Est-il possible d’allier le meilleur du capitalisme et du socialisme ?

Enrique Ubieta explique l’histoire des politiques dites « centristes » et leurs objectifs à Cuba.. Foto : Annaly Sánchez/ Cubasí/ Cubadebate
José Raúl Concepción

Enrique Ubieta, directeur des revues Cuba Socialista et La Calle del medio, s’est entretenu avec le site Cubadebate au sujet de questions comme le centrisme politique, le néo-annexionnisme et l’affrontement permanent entre socialisme et capitalisme, en tant que systèmes antagoniques, des sujets d’intérêt dans le cadre de la lutte idéologique à laquelle le monde est aujourd’hui confronté

À l’époque où le monde était bipolaire, quelqu’un énonça une idée qui semblait évidente : « Regroupons le meilleur du capitalisme et du socialisme en un seul système. » Chacun ayant ses défauts et ses vertus, pourquoi ne pas se débarrasser de ce qui est inutile. L’idée est attirante. Ce serait une sorte de société idyllique. Mais qu’est-ce qui empêche de la réaliser ? Pourquoi continue-t-on de parler de capitalisme et de socialisme. Derrière cette évidence se cache une autre évidence : il est impossible d’extraire le meilleur du capitalisme comme s’il s’agissait d’un fruit qui s’est abîmé en tombant de l’arbre. Les vertus de ce système sont ancrées sur ses défauts.

Il semble que l’idée n’apportait pas ce qu’elle promettait et nous nous retrouvons confrontés aux mêmes options : soit maintenir le mode de vie qui nuit à chaque recoin de la planète, soit chercher une alternative qui apporte une solution aux problèmes à sa racine.

En politique, comme dans la vie, être au centre se révèle compliqué. Mais il existe le funambulisme.

Cubadebate a eu un entretien sur la question du centrisme politique avec l’intellectuel cubain Enrique Ubieta, qui a répondu à quelques questions simples en dissertant sur l’Histoire, la pertinence et la possibilité d’appliquer à Cuba la dénommée « troisième voie ».

* * *

Le centrisme peut-il représenter le meilleur du capitalisme et du socialisme ?

Le capitalisme n’est pas une somme d’aspects négatifs et positifs, d’éléments qui peuvent être sauvés ou mis au rebut : c’est un système, qui a un moment donné fut révolutionnaire et qui, aujourd’hui, ne l’est plus. Il englobe et enchaîne tout : la technologie de pointe, la richesse la plus sophistiquée et la misère la plus absolue. Les éléments qui contribuent à une plus grande efficacité dans la production sont ceux-là mêmes qui aliènent le travail humain. Ceux qui génèrent de la richesse pour quelques-uns produisent de la pauvreté pour les majorités, au niveau national et international. C’est un leurre, me semble-t-il, de se fixer cet objectif : le « meilleur du capitalisme » n’existe pas, comme si celui-ci pouvait être rectifié, comme si un bon capitalisme était possible. Il en existe de très mauvaises versions, comme le néolibéralisme ou le fascisme, mais je n’en connais aucune de bonne. Le capitalisme est toujours sauvage.

Quant au socialisme, à différence du capitalisme, ce n’est pas un tout organique, une réalité déjà construite, mais une voie qui n’écarte pas d’un seul coup le système qu’il tente de dépasser. Nous expérimentons ici et là ; nous adoptons de nouvelles formes ; nous avançons et nous reculons ; nous supprimons ce qui ne fonctionne pas ; nous rectifions les erreurs aussi souvent que nécessaire. Il s’agit d’un chemin vers un monde différent, en plein cœur de la jungle, parce que le capitalisme est le système hégémonique. Ce qui caractérise le socialisme, c’est son intention avouée, consciente de dépasser le capitalisme.

Existe-il un centre ? Sur quelles bases est-il établi ?

