« Le sport est une réponse à la crise, c’est parce qu’il y a des problèmes qu’il faut mobiliser le pays vers l’organisation de grands événements. Qu’est-ce qu’il y a de plus fort que le sport, et à l’intérieur du sport qu’est-ce qu’il y a de plus fort que le football » ? s’exclamait Nicolas Sarkozy. « Dans un stade c’est un moment de communion, il n’y a plus de classes sociales » déclarait Roselyne Bachelot (1).
Le sport et plus particulièrement le football, voilà les remèdes miracles de la bourgeoisie et de ses serviteurs contre la crise du capitalisme. Ils permettent de surcroît d’abolir les classes et la lutte des classes ! Belle manière pour anesthésier la population et faire passer ainsi, sans trop de difficultés, des « réformes » douloureuses et réaliser des bénéfices fabuleux. Sauf que le football, tel qu’il est organisé aujourd’hui, est l’expression, le miroir d’une société capitaliste malade avec ses tares et sa brutalité : compétition à outrance, haine de l’autre, corruption, tricheries, racisme, chauvinisme, machisme, dopage, violence etc. etc.*
En plus de la propagande quotidienne habituelle, faits divers, météo, burqa, sécurité, etc. l’annonce de l’Euro 2016 et la coupe du monde de football constituent une véritable aubaine pour les riches en ces temps de rigueur et d’austérité. Les luttes sociales deviennent difficiles à mener durant le Mondial. Ils savent que le foot fascine et tétanise les pauvres. Il leur procure, à l’instar d’une drogue dure, des moments de plaisir en oubliant un instant leur triste sort. Le foot les fait sortir massivement dans la rue crier la victoire de leur équipe : « on a gagné ! ... on a gagné ! ». Dans ce sens il leur sert d’exutoire aux multiples privations et frustrations. En les soulageant, le football les détourne en même temps de leurs vrais problèmes.
Les grands médias, jour et nuit, vont se charger de gaver le peuple d’images, de débats, d’interview et de commentaires liés au foot. Dans les foyers, les cafés, les restaurants, dans certains établissements scolaires, les stades, sur les places publiques... des écrans de télévision, petits et grands, transmettent en direct tous les matchs de la coupe du monde. Concerts, tournois, jeux, films, expositions et autres animations sont également prévus pour célébrer cet événement sportif qui se répète inlassablement tous les quatre ans. Tout est prêt pour que les pauvres « vibrent » ensemble et oublient les luttes sociales.
Pendant ce temps là , les grandes multinationales, elles, gèrent et comptent tranquillement leurs milliards de dollars gagnés grâce à cette hystérie collective que représente la coupe du monde de football.
Profitant, lui aussi, de cette anesthésie générale, le président de la République Nicolas Sarkozy annonce solennellement le 16 juin 2010 en pleine coupe du monde la destruction de ce qui reste encore du système de retraite par répartition.
« Panem et circenses », voilà ce que les empereurs de la Rome antique offraient au peuple afin qu’il ne songe plus à sa misère.
Mais aujourd’hui ni les jeux ni le pain ne sont gratuits et les joueurs ne sont plus des gladiateurs. Le sport, comme la plupart des activités, est une vulgaire marchandise qui se vend et s’achète. Le sport, dans le cadre du capitalisme, est d’abord un marché, et un marché fabuleux. La dernière coupe du monde organisée en Allemagne en 2006 a enregistré plus de 26 milliards de téléspectateurs en audience cumulée à travers le monde. La liste des sponsors est interminable. Le chiffre d’affaire (ensemble des ventes) de la Fédération internationale de football (FIFA), l’une des organisations les plus corrompues au monde(2), a progressé de 60 % entre 2006 et 2010 (3). Les fabricants et les vendeurs de téléviseurs se frottent les mains. Sur seulement deux mois (mai/juin), leurs ventes peuvent atteindre les 200 000 postes. Les équipementiers sportifs comme Adidas, Nike et Puma s’arrachent à coup de millions de dollars des contrats avec les équipes nationales pour qu’elles portent leurs couleurs. Ils espèrent ainsi doper leurs ventes, en berne en 2009, de ballons, chaussures et autres maillots de foot. Les chaînes de télévision achètent à prix d’or les droits de diffuser les matchs afin d’ augmenter leur audience et vendre ainsi leurs spots publicitaires de trente secondes le plus cher possible.
Les corps des sportifs ne sont que des machines à sous. Les compétitions sont poussées à l’extrême afin que le spectacle soit rentable. Car seule la victoire, par tous les moyens, compte. Le dopage généralisé, dans ces conditions, devient indispensable. Le sport, paradoxalement, constitue ainsi la négation des qualités physiques des sportifs !
La bourgeoisie est donc gagnante sur les deux tableaux : endormir le peuple et faire des bénéfices.
Dans le cadre d’un capitalisme mondialisé, le sport en général et le football en particulier ne peuvent que servir la classe dominante qui les utilise comme un marché planétaire pour ses marchandises. Le football dans cette optique n’est, pour elle, qu’un instrument efficace pour faire des bénéfices. A cette fin, elle mobilise d’une manière hystérique tout son appareil idéologique et médiatique. La classe dirigeante exploite et exacerbe à l’extrême les passions et les comportements les plus grégaires et dressent les individus et les nations les uns contre les autres, les détournant ainsi des vrais responsables de leurs malheurs c’est à dire le capitalisme et la classe sociale qui le porte, la bourgeoisie.
Mohamed Belaali
(1) http://www.france-info.com
(2) Voir, entre autres, « Carton rouge, les dessous troublants de la FIFA »
d’Andrew Jennings, Presses De La Cité.
(3) Les Echos.fr