CPE : Licencier n’a jamais créé d’emploi.

Le Courrier, jeudi 16 Mars 2006.


La Journée d’action convoquée aujourd’hui par les lycéens et les étudiants confirmera si l’opposition au Contrat première embauche (CPE) continue de gagner du terrain. Avec près d’une Université sur deux paralysée et une mobilisation croissante dans les lycées, le premier ministre français a du soucis à se faire pour son plan de lutte contre le chômage des jeunes. Même s’il sait que le temps - et l’échéance des examens - joue en sa faveur.

En passant en force à l’Assemblée nationale en pleines vacances scolaires, Dominique de Villepin avait espéré s’éviter le piège d’un mouvement social toujours imprévisible. La manoeuvre aurait pu lui sourire ; les âpres débats opposant étudiants grévistes et non grévistes montrent que le réflexe contestataire de la jeunesse n’est plus vraiment dans l’air du temps.

Pourtant, l’ampleur du mouvement étudiant -appuyé par les syndicats et plébiscité par les sondages- s’explique sans peine. Malgré son discours sur « l’égalité des chances », M.de Villepin n’est pas parvenu à cacher la réalité de sa réforme : en facilitant le licenciement des travailleurs de moins de 26ans, c’est bien une inégalité qu’institue le CPE. Que les jeunes refusent de devenir des salariés de seconde zone, corvéables à merci, juste bons à servir de variable d’ajustement quand les carnets de commande déclinent, ne découle pas d’un « déficit d’explication ».

Le soutien de leurs aînés -qui défileront samedi à leur côtés- est tout aussi logique. Car le CPE s’inscrit dans la série d’attaques en cours contre la loi de 1973 qui oblige un employeur à justifier tout licenciement par une « cause sérieuse et réelle ». Le Contrat nouvelles embauches (CNE), institué en 2004, supprime déjà cette disposition pour les entreprises de moins de vingt salariés.

De même, le Contrat à durée déterminée pour les plus de 57ans (CDD-seniors) ouvre le travail intérimaire à tous les domaines d’activité, alors que la loi française réserve en principe les CDD aux missions exceptionnelles.

Les effets de ce grignotage de protections conquises de haute lutte par le passé commencent à se faire sentir. Non pas par la baisse du chômage, comme le prétend la propagande libérale, mais en précarisant la vie des travailleurs. Des centaines d’ex-CNE engorgent déjà les Prud’hommes. L’écume d’une lame de fond, tant la majorité des précaires courbe l’échine. En 2004, seules 27% des embauches ont été réalisées sur la base de contrats à durée indéterminée.

Au-delà du CPE, la précarisation du statut des travailleurs -censés calquer leur vie sur les exigences de l’entreprise et du marché- ne pourra être stoppée qu’en désamorçant le discours prétendument généreux des libéraux. Aucune étude ne démontre l’existence d’un lien entre flexibilisation et baisse du chômage. Si les CNE, CDD ou CPE encouragent peut-être l’embauche, ils facilitent surtout le licenciement ! Rendant juste le taux de chômage plus sensible aux variations conjoncturelles et faisant peser sur les seuls salariés l’incertitude des marchés. Et que l’on ne vienne pas nous chanter que flexibilité rime avec productivité, et par conséquent avec croissance. Des salariés sous-payés et désécurisés risquent surtout de plomber la consommation.

S’ils entendent renverser la vapeur, les syndicats doivent désormais proposer une alternative à ces dogmes libéraux. Il serait temps de reparler de baisse du temps de travail et d’emplois d’utilité publique...

Benito Perez

- Source : Le Courrier www.lecourrier.ch

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CPE : Dix arguments de M. de Villepin et dix réponses, par Gérard Filoche.

Témoignages Contrat Nouvelle Embauche.

Des infos et vos expériences du CNE/CPE :
« Victimes du CNE ». ( Groupe en création )<BR>
http://groups.google.fr/group/victimes_cne

Pourquoi attaquent-ils le CDI et pourquoi faut-il le défendre ? par Gérard Filoche.

Le Cpe ne créera aucun emploi... d’ailleurs ce n’est pas le vrai but de M. de Villepin, par Gérard Filoche.

COMMENTAIRES  

19/03/2006 17:05 par à -nos-amis

Depuis le temps que l’on annonce "les grandes mobilisations sociales" ce n’est en réalité jamais que le pouvoir du libéralisme qui avance, et toujours plus sùrement...
A l’occasion des actions de la Conf’ paysanne, à l’occasion des grêves de la SNCM etc. elle est où la mobilisation ?
Je n’sais pas, j’m’en fîche je n’suis pas concerné.. je defends mon boulôt de cadre moyen pour dans deux ans ! la banlieue ? connais pas.. des dealers balafrés..

En tout cas votre article prouve deux choses :
- 1°) Il n’y a aucun argument decisif contre le CPE en particulier, justifiant tout ce tapage d’une main pour ramener de l’autre les ultra libéraux Strauss-Khan ou Bayrou aux affaires.
- 2°) Que c’est en fait contre le système et ses institutions dans son ensemble qu’il faut lutter, mais ça vous n’y parviendrez peut-être jamais car chacun ne voit que son interêt immmédiat personnel. Se trouve même désarmé conceptuelement sur le modèle creux, déjà testé de "la réduction du temps de travail" , une catastrophe pour l’activité des services rendus à la collectivité : hôpitaux, poste, éducation.. Alors qu’une 6ème semaine de congé payés constitueraient en fait une amélioration réelle du cadre de vie.

La réduction du temps de travail à zéro ne serait-ce pas le chômage, où est la limite ? Pourquoi ne pas "glander" ? Cependant cela ne saurait en aucun cas permettre l’élaboration heureuse d’une société évoluée, sociale et socialiste, où le plus grand nombre trouverait en paix une place épanouissante orienté vers le meilleur de soi même qui nous a été si souvent volé.

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