Dans le système électoral capitaliste, il existe soi-disant une gauche et une droite, mais cette gauche, qui a pour matrice idéologique la social-démocratie – qui était marxiste à l’origine et prétendait réformer le capitalisme jusqu’à le faire disparaître progressivement – est aujourd’hui un rouage du système. Elle a renié le marxisme et se différencie des partis conservateurs dans ses politiques sociales et dans sa compréhension sans préjugés de la diversité.

La formule centriste fonctionne à l’intérieur du système capitaliste comme un recours électoraliste. L’électeur – traité comme un client dans un système électoral qui fonctionne comme un marché – en a assez de voir les partis de droite et de gauche s’alterner et appliquer des politiques semblables, et découvrir que le système construit une fausse troisième voie.

Mais les vrais pôles ne se trouvent pas à l’intérieur d’un système, ils s’opposent : ce sont le capitalisme et le socialisme. Il n’existe pas de centre, d’espace neutre entre les deux systèmes. La sociale-démocratie se situe à l’intérieur du capitalisme, mais fait semblant d’être un centre, qui tente de faire ce qui pour nous est impossible : prendre le meilleur de l’un et l’autre système.

En réalité, cela entraîne une alternance de méthodes et non d’essences. Au-delà de cas très isolés, comme celui d’Olof Palme en Suède, un pays très riche qui, bien qu’il n’ait pas eu de colonies, a tiré profit du système colonial et néocolonial, pour le simple fait d’appartenir au système capitaliste.

La social-démocratie, qui semblait triompher, a perdu son sens à la chute de l’Union soviétique et après la disparition du camp socialiste. Même en Suède, elle s’est effondrée (Olof Palma fut assassiné).

Dès lors, le système n’a plus eu besoin d’elle et elle doit donc se recomposer. La « troisième voie » de Tony Blair est un centre qui a glissé encore plus vers la droite : elle accepte et instrumentalise une politique néolibérale et s’allie aux forces impérialistes dans ses guerres de conquête. L’histoire de la social-démocratie est essentiellement européenne.

Quel rôle pourraient jouer les politiques du centre à Cuba ?

En définitive, en quoi consiste ce centre ? Il s’agit d’une orientation politique qui s’approprie d’éléments du discours révolutionnaire, adopte une posture réformiste et, en dernière instance, il freine, retarde ou bloque le développement d’une véritable révolution.

Et dans d’autres cas, comme le nôtre, il tente d’utiliser la culture politique de gauche qui existe dans la société cubaine, car nul ne peut arriver ici avec un discours d’extrême droite pour tenter de gagner des partisans. Il faut utiliser ce que les gens interprètent comme juste et, à partir ce discours de gauche, commencer à introduire le capitalisme par la porte de derrière. Tel serait le rôle du centre au sein d’une société comme la cubaine.

Avec des terminologies et des contextes différents, des politiques semblables au centrisme ont été présentes dans l’Histoire de Cuba depuis que le mouvement dit « autonomisme » tenta de stopper la Révolution indépendantiste de 1895…

Pourquoi croyez-vous qu’il y a une sorte de résurgence du centrisme à Cuba dans le contexte actuel ?

Dans l’histoire de Cuba, la division de tendances entre la pensée réformiste et la pensée révolutionnaire est très claire. Il s’agit d’une vieille discussion dans l’histoire du marxisme, mais je ne ferai référence qu’à la tradition cubaine.

Le réformisme était représenté par l’autonomisme et par l’annexionnisme. Certains auteurs insistent sur l’idée que l’annexionnisme aspirait à une solution radicale, parce qu’il souhaitait la séparation de l’Espagne. Dans ce cas, le terme « radical » est mal utilisé, car on n’allait pas à la racine du problème.

La solution de l’annexion de Cuba aux États-Unis était radicale seulement en apparence, car elle prétendait maintenir les privilèges d’une classe sociale et lui éviter par ailleurs l’usure économique d’une guerre pour l’indépendance et conserver le statut quo à travers la domination d’un autre pouvoir, censé garantir l’ordre.

