Le président chilien vient d’annoncer la démission de tous ses ministres

Chili : les grandes avenues s’ouvrent enfin

La JORNADA

Editorial du 26 octobre du quotidien mexicain La Jornada.

Quelques jours après que le président Sebastián Piñera a qualifié ceux qui manifestent contre ses politiques de poignées de délinquants, le préfet de Santiago a dû reconnaître hier que plus d’un million de personnes étaient descendues dans les rues de la capitale pour exiger la fin du modèle néolibéral suffocant imposé par le dictateur Augusto Pinochet dans les années 1970, maintenu et même intensifié par tous les gouvernements élus depuis le retour de la démocratie en 1990. La journée de protestations, soutenue par des centaines de milliers de personnes dans d’autres régions du pays, a été jusqu’à maintenant le point culminant du plus grand soulèvement populaire de la nation andine depuis la fin de la dictature, il y a trois décennies.

L’ampleur de la participation montre le rejet des mesures cosmétiques annoncées par Piñera pour tenter de contenir l’incendie social qu’il a provoqué en autorisant une augmentation du prix du métro de Santiago, mais surtout, en répondant aux premières manifestations en affichant sans retenue ses instincts autoritaires. Même pour une classe politique aussi insensible que celle du Chili, il aurait dû être clair que les concessions du gouvernement -une augmentation immédiate de 30 dollars par mois pour les pensions les plus faibles, une augmentation de 50 dollars du salaire minimum, l’annulation de l’augmentation des tarifs de l’électricité, des réductions sur les prix des médicaments qui sont vendus avec un surcout énorme et une augmentation de 5 % des impôts des plus riches, entre autres- sont évidemment urgentes, mais aussi insuffisantes et même offensantes pour un peuple qui a souffert de 19 morts, des centaines de blessés et des milliers de détenus résultat de la répression brutale déclenchée par un gouvernement qui n’a jamais caché ses sympathies envers la période dictatoriale.

Si ce soulèvement populaire peut paraître surprenant dans un pays où, à l’exception de mouvements sectoriels ponctuels, la population avait montré une capacité de résignation quasi illimitée face à la détérioration continue des conditions de vie du plus grand nombre, il l’est moins au prisme du contexte régional actuel. En effet, quelques jours seulement avant que la bourde de Piñera ne pousse les Chiliens dans la rue, la société équatorienne avait forcé le président Lenín Moreno à reculer dans sa tentative de sacrifier le pays pour satisfaire l’oligarchie et le Fonds monétaire international, tandis qu’en Argentine, la droite dure de Mauricio Macri se dirige vers une confirmation de l’écrasante défaite électorale subie lors des primaires d’août dernier, résultat du rejet du coût social de ses politiques néolibérale.

En plus de montrer la généralisation d’un ras-le-bol d’un système économique prédateur devenu insoutenable, l’unité affichée par la société chilienne est un écho retentissant des dernières paroles du président Salvador Allende qui, peu avant de tomber assassiné par les putschistes le 11 septembre 1973, prédisait la réouverture des grandes avenues par lesquelles l’homme libre marcherait de nouveau pour construire une société meilleure.

La JORNADA

Traduction : Luis Alberto REYGADA
@la_reygada

Dernière minute : le président Sebastián Piñera a annoncé samedi 26 octobre un vaste remaniement du gouvernement (« J’ai demandé à tous les ministres de remettre leur démission pour pouvoir former un nouveau gouvernement et pouvoir répondre à ces nouvelles demandes »). Il a également annoncé la levée de l’état d’urgence dès dimanche. L’armée a décidé de suspendre le couvre-feu en vigueur à Santiago.

