censées « décommunistiser » le pays. La diffusion de propagande communiste est désormais punissable, tout comme la défense d’une autre version de l’histoire que celle réécrite officiellement. Cette « nouvelle » histoire criminalise à peu près toute la période durant laquelle l’Ukraine a fait partie de l’Union soviétique. Et, une fois de plus, les collaborateurs nazis ukrainiens durant la Seconde Guerre mondiale sont présentés comme des héros. Pas moins de 871 villes et villages vont devoir changer de nom, même chose pour des milliers de rues, parcs et autres lieux publics. Enfin, le 24 juillet dernier, le ministre ukrainien de la Justice décidait que le PCU ne pouvait plus participer aux élections locales qui, entre-temps, ont eu lieu le 25 octobre.

Un climat de terreur

Toutes ces décisions gouvernementales ont été prises dans un climat de terreur ouverte contre le PCU et contre tous les autres adversaires du gouvernement pro-occidental de droite.

Le coup d’État de février 2014 avait été suivi par une série ininterrompue d’attentats terroristes. Le 9 avril 2014, à peine quelques semaines plus tard, une bande de la milice d’extrême droite « Pravy Sektor » (Secteur de droite) forçait l’entrée du siège national du PCU et occupait le bâtiment. Ensuite, en le quittant, elle y a mis le feu. Depuis lors, les secrétariats locaux du PCU sont régulièrement attaqués. De même, les responsables du parti subissent des agressions, et les données personnelles des membres du parti sont publiées sur des sites internet de l’ultra-droite. Et, très récemment, juste avant les élections du 25 octobre, la maison d’un responsable provincial du PCU a subi des tirs de grenades. La police a découvert deux lance-grenades que les agresseurs avaient laissés derrière eux.

Mais les syndicats sont également attaqués. L’acte de terrorisme le plus grave a eu lieu le 2 mai de l’an dernier, lorsque le siège syndical d’Odessa a été incendié. 48 personnes y ont laissé la vie.

Le 2 novembre dernier, lors d’une cérémonie d’hommage aux victimes, les participants ont été attaqués par des néonazis. Ceux-ci portaient des uniformes militaires et ont jeté les photos des victimes sur le sol. Un nombre important de policiers étaient présents, mais ils se sont contentés de regarder. Le fait que de tels actes peuvent se dérouler en présence de la police n’est absolument pas un hasard : Le 4 novembre, une commission d’enquête du Conseil de l’Europe a encore condamné le gouvernement ukrainien pour la façon partiale dont a été menée l’enquête sur le drame d’Odessa. « Vu les preuves de la complicité de la police dans les événements du 2 mai 2014, l’enquête aurait dû être menée par un organe indépendant du ministère de l’Intérieur », a écrit la commission d’enquête.

Éliminer les communistes parce qu’une catastrophe sociale se prépare

Le 26 octobre, le président du PCU, Petro Symonenko, envoyait encore une mise en garde à tout le monde : « Nous devons nous attendre à une résistance sociale croissante. Notre économie a fortement régressé depuis le début 2014. Une politique qui s’appuie sur le crédit extérieur et la destruction de notre potentiel économique aura des conséquences graves. » La presse allemande publie régulièrement des chiffres et des témoignages qui confirment la mise en garde de Symonenko et qui donnent une image des destructions énormes provoquées au cours des deux années qui ont précédé. Le Frankfurter Rundschau a expliqué que, l’an dernier, le pays a connu une régression économique de 7 % et qu’on s’attendait cette année à un nouveau recul de 12 %. Les prix ont augmenté de 50 % et ce, rien que pour les six premiers mois de cette année. Et, toujours au cours de ces six premiers mois, les salaires ont baissé de 25 %. « C’est le résultat des réformes menées par le gouvernement en échange des prêts consentis par l’Occident », écrit le journal. Un autre journal allemand, Die Presse, mentionne que, dans la capitale, le salaire mensuel moyen oscille entre 200 et 240 euros, mais la moyenne nationale se situe bien plus bas. Ainsi, le journal cite un enseignant qui travaille dans la petite ville de Schytomyr, à une heure et demie de Kiev, et qui doit s’en sortir avec 80 euros par mois. En mars, l’Agence internationale de l’énergie mettait en garde contre une crise de l’énergie sans précédent en Ukraine. Le Premier ministre Iatseniouk annonçait déjà qu’une fourniture stable d’électricité et de chauffage ne pouvait être garantie pour le prochain hiver. Dans certaines régions, la distribution d’eau ne fonctionne plus. Le Suddeutsche Zeitung écrit que « tous les ingrédients sont présents pour une crise sociale grave » et que celle-ci « aura inévitablement des conséquences politiques ». Avec la mise hors circuit du PCU, le gouvernement pro-occidental veut empêcher que le choc social qui se prépare aille de pair avec une résistance sociale qui pourrait mettre un terme à l’actuelle politique ultra-libérale des plus néfastes, qui conduit le pays tout droit à la destruction. C’est aussi pourquoi plusieurs partis communistes et démocrates étaient présents à l’ouverture du procès contre le PCU la semaine dernière et protestent contre la chasse aux sorcières menée contre les communistes par le régime de Kiev.

Tony Busselen

Sources : The Morning Star, People’s World et Kyiv Post. Les citations tirées de journaux allemands proviennent d’un article de Markus Salzman publié le 2 novembre sur wsw.org.

»» http://solidaire.org/articles/chass...
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