Les deux tendances, l’annexionnisme et le réformisme, avaient comme base le manque de confiance absolue dans le peuple. La peur de la « racaille métisse », comme disaient les autonomistes.

Le réformisme vendu [aux États-Unis], qui s’est maintenu tout au long de l’histoire de Cuba jusqu’à nos jours, ne s’est pas éteint. La Révolution de 1959 l’a balayé en tant qu’option politique réelle, mais la lutte de classes n’a pas disparu. Si la bourgeoisie ou celle qui aspire à l’être tente de reprendre le pouvoir à Cuba, aussi bien celle qui s’est formée à l’étranger que celle qui pourrait être en gestation dans le pays, elle aura besoin d’une force de soutien extérieure.

À Cuba, un capitalisme autonome serait impossible. Il n’existe plus désormais dans aucune partie du monde, encore moins dans un petit pays sous-développé. Le capitalisme cubain, comme dans le passé, ne peut être que néocolonial ou semi-colonial. La seule forme pour la bourgeoisie de reprendre et de maintenir le pouvoir à Cuba, c’est à travers un pouvoir extérieur. C’est la seule option pour reproduire son capital, et nous savons bien que la patrie de la bourgeoisie, c’est le capital.

À l’heure actuelle, il existe une situation qui favorise ce type de tactiques centristes, propagées à Cuba depuis le Nord : la génération qui a fait la Révolution achève son cycle historique biologique ; environ 80% de la population cubaine n’a pas vécu l’époque du capitalisme. Vous imaginez, Cuba est un pays qui tente de construire une société différente de celle que les gens n’ont pas vécue. Il existe une situation de changement, dans laquelle de nouveaux éléments sont introduits, – qui auparavant étaient rejetés –, dans la conception du modèle économique et social. C’est dans ce contexte que les forces pro-capitalistes construisent leur discours pseudo-révolutionnaire, en apparence seulement, lié aux changements qui s’opèrent dans le pays.

La mise à jour du modèle économique et social cubain a-t-elle quelque ressemblance avec le centrisme ?

Elle n’en a aucune. Je me réfère à des concepts que j’ai découverts chez le philosophe argentin Arturo Andrés Roig. Il est indispensable de différencier deux plans ; le discours et la « directionnalité discursive », la signification et le sens.

Je me souviens que lorsque j’étudiais les années 1920, j’ai constaté que Juan Marinello et Jorge Mañach disaient à peu près la même chose. Ils maniaient des concepts très semblables, parce que c’étaient des intellectuels à l’avant-garde de la pensée et de l’art cubains.

Or, si l’on étudie la trajectoire de chacun d’eux, on comprendra que ces mots, de signification semblable, avaient des sens différents. Marinello adhéra au Parti communiste, alors que Mañach fonda un parti à tendance fascisante.

L’un se battait pour la justice sociale et le socialisme, alors que l’autre souhaitait tardivement devenir l’idéologue d’une bourgeoisie nationale qui n’existait plus. Je ne pense pas que cette rupture soit seulement le résultat d’une évolution ultérieure : elle était déjà implicite dans la directionnalité historique différente de leurs discours.

Cette différenciation de sens est de la plus haute importance, aujourd’hui plus que jamais, parce que nous vivons dans un contexte linguistique très contaminé, de promiscuité, dans une société globale qui a assimilé le discours, y compris les gestes traditionnels de la gauche, surtout à partir de la Seconde guerre mondiale. La lutte de classes est masquée, si bien qu’il nous faut lever le voile sur ceux à qui nos interlocuteurs prêtent leurs services.

Que se proposent les Orientations ? Chercher leur propre voie, alternative, pour avancer vers le socialisme, car il n’existe aucun modèle universel, chaque pays, chaque moment historique étant unique. Un socialisme cubain signifie un chemin cubain vers une société différente de celle du capitalisme, dans un monde hostile, depuis la pauvreté, le blocus implacable et l’absence de ressources naturelles, excepté les connaissances acquises de ses citoyens.

