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États Unis : Fin d’époque avec la gauche radicale qui enfonce un coin dans le bipartisme séculaire !

Qui a gagné et qui a perdu aux élections américaines du 6 novembre 2018 ? Trump ? Les Démocrates ? Ou plutôt d’autres passés sous silence par les médias internationaux ? Les réponses à ces questions ne sont pas difficiles et on peut se demander pourquoi l’avalanche d’informations et d’analyses les ignore superbement préférant embrouiller plutôt qu’éclairer l’opinion publique...

Tout d’abord, Trump est sûrement le perdant des élections et pas seulement parce que la Chambre des Représentants a changé de mains et est désormais contrôlée par ses adversaires. En réalité, même ses « victoires » au Sénat, pour lesquelles il s’est tellement vanté durant sa conférence de presse post-électorale si mouvementée, sont factices. Pourquoi ? Mais, parce que c’est exactement à ces élections sénatoriales que les Démocrates ont infligé aux Républicains une défaite cuisante, les distanciant de plus de 12 millions de voix ! Pas de doute qu’à ce point, le lecteur va se demander : Comment ça se fait que les gagnants perdent et que les perdants gagnent ? La réponse est insolemment simple : Ceci est non seulement possible mais aussi... « légal » parce qu’indépendamment du nombre de ses habitants, chaque État fédéral fait élire deux sénateurs. C’est ainsi que l’État de Wyoming envoie au Sénat autant de sénateurs que la Californie bien que sa population est ... 69 fois moindre ! Après ce « rappel », on n’est pas surpris d’apprendre que les fameuses « victoires » de Trump ont été obtenues dans deux petits États ruraux…

La conclusion logique de tout ça devrait être que les grands vainqueurs des élections sont les Démocrates. C’est vrai, mais...de quels Démocrates s’agit-il ? De ceux qui votent presque tous les projets de loi de Trump ou de ceux qui manifestent dans les rues contre lui ? De l’establishment dirigeant des Démocrates ou de ceux qui s’affrontent à lui, allant même jusqu’à battre dernièrement aux primaires plusieurs de ses « barons ». Et surtout, des Démocrates traditionnels « pur-sang » financés par les grandes multinationales ou de ceux qui sont membres des Démocrates Socialistes d’Amérique (DSA) et d’autres organisations et mouvements progressistes, et qui persistent à refuser le “soutien” généreux des grands capitalistes ?

« Et alors, quoi ? » pourrait s’écrier le lecteur insoupçonné. Et pourtant il y a de quoi s’intéresser parce que ces différenciations commencent déjà à façonner le nouveau paysage politique et social américain. Et surtout, parce qu’elles promettent d’avoir très bientôt des conséquences cataclysmiques senties bien au-delà des frontières nord-américaines. Et voici tout de suite le pourquoi.

Avant même que soient connus tous les résultats définitifs des élections, les citoyens américains ont assisté au spectacle inattendu des compliments et autres politesses échangées par le Président Trump et la candidate Démocrate à la présidence du Congrès Mme Nancy Pelosi, qui est l’incarnation de l’establishment Démocrate ! Et vue qu’un nombre croissant de nouveaux élus Démocrates refusent catégoriquement de soutenir la candidature de Mme Pelosi, on assiste aussi à une profusion de rumeurs et de réactions concernant l’éventuelle disposition de Trump à faire élire à la présidence du Congrès Mme Pelosi, laquelle s’empresse d’ailleurs de lui promettre publiquement... « collaboration » et « consensus bipartisan ! »

Alors, à quoi bon se soucier du 70 % des citoyens Démocrates qui veulent la mise – enfin – à la retraite de l’indéboulonnable (78 ans) Mme Pelosi ? Et à quoi bon tenir compte de la grande majorité des jeunes, des femmes, des Afro-américains et des Latinos grâce auxquels les Démocrates ont gagné ces élections, et qui détestent la favorite de Wall Street Mme Pelosi et déclarent qu’ils vont batailler contre sa candidature ? Mme Pelosi parait sûre de son élection puisqu’elle jouit du soutien tant de l’establishment Démocrate que de son ennemi prétendument juré, l’actuel locataire de la Maison Blanche...

