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En 1995, quand le mouvement syndical faisait plier Juppé ! les cassures d’alors demeurent plus que jamais !

Le 15 novembre 1995, le «  plan Juppé » est annoncé portant sur la réforme des retraites et de la Sécurité sociale.

Après la réforme Balladur de 1993 s’étant dans un premier temps attaqué aux salariés du privé en portant la durée de cotisation de 37,5 à 40 annuités ce plan s’attaque à présent aux salariés du public, au nom de l’égalité de traitement. Comme pour le travail de nuit des femmes, l’harmonisation c’est bien sûr toujours par le bas dans le sens de la remise en cause des conquis !

En matière de sécurité sociale il s’agit notamment de freiner les dépenses de santé par un accroissement des frais d’hôpital et des restrictions sur les médicaments remboursables

Par ailleurs Juppé envisage une restructuration avec la fermeture de gares et de lignes non rentables ainsi qu’une remise en cause des régimes spéciaux des cheminots.

 

Tous ensemble !

 

6 grandes manifestations massives (2 millions de salariés dans la rue) unies sous le « Tous ensemble  » et des grèves reconductibles vont ponctuer le mouvement avec une paralysie et un blocage total des transports publics dans les grandes villes, les cheminots constituant le fer de lance et le cœur d’un mouvement d’une puissance jamais vue depuis 1968.

Et si les salariés du privé n’entrent pas massivement dans la lutte - on parlera d’une grève par procuration - le mouvement bénéficiant de bout en bout d’un soutien majoritaire chez l’ensemble des salariés et dans la population malgré les lourdes tentatives médiatiques de renverser ce soutien. Le mouvement étant marqué par la combinaison de l’intervention syndicale (CGT principalement, FO, FSU et de militants CFDT qui fonderont Sud un peu plus tard) et des assemblées générales de salariés permettant une conduite démocratique et efficace de la grève. Malgré la gêne occasionnée aux « usagers » dans les grandes villes l’ambiance sera aux joies de la marche, au débat de société et à la convivialité et aux rencontres d’un co-voiturage anticipé.

C’est sans doute que l’opinion a bien conscience qu’il s’agit d’une accélération et d’une aggravation de l’offensive contre tous les conquis de la Libération, contre les services publics et la protection sociale au nom déjà des déficits publics, de la concurrence internationale ... au nom aussi de la construction européenne et du Traité de Maastricht imposant la mise au pli du pays pour passer à l’Euro.

Et l’on qualifiera le mouvement comme premier mouvement de résistance aux effets de la mondialisation ainsi qu’un vaste affrontement de classe entre travailleurs et l’Europe de Maastricht.

Mouvement aboutissant à une victoire certaine (même si pas totale) : le 11 décembre, Juppé «  plus tellement droit dans ses bottes » annonce ne plus toucher à l’âge de départ en retraite des régimes spéciaux de retraite (SNCF et RATP) le 15 décembre, le gouvernement étant contraint de retirer sa réforme sur les retraites de la fonction publique.

 

Le mouvement ouvrier français était redevenu une référence dans toute l’Europe et des travailleurs allemands inscrivaient sur leurs banderoles « apprenons le français ! ».

 

La cassure à gauche

 

Mais une autre caractéristique – qui perdure – va marquer le mouvement.

 

La direction de la CFDT conduite par Nicole Notat, ainsi qu’une partie du Parti socialiste, s’attaquent aux grévistes et soutiennent le plan Juppé au nom de la négation de lutte des classes, de l’esprit de compromis, de l’opposition à l’autogestion de la gauche radicale, d’une "culture de propositions" car disent-ils "Il est important de ne pas raisonner seulement en termes de rapports de forces". Au nom aussi de la pensée unique de la France d’en-haut qui martèle qu’il n’est pas de salut hors la rigueur budgétaire, du moins-disant salarial et fiscal, de l’ouverture du secteur public à la concurrence et de la soumission aux règles de l’Union européenne ...

La "guerre des deux gauches" se joue dans les colonnes du Monde, de Libération, de L’Express et du Nouvel Observateur et par revues et déclarations interposées (Esprit).

Droite et la deuxième gauche mêlent leurs anathèmes contre la grève : Pierre Joxe, Françoise Giroud, Bernard-Henri Lévy, Jean Daniel, Jacques Julliard, Pierre Rosanvallon, Raymond Barre, Alain Duhamel, Libération, Guillaume Durand, Alain Touraine, André Glucksmann, Claude Lefort, Gérard Carreyrou, Esprit, Guy Sorman ... tous approuvèrent alors un plan à la fois "courageux", "cohérent", "ambitieux", "novateur" et "pragmatique.". De son côté l’hebdomadaire du FN d’alors ( National-Hebdo ) titrait, en décembre 1995 : " [ Louis ] Viannet et [ Marc]Blondel en prison, ça réjouirait plus d’un " .

En face, la détermination populaire et d’organisations syndicales de lutte et le soutien d’intellectuels tels Pierre Bourdieu affirmant haut et fort sa solidarité avec les salariés devant les travailleurs par exemple en gare de Lyon.