Telle est la situation réelle de Cuba. Nous nous proposons de maintenir et d’approfondir la justice sociale que nous avons atteinte, et pour ce faire nous devons dynamiser les forces productives. C’est la raison pour laquelle nous avons fixé des limites à l’accumulation de la richesse et de la propriété, et que nous nous préoccupons des mécanismes de contrôle de ces limites.

À l’inverse, les centristes, avec un langage semblable au nôtre, prétendent que nous avons abandonné l’idéal de justice sociale, et exigent un approfondissement de ces changements, ce qui conduirait au démantèlement des acquis en termes de justice.

L’« approfondissement » exigé par les centristes, tant du point de vue économique que politique, est un retour au capitalisme. Dans notre société, les opinions critiques et divergentes peuvent et doivent être écoutées, mais toutes doivent viser un même horizon de sens.

Lorsque quelqu’un affirme que le socialisme n’est pas parvenu à éradiquer la corruption ou la prostitution, j’en suis triste car je sais que c’est vrai. Mais en même temps, il faudrait se poser la question : Que ferait le capitalisme à propos de cela ? Il le multiplierait.

Lorsque l’accusation n’implique pas un chemin visant le renforcement du système que nous avons dans le pays – le seul qui puisse remédier à ses défauts, ses insuffisances et ses erreurs – mais vers sa destruction, cette critique est contre-révolutionnaire.

Car tout ce que nous ferons ne sera pas une réussite ; nous commettrons des erreurs, c’est certain. Celui qui avance se trompe. L’important, c’est d’avoir la capacité de rectifier et d’être très clair sur le sens de ce que nous sommes en train de faire et pourquoi nous le faisons. Si à un moment quelconque nous perdons le cap, il nous faudra consulter notre boussole pour nous repérer dans nos choix. Tout ce que nous pourrons faire maintenant, tout ce que nous discuterons, devra être marqué par l’éclaircissement de ce que nous voulons et vers où nous allons.

Peut-on être à la fois centriste et révolutionnaire ?

Absolument pas. Un réformiste n’est pas un révolutionnaire. Ce qui ne signifie pas qu’un révolutionnaire ne peut pas faire de réformes. Les révolutionnaires ont fait la Réforme agraire, la Réforme urbaine. Être réformiste, c’est autre chose.

Le réformiste fait confiance aux statistiques et aux descriptions exhaustives de son environnement, qui finissent par le rendre incompréhensible. Une description minimaliste des murs de cette maison ne nous permettrait pas de comprendre où nous sommes, parce que cette pièce est dans un bâtiment, dans une ville, dans un pays, autrement dit la description, pour être utile, suppose une meilleure compréhension. Il faut s’élever comme le vol d’un condor pour être révolutionnaire, comme l’exigeait José Marti.

Le réformiste est descriptif – il croit que la réalité s’épuise dans ce qu’il voit et ce qu’il touche –, c’est pourquoi il se trompe et échoue. En politique, le réformiste ne peut qu’ajouter les quatre éléments visibles de l’environnement social.

Le Révolutionnaire ajoute un cinquième élément subjectif non détectable à première vue. Un élément que le réformiste ne prend pas en compte, car il n’a pas confiance dans le peuple.

Nous pouvons résumer ce cinquième élément dans les retrouvailles historiques à Cinco Palmas entre les huit survivants du débarquement du yacht Granma, que Raul a rapporté par ces paroles : « Fidel me donna une accolade et la première chose qu’il fit fut de me demander combien de fusils j’avais, d’où la phrase célèbre : "Cinq, plus deux que j’ai, cela fait sept. Maintenant oui, nous allons gagner la guerre !" ». C’est ce saut dans l’abime que demandait José Marti.

C’est ce qui différencie un révolutionnaire d’un réformiste. Et un centriste est quelque chose de pire qu’un réformiste, car d’une certaine manière, c’est un simulateur.

