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Contrer le « coup d’Etat institutionnel » de la droite paraguayenne par la mobilisation ouvrière et populaire autonome

Nous publions ci-dessous le communiqué du 22 juin du Parti des Travailleurs Socialistes d’Argentine en réaction à la crise politique qui secoue le pays voisin, le Paraguay, à la suite de la destitution par le Congrès du président Fernando Lugo.

Anciennement appelé « l’évêque des pauvres », Lugo est arrivé au pouvoir en 2008, à l’image d’autres présidents « progressistes » en Amérique latine, dans un des pays les plus pauvres de la région et où une infime minorité de grands propriétaires possède la quasi-totalité des terres arables. Dans le cadre d’une coalition large avec la bourgeoisie opposée au règne sans partage exercé depuis les années 1950 par le Parti Colorado de l’ancien dictateur Alfredo Stroessner, Lugo a trahi ses promesses, déçu sa base sociale et n’a pas hésité à faire donner la répression contre les paysans sans-terre. Ses anciens alliés du Parti Libéral n’ont pas tenu compte des bons et loyaux services que Lugo leur avait rendus. Ils ont profité de son isolement politique pour orchestrer un « coup d’Etat institutionnel » qui n’est pas sans rappeler celui contre le président hondurien Manuel Zelaya à l’été 2009. L’attitude de Lugo a légèrement changé depuis la publication de ce communiqué. Sous la pression de la rue il dit maintenant vouloir revenir au pouvoir. Sa stratégie reste cependant inchangée. Il compte négocier son retour avec la droite paraguayenne en s’appuyant surtout sur les institutions régionales. En attendant, c’est bien entendu le mouvement populaire paraguayen, et au premier chef le mouvement paysan, qui est visé par ce coup d’Etat qui ne dit pas son nom.

Après un procès politique expéditif le Congrès dominé par la droite -Parti Libéral et Parti Colorado- a voté la destitution du président Fernando Lugo. Il a été remplacé par son vice-président, Federico Franco, du Parti Libéral, qui a rompu son alliance avec Lugo depuis longtemps déjà .

Le procès en destitution a été lancé le vendredi 15 juin, à la suite de la répression sanglante qui a couté la vie à 11 paysans sans-terre (« carperos ») qui squattaient une grande propriété ; répression que Lugo a couverte puisqu’il a soutenu l’opération policière [tout en se séparant de son ministre de l’Intérieur].

L’Eglise catholique et l’impérialisme étasunien soutiennent en sous-main la manoeuvre du Congrès. L’Armée n’a pas eu à intervenir puisque Lugo a accepté le verdict et sa destitution, montrant qu’il préférait se retirer et laisser le champ libre à la droite plutôt que d’en appeler à la mobilisation populaire.

Depuis qu’il est arrivé au pouvoir en 2008, en alliance avec la droite paraguayenne du Parti Libéral, Lugo a montré qu’il n’était prêt à prendre aucune mesure qui puisse remettre en cause les intérêts des grands propriétaires terriens, notamment l’oligarchie des producteurs de soja qui s’est renforcée au cours des dernières années, au détriment de dizaines de milliers de sans-terres. Sa promesse de réforme agraire avait suscité bien des illusions chez les paysans pauvres. Mais une fois au pouvoir, Lugo n’a fait adopter qu’une timide réforme qui ne touchait pas aux bases mêmes du latifundio. Cela a incité les grands propriétaires à mettre sur pied des milices et des gardes blanches afin de lancer une véritable guerre contre la paysannerie. Le dernier service que Lugo a rendu aux grands propriétaires, c’est la répression de Curuguaty, [à quelques 250 km de la capitale] contre des squatteurs [qui occupaient la propriété d’un richissime homme d’affaire et sénateur du Parti Colorado].

C’est avec beaucoup de cynisme que la droite héritière de la dictature stroessnériste, pour qui la vie des paysans paraguayens ne vaut rien, a utilisé la répression et le scandale qu’elle a généré afin de tirer profit de l’extrême faiblesse politique du président Lugo, pratiquement sans appuis ni alliés. Ce coup d’Etat institutionnel a pour but de mettre en place un gouvernement sans vernis populiste ou de gauche, [à a différence du gouvernement Lugo] et qui réponde directement aux intérêts des latifundistes et des grands patrons.

L’organisation régionale UNASUR [qui regroupe les pays d’Amérique du Sud] a qualifié la destitution de Lugo de « coup d’Etat institutionnel ». Dilma Roussef, la présidente du Brésil, a même laissé entendre que le Paraguay pourrait être exclu de l’organisation. La diplomatie des nations sud-américaines cherche néanmoins une issue négociée à la crise, au mieux un procès « juste » qui finira par valider le coup d’Etat. Nous avons vu cette stratégie à l’oeuvre à la suite du coup d’Etat civico-militaire qui a renversé le président hondurien Manuel Zelaya en 2009. Parallèlement, l’Organisation des Etats Américains (OEA) couvre la politique putschiste de l’impérialisme, des forces armées paraguayennes, du patronat local et de partis qui lui répondent.

Les organisations paysannes se mobilisaient depuis le 15 contre la répression gouvernementale à la suite du massacre de Curuguaty. Malgré cela, des milliers de manifestants se sont rassemblés sur la Place du Congrès [à Assomption, la capitale], mais aussi dans plusieurs villes de province au cours du procès pour destitution de Lugo, afin de dénoncer le coup d’Etat institutionnel. Lugo a néanmoins montré qu’il n’était pas disposé à affronter la droite paraguayenne et les pouvoirs économiques auxquelles elle répond. C’est seulement par la plus large mobilisation ouvrière, populaire et paysanne, en toute indépendance des partis institutionnels et du régime, qu’il sera possible de contrer cette révolution de palais orchestrée par la droite afin de mettre sur pied un gouvernement qui garantisse complètement les intérêts du grand patronat. C’est uniquement de cette façon qu’il sera possible de résoudre les principaux problèmes dont souffre le pays, commencer à mettre en oeuvre la réforme agraire et mettre un terme à la grande propriété, en finir avec la soumission du pays à l’impérialisme, et ce dans la perspective d’un gouvernement ouvrier, paysans et populaire.

Le Parti des Travailleurs Socialistes d’Argentine appelle les organisations ouvrières, populaires et d’extrême gauche, à se mobiliser dans l’unité, en solidarité avec les travailleurs, paysans et indigènes du pays frère qui luttent contre le coup d’Etat de la droite paraguayenne et pour une issue ouvrière et populaire indépendante.

Buenos Aires, 22/06/12

Source : http://www.ccr4.org/Contrer-le-coup-d-Etat-institutionnel-de-la-droite-paraguayenne-par-la-mobilisation-ouvriere-et-populaire-autonome

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L’auteur : Christophe OBERLIN est né en 1952. Chirurgien des hôpitaux et professeur à la faculté Denis Diderot à Paris, il enseigne l’anatomie, la chirurgie de la main et la microchirurgie en France et à l’étranger. Parallèlement à son travail hospitalier et universitaire, il participe depuis 30 ans à des activités de chirurgie humanitaire et d’enseignement en Afrique sub-saharienne, notamment dans le domaine de la chirurgie de la lèpre, au Maghreb et en Asie. Depuis 2001, il dirige (…)
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