 

De 1995 à nos enjeux les plus actuels, une continuité certaine !

 

Ce positionnement favorable de la deuxième gauche aux contre-réformes en 1995 n’a donc rien de circonstanciel.

Avec Hollande, Valls, Macron elle est au pouvoir.

 Après s’être fait élire sur la promesse de lutte contre la finance, elle poursuit et aggrave la même politique de régression sociale, de chômage de masse , de soumission à l’atlantisme (les ingérences guerrières) et à l’Union européenne.

La poursuite de cette politique se heurte cependant à un rejet de plus en plus grand.

Le bi-partisme qui assurait l’alternance de la droite et du PS au pouvoir, la continuité des contre-réformes est menacé par ce rejet populaire et la montée électorale du F-haine qui a pu capter ce rejet. Faute d’un projet alternatif révolutionnaire !

C’est pourquoi cette deuxième gauche, une partie de la droite et des centristes sont à la recherche d’un nouvel équilibre, d’une recomposition politique qui s’annonce autour d’un bloc central allant d’un PS social-libéralisé ouvertement et définitivement en passant par la "droite républicaine "(Juppé toujours, Raffarin ...) et les centristes (Bayrou, Lagarde ...).. Visant à écarter toute véritable alternative progressiste.

 

Ils instrumentalisent à cet effet la montée du FN dont ils sont largement responsables pour hâter l’heure de cette recomposition.

Incontestablement le légitime souci de barrer la route du pouvoir au FN dans ces régionales sert de terrain d’expérimentation afin d’habituer les électeurs d’une droite "républicaine" et de gauche à mélanger leurs suffrages.

Et ce n’est pas un hasard si Valls ne s’est pas contenté d’en appeler à faire barrage au FN après retrait des listes du PS, mais a appelé nominativement les électeurs de gauche à voter pour X. Bertrand et C. Estrosi, ce dernier pourtant fortement emprunt du discours frontiste.

 

Face à ces manoeuvres le comportement de la gauche de la gauche est plus qu’inquiétant.

 

La fusion des partis constituant le Front de gauche avec la PS, notamment en Ile-de-France et en Normandie constitue une faute majeure qui de fait cautionne et la politique présente du pouvoir exclusivement au service du MEDEF et de l’oligarchie et la recompostion politique droitère qui se prépare.

De la même manière que le vote de l’"état d’urgence" déjà utilisé contre le mouvement syndical et social constitue un ralliement de fait à la funeste "union sacrée" dont les travailleurs ont toujours fait les frais dans l’histoire !

 
Mais cette présente attitude politique et syndicale plonge également ses racines dans ces années 90 :

 

Paradoxalement, alors que le grand mouvement populaire de 95 fait preuve de toutes les caractéristiques prometeuses évoquées, c’est aussi le moment d’ un tournant décisif pour les organisations ouvrières.

C’est en effet à la même époque que la direction de la CGT va initier un grand virage : rapprochement avec la direction de la CFDT au nom du "syndicalisme rassemblé", acceptation des conditions d’adhésion à la CES sous le contrôle de Nicole Notat et départ de la FSM, la réforme statutaire, précisément à l’occasion du 45e congrès.

Et que le PCF va de son côté abandonner toute lutte contre l’Europe de Maastricht et contre l’Europe au nom de " "l’Europe sociale ", délaissant totalement le monde ouvrier et populaire et ouvrant la voie au détournement de la colère par le simulacre d’alternative populaire porté par le FN qui reste farouchement, derrière le vernis social, un parti d’extrême droite diamétralement opposé aux intérêts de la classe ouvrière.

 

 Les enjeux de construction d’un rassemblement populaire anticapitaliste sur des valeurs universelles, de souveraineté populaire et nationale demeurent donc avec une gravité et une urgence plus grandes que jamais !

C’est dire aussi que l’heure est venue pour le syndicalisme et particulièrement la CGT à l’occasion du 51e congrès de clarifier radicalemnt ses orientations au regard du bilan de ces 25 dernières années !

Et syndicalement retenons de 1995, plutôt l’efficacité de la puissance d’un mouvement social démocratiquement rassemblé en bas, du « tous ensemble en même temps » seul capable de contenir les contre-réformes, du nécessaire ancrage dans l’antagonisme capital-travail, qui structure toujours en profondeur la société, et dans le syndicalisme de classe et de masse pour faire gagner le camp du travail au lieu de négocier sans fin des « plans sociaux », des baisses de salaires et des contre-réformes.

 

C’est la seule voie pour permettre de passer à la contre-offensive, de redonner confiance aux travailleurs dans leur force et dans leur unité, ainsi de faire reculer l’influence nauséabonde de l’extrême droite, et de faire voler en éclat tous les calculs politiciens !

 

Seule l’irruption du mouvement social comme en 1995 est capable de déjouer tous les pièges qui nous sont tendus et de mettre effectivement hors jeu l’extrême droite comme à chaque fois que les travailleurs interviennent conformément à leurs intérêts !

 

Le Front Syndical de Classe
10 décembre 2015
 
»» http://www.frontsyndical-classe.org/2015/12/en-1995-quand-le-mouvement...
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