Dans la tradition européenne, toute cette trame conceptuelle, théorique, politique qui s’est tissée depuis le 19e siècle donne une certaine épaisseur aux débats.

À Cuba, ces débats révèlent leur arrière-plan de façon beaucoup plus évidente. Tout ce verbiage qui prétend unir capitalisme et socialisme, rester révolutionnaire sur un plan discursif, mais contre-révolutionnaire dans la pratique, met aussi en évidence, d’une certaine façon, un certain degré de lâcheté, une certaine incapacité à diriger un projet dans lequel ils sont censés croire. Un projet qui est totalement opposé au nôtre, mais ils n’ont ni la force politique ni le courage suffisant pour l’assumer ouvertement.

(Tiré de Cubadebate)

 http://fr.granma.cu/cuba/2017-07-13/est-il-possible-dallier-le-meilleur-du-capitalisme-et-du-socialisme

COMMENTAIRES  

15/07/2017 07:25 par babelouest

Nous serons révolutionnaires, ou nous ne serons pas.

Être révolutionnaire, à mon avis, c’est faire table rase de tous les soubassements actuels de la vie en société. C’est par exemple jeter à bas la notion même de propriété privée. C’est refuser la loi de l’échange, en la remplaçant par la société du partage.

Ainsi disparaît, corps et bien, toute monnaie. Ainsi disparaît le métier de banquier. Ainsi s’efface l’ombre même du capitalisme.

J’en suis convaincu, c’est possible. Mais pour cela, il faudra que les enfants soient incités, très jeunes, à partir sur ces nouvelles prémisses, qui ne sont pas évidentes. Eh bien, autant s’y mettre tout de suite, non ?

16/07/2017 15:59 par UVB76

" 100 ans après le coup d’État bolchevique "

Progressivement, la Russie prend conscience qu’elle est le dernier rempart dans la lutte mortelle contre les valeurs morbides de l’Occident.

À l’occasion du centenaire de la Révolution d’Octobre 1917, nous avons l’intention de poser la même série de questions aux personnalités de la Moldavie, la Roumanie, la Russie et les pays occidentaux. Ces entretiens ont pour but de représenter une modeste contribution à la réévaluation des événements qui ont marqué le XXe siècle. Bien que 100 ans se soient écoulés, dans la conscience du public de l’espace ex-communiste et du monde entier, il y a encore beaucoup de préjugés sur les causes profondes de ce bouleversement majeur, mais aussi sur la façon dont la « révolution prolétarienne » est traitée par l’élite politique, le milieu universitaire et la hiérarchie de l’église. Trouver des réponses appropriées à certaines questions d’une telle complexité nous semble absolument vital.

Iurie Roșca

Lien : http://lesakerfrancophone.fr/100-ans-apres-le-coup-detat-bolchevique

16/07/2017 16:24 par UVB76

Extrait : " Parce que le Système, l’oligarchie financière, c’est-à-dire le véritable pouvoir, joue de l’antagonisme artificiel entre des idéologies apparemment opposées (marxisme/capitalisme, libéralisme/fascisme, gauche/droite, collectivisme/libéralisme) pour mieux faire avancer ses pions. En créant de fausses alternatives et en jouant sur l’affrontement provoqué entre deux conceptions du monde apparemment opposées mais en fait complices ou manipulées, le Système poursuit sa mission d’effacement de la religion, des traditions, des peuples et des cultures et cela siècle après siècle afin de parvenir à son but final qui est ce qu’il appelle lui-même la Gouvernance mondiale. "

16/07/2017 23:35 par alain harrison

Bonjour.

« « À Cuba, ces débats révèlent leur arrière-plan de façon beaucoup plus évidente. Tout ce verbiage qui prétend unir capitalisme et socialisme, rester révolutionnaire sur un plan discursif, mais contre-révolutionnaire dans la pratique, met aussi en évidence, d’une certaine façon, un certain degré de lâcheté, une certaine incapacité à diriger un projet dans lequel ils sont censés croire. Un projet qui est totalement opposé au nôtre, mais ils n’ont ni la force politique ni le courage suffisant pour l’assumer ouvertement. » »

L’action doit accompagner le discours.