NOTES :
Dernier discours de Salvador Allende le matin du coup d’état du 11 septembre 1973 :
http://chili.rongo-rongo.com/discours-allende.html

 https://www.jornada.com.mx/2019/10/26/opinion/002a1edi

COMMENTAIRES  

27/10/2019 08:07 par alfare

30 secondes d’émotion intense dans cette vidéo
sur la photo, les guitares, référence explicite à Victor Jara dont la foule reprend la chanson "el derecho de vivir en paz"

27/10/2019 10:40 par Assimbonanga

Hé ben voilà. Démonstration est faite : il faut être 1 million dans la rue. Ouille...
Songez qu’il y a des gus en banlieue pour soutenir Europa City du fait des emplois qu’on leur a promis. Le pouvoir, bourgeois de préfecture et entrepreneurs, petits colibris de l’environnement, genre Fasquelle et Delevoy qui veulent construire des serres tropicales à Rang-du-Flyer ou des vagues artificielles à St-Père-en-Retz, ont toujours suffisamment de soutiens. 1 million dans la rue, ça laisse songeur. Il a dû en falloir !

27/10/2019 12:12 par Mazig

Alfare
Merci pour cette vidéo émouvante qui m’a rappelé des souvenirs de l’époque ou on militait à Strasbourg avec les mouvements révolutionnaires et progressistes chiliens (MIR ...) contre la dictatures militaire de Pinochet et leurs soutiens américains et certains pays européens.

27/10/2019 19:11 par pauvre 2

Nous avons les dernières paroles d’Allende écrites, les voici à la radio pas encore prise d’assaut par l’armée de Pinocher
https://bellaciao.org/fr/spip.php?article162328

28/10/2019 00:05 par pauvre 2

Bon allez, pour ne pas se quitter sur une note trop optimiste, il nous faut nous souvenir que ces salauds de militaires de Pinochet ont couper les doigts de Victor Jara à la hache. Un joueur de guitare, quel symbole ! Ils l’ont fusillé ensuite.. Le 14 ou 15 09 1973.
C’est bizzard, lorsque j’entends les merdias parler du 11 septembre, ce n’est pas à celui qu’on m’invite à célébrer que je pense, y aurait-il encore des reviviscences incontrôlables par les pouvoirs en place ?
https://www.youtube.com/watch?v=ukSGkx1Gulo

28/10/2019 08:21 par ellul

Lettre à Kissinger

j’veux te raconter Kissinger
l’histoire d’un de mes amis
son nom ne te dira rien
il était chanteur au Chili

ça se passait dans un grand stade
on avait amené une table
mon ami qui s’appelait Jara
fut amené tout près de là

on lui fit mettre la main gauche
sur la table et un officier
d’un seul coup avec une hache
les doigts de la gauche a tranché

d’un autre coup il sectionna
les doigts de la dextre et Jara
tomba tout song sang giclait
6000 prisonniers criaient

l
l’officier déposa la hache
il s’appelait p’t’être Kissinger
il piétina Victor Jara
chante dit-il tu es moins fier

levant les mains vides des doigts
qui pinçaient hier la guitare
Jara se releva doucement
faisons plaisir au commandant

il entonna l’hymne de l’U
de l’unité populaire
repris par les 6000 voix
des prisonniers de cet enfer

une rafale de mitraillette
abattit alors mon ami
celui qui a pointé son arme
s’appelait peut-être Kissinger

Cette histoire que j’ai racontée
Kissinger ne se passait pas
en 42 mais hier
en septembre septante trois

Julos Beaucarne
- >https://www.youtube.com/watch?v=qKCAI0_j6BU]

29/10/2019 02:57 par T 34

Très belles images aériennes de la manifestation au Chili avec en fond sonore El derecho de vivir en paz de Victor Jara et le dernier discours d’Allende où il déclarait que s’ouvrira les grande avenues ou passe l’homme libre.

Vidéo

29/10/2019 12:20 par Yannis

Suerte para los chilenos y chilenas ! Que ce mouvement puisse renforcer celui des Gilets jaunes en France. Le feu du néolibéralisme mortifère et totalitaire a commencé au Chili, il est en train de s’y éteindre et ses convulsions seront déchirantes dans tout le monde "occidental", la France en étant un autre exemple. Mais le cadavre est en train de pourrir sur pieds.

01/11/2019 01:56 par T 34

L’orchestre national du Chili a entonné plusieurs chansons en hommage aux victimes dont El derecho de vivir en paz et El pueblo unido ainsi que le Requiem de Mozart.

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