La Constituante mener par le peuple comme maître d’oeuvre serait la voie à suivre ?
En prenant conscience qu’un nouveau pacte social soit au rendez-vous (lois, règlementations, etc.)
Le point dominant, dans la question d’unir capitalisme et socialisme, est assujetti à l’économie capitaliste. Ce dont il faut se défaire prioritairement.
Le nouveau paradigme économique doit trouver ses bases ailleurs, que dans les théories économiques existantes. Il doit prendre racine dans l’imaginaire du partage, de la coopération (coopératives autogérées et partagées sans patron ou pseudo) et de la complémentarité, en respectant les diversités des ressources pour atténuer les impactes écologiques.
Le seul impacte toléré est l’échange des complémentarités entre pays et continents.

La limitation des biens est incontournable. Mais ceux-ci doivent être de très grande qualité.
Un commentaire intéressant sur ce dernier aspect :
Commentaire :
Fabien07 (—.—.—.71) 13 mars 12:37
Si on en croit Steve Keen, la théorie libérale ne rend pas compte de la complexité de la réalité. Pire, elle se trompe complètement à bien des égards. Aussi l’enjeu est de « faire coller » la réalité avec la théorie que personne ne veut questionner. Il y a donc un intérêt majeur à uniformiser les comportements pour que ça « colle » à la théorie et que donc « enfin » ça fonctionne. Et je crois que c’est ce qui est en cours depuis de nombreuses années, par la publicité, la télévision, les journaux, la littérature et l’école…
On parle d’intervention de l’Etat en matière de régulation des prix et de lutte contre les monopoles. Mais il me semble que la raison principale pour laquelle on se retrouve avec le moteur à explosion à faible rendement, les centrales nucléaires, des objets inefficaces, qui polluent et qui ne durent pas, des tas de gadgets à l’utilité très discutable, ou encore une ribambelle de médicaments inutiles voire nocifs, c’est parce que la politique n’intervient pas assez dans l’orientation des choix de production et de recherche. De même, l’Etat ne limite pas la consommation et donc le gaspillage des ressources et la pollution.
L’économie planifiée (mon Dieu, pourriture de communiste !) pourrait nous permettre de résoudre un certain nombre de problème. Un des leviers utilisable serait que le crédit soit exclusivement géré par l’Etat (entendez un Etat qui serait le peuple, donc géré par les citoyens – et il y a du boulot pour instaurer une démocratie).
Je prends un exemple : Mr. veut se lancer dans la production de réfrigérateurs. L’administration étudie sa demande en fonction de la pertinence de sa proposition, des ressources disponibles, de l’état de la demande et décide si oui ou non elle lui octroie les crédits pour mener à bien son projet (éventuellement on vote même). Par exemple, on pourrait estimer que les besoins sont déjà comblés et l’orienter plutôt vers une collaboration avec les acteurs présents (la nécessité de la concurrence est discutable lorsqu’on a la possibilité de contrôler ce qui se fait et comment). Ou alors, on pourrait estimer qu’on peut faire bien mieux que des frigos qui durent 8 ou 10 ans et refuser toute proposition à moins de 100 ans de durée de vie (en tenant compte des capacités techniques du moment), et qui n’intègre pas le recyclage des pièces en fin de vie… On pourrait conditionner l’octroi du crédit à un certain nombre de critères : centralisation de la production, conditions de travail, impact environnemental etc.
En clair : les choix technologiques, de production et de distribution seraient conditionnés par la volonté de satisfaire au mieux les besoins de TOUS, de la manière la plus EFFICACE possible et à un moindre coût environnemental. Je n’ai pas employé le mot profit, car il ne doit plus faire partie de l’équation.
Aujourd’hui, ce sont les banques privées qui font la loi, et qui décident seules de ce qui sera ou non financé, selon des critères qui sont loin d’être humanistes mais qui reflètent plutôt la soif de profit et de pouvoir, et une certaine « philosophie » du « après moi, le déluge »…
Je crois qu’il est temps de questionner nos systèmes politiques, économiques et sociaux, si l’on veut sauvegarder ce qu’il reste de la civilisation.
Site :
http://www.agoravox.tv/actualites/politique/article/l-economie-independante-de-la-52599

18/07/2017 09:07 par CN46400

Cet article ne parcourt que la moitié du chemin ; Son intérêt est de nommer le capitalisme par son vrai nom plutôt que par celui, libéralisme, que lui a donné la bourgeoisie qui pense, et désigne, tout en tenue de combat. Utile aussi le rappel du rôle "éminemment révolutionnaire (KM)" de la bourgeoisie et de son système. Mais une lacune, dommageable à mon sens, obscurcit le raisonnement. Le socialisme serait-il une fin où un intermède entre le capitalisme (et son état) et le communisme (sans état), non désigné dans l’article ? Dans ce raisonnement c’est le socialisme lui-même qui deviendrait un "centrisme" entre l’ancien ; (le capitalisme bourgeois) et le futur, (le communisme prolétarien).
Relisons Lenine, surtout ce qui concerne la NEP, et on comprendra mieux pourquoi le socialisme, tant qu’il n’aura pas supplanté économiquement, et militairement, les états capitalistes, devra entretenir un état capable, aussi bien, de contrer les empiètements bourgeois, que de s’insérer dans les relations internationales pacifiques. C’est ce qu’il nomme "capitalisme d’état" où l’état n’est plus aux ordres du capital mais où le capital est aux ordres de l’état. De là à qualifier cette inversion de "révolution socialiste", mais pas de "révolution communiste", il n’y qu’un pas que Lénine n’hésitait pas à franchir.
Pourtant, Fidel Castro distinguait souvent le communisme du socialisme....

18/07/2017 13:13 par Roger

Le capitalisme n’est pas une somme d’aspects négatifs et positifs, d’éléments qui peuvent être sauvés ou mis au rebut : c’est un système...
...Quant au socialisme, à différence du capitalisme, ce n’est pas un tout organique, une réalité déjà construite, mais une voie qui n’écarte pas d’un seul coup le système qu’il tente de dépasser...
...Ce qui caractérise le socialisme, c’est son intention avouée, consciente de dépasser le capitalisme.

Je suggère de faire passer cet article aux militants du PS qui pensent sans doute encore qu’on peut à la fois promouvoir le socialisme et sauver le capitalisme (ou l’inverse !).
Décidément, Cuba, nous donne toujours non seulement des exemples de ce qu’il est possible de faire pour vivre autrement, mais aussi matière à penser pour faire de la politique autrement...Les deux étant d’ailleurs intimement lié dans une praxis créative.

18/07/2017 13:47 par legrandsoir

@CN46400

"...Son intérêt est de nommer le capitalisme par son vrai nom plutôt que par celui, libéralisme, que lui a donné la bourgeoisie... "

A signaler que pratiquement toute la gauche (PCF compris) utilise le mot de "libéralisme" pour éviter le (gros) mot de "capitalisme".

18/07/2017 16:26 par Autrement

Merci pour ce passionnant et lumineux article sur Cuba, et à propos de Cuba, sur le communisme et la stratégie.
Voici, datant de 1996, un apport de Lucien Sève à la discussion :

NON, cette fin de siècle n’a pas sonné le glas du « communisme » : ce qui s’est écroulé à l’Est est bel et bien le socialisme, dans sa discordance devenue foncière avec le projet communiste. L’idée socialiste elle-même s’est disqualifiée en s’identifiant, dans sa version sociale-démocrate aussi bien d’ailleurs que stalinienne, à la superstition du changement par en haut et de la gestion étatiste sur fond de rabougrissement général des ambitions libératrices. Voilà qui aide à comprendre l’échec non seulement à l’Est mais, de façon certes très différente, à l’Ouest : trois quarts de siècle après la création des partis communistes, en dépit de tant de luttes et d’acquis, la « révolution socialiste » n’a eu lieu dans aucun pays capitaliste développé. Cette visée-là n’est plus plausible. Quelle perspective alors pour le combat anticapitaliste ? Sauf à reculer sur le fond, il nous faut prendre de nouveau au sérieux la réponse de Marx : celle du communisme comme « mouvement réel dépassant l’état de choses existant ». Raviver cette réponse en la réactualisant hardiment : telle est la tâche. Ne nous cachons pas tout le travail de pensée et d’action qu’elle appelle encore, par-delà les formules humanistes dont la simple répétition peut rendre les communistes sympathiques (bonnes opinions en hausse) mais guère crédibles (intentions de vote en panne).

Bonnes opinions en hausse ? Hélas, ce n’est déjà plus vrai, par la faute des merdias bourgeois, oui, mais aussi du Pcf lui-même, qui est resté obstinément collé aux fauxcialistes et aux "rassemblements" de sommet ; et il serait grand temps de réagir.
Source : contribution de Lucien Sève (qui était encore au parti) pour le 29ème congrès, publié dans l’Huma le 1er octobre 1996 :
http://www.humanite.fr/node/504225
Conclusion de l’article :

Oui, la radicalité révolutionnaire est plus que jamais de saison, mais on la tuerait en la figeant dans ses formes d’avant-hier quand après-demain frappe à la porte. Le Parti aura peine à construire la radicalité nouvelle avant d’être devenu bien davantage celui des femmes et des hommes qui vivent à sa source - entreprise de pointe, université, hôpital... -, mais il le deviendra difficilement avant de l’avoir construite. Ce cercle vicieux n’est-il pas l’une des raisons de poids qui plaident pour le dépassement de l’actuelle forme-parti dans une force communiste de nouvelle génération ?

Et je reviens à l’article sur Cuba, dont il vaut la peine de peser chaque paragraphe, car de nouveau il nous faut aussi nous projeter dans le "temps long" ; et par exemple :

Cette différenciation de sens est de la plus haute importance, aujourd’hui plus que jamais, parce que nous vivons dans un contexte linguistique très contaminé, de promiscuité, dans une société globale qui a assimilé le discours, y compris les gestes traditionnels de la gauche, surtout à partir de la Seconde guerre mondiale. La lutte de classes est masquée, si bien qu’il nous faut lever le voile sur ceux à qui nos interlocuteurs prêtent leurs services.

Car tout ce que nous ferons ne sera pas une réussite ; nous commettrons des erreurs, c’est certain. Celui qui avance se trompe. L’important, c’est d’avoir la capacité de rectifier et d’être très clair sur le sens de ce que nous sommes en train de faire et pourquoi nous le faisons. Si à un moment quelconque nous perdons le cap, il nous faudra consulter notre boussole pour nous repérer dans nos choix. Tout ce que nous pourrons faire maintenant, tout ce que nous discuterons, devra être marqué par l’éclaircissement de ce que nous voulons et vers où nous allons.

18/07/2017 20:23 par CN46400

@ LGS
Vous avez raison, même au PCF c’est le vocabulaire bourgeois qui prédomine, plus de "bourgeoisie",ni de "prolétariat", ni bien sûr de "prolétaire" (celui qui doit travailler pour vivre), ni "d’ouvrier" et encore moins de "classe ouvrière". Et surtout pas d’exploitation, la capitulation dans les idées commence par la capitulation dans les mots. Les mots imposés par la bourgeoisie ne sont jamais neutres. Quand on parle de "gens" on ne pense pas à la lutte des classes.....

Mais pour revenir à Fidel, c’est bien lui qui, à la chute de Kroutchev, (qui avait promit l’avènement du communisme en URSS pour 1980), avait fait remarquer que le communisme ne pouvait pas cohabiter avec le capitalisme sur la Terre.

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