Nous voici donc devant le nouveau et bien différent paysage politique de la super puissance mondiale, façonné par la première percée électorale d’une troisième force politique progressiste et de gauche, liée aux mouvements sociaux radicaux de masse ! Cependant, ce nouveau paysage politique ne se résume pas à la simple apparition d’une troisième force politique qui vient s’ajouter aux deux grands partis traditionnels qui monopolisent depuis des siècles le pouvoir. Son entrée au Parlement du pays, provoque déjà des réactions en chaîne. Et la plus importante de ces réactions est le rapprochement des noyaux dirigeants des Démocrates et des Républicains, lesquels semblent maintenant disposés d’oublier leurs différends devant la terrible menace que représente pour eux leur ennemi commun !

Nous nous empressons de répondre aux interrogations légitimes du lecteur qui n’en a rien vu, ni entendu et lu dans les médias internationaux. Que s’est-il donc passé dans les 2-3 derniers années, pour que la revendication, encore hier “utopique” et ultra minoritaire de l’assurance maladie pour tous (Medicare for all) soit devenue la première des revendications de 70 % à 75 % des citoyens américains, c’est-à-dire non seulement des Démocrates mais aussi de la majorité des Républicains ? Que s’est-il passé pour que 52 % des candidats Démocrates aux récentes élections, appuyaient cette demande bien qu’il y a seulement deux ans, l’alors candidate des Démocrates à la Présidence du pays, Mme Hillary Clinton refusait catégoriquement de l’adopter. Que s’est-il passé pour que des revendications qui provoquent traditionnellement l’effroi de l’établissement Démocrate, comme l’assurance maladie pour tous, l’abandon des énergies fossiles ou même la dissolution de la police anti-migrants (ICE), deviennent aujourd’hui des revendications qui mobilisent une partie grandissante de la base des Démocrates ? Que s’est-il passé pour que la socialiste Alexandria Ocasio-Cortez, que les médias présentent simplement comme « la plus jeune députée de l’histoire des États-Unis », va jusqu’à déclarer qu’elle a l’intention d’organiser la première « fraction (caucus) éco-socialiste » de l’histoire de la Chambre des Représentants ? Que s’est-il passé pour que des centaines de jeunes comme le nouveau juge de Houston au Texas, l’anticapitaliste Franklin Bynum et surtout, des jeunes femmes militantes des mouvements féministes, écolos et antiracistes ainsi que des centaines d’autres radicaux soient maintenant élueEs à tous les niveaux même au Sud raciste ? [1]

Ce qui s’est passé pour qu’on arrive à l’actuel séisme politique c’est qu’un politicien indépendant du nom de Bernie Sanders, qui n’a jamais renié ses convictions socialistes, et qui s’est toujours battu contre le courant, a finalement réussi – presque seul (!) – à influencer sinon à changer le cours de l’histoire. Et cela parce que Bernie Sanders non seulement s’en est aperçu à temps et a compris l’exceptionnelle gravité de la crise historique du système politique américain, mais a aussi pu en tirer toutes les conséquences pratiques, descendant lui-même au moment opportun au centre de l’arène politique avec des mots d’ordre et des revendications « utopiques » (comme l’assurance maladie pour tous, l’abandon immédiat des énergies fossiles, l’éducation gratuite et l’annulation des dettes des étudiants ou l’interdiction du financement des politiciens et des partis par les capitalistes) qui ont fait de lui la risée des pontes (de droite et de « gauche ») ainsi que des autres apologistes du système, mais qui ont inspiré et mobilisé la nouvelle génération comme des dizaines de millions de citoyens américains qui étouffent dans la camisole néolibérale et réactionnaire. Et tout ça sans que Bernie oublie un instant de tout faire pour contribuer à réaliser un rapport de forces favorable à « ceux d’en bas », fondé sur leur organisation et leur unité...

Profitons donc de la suite des développements nord-américains qui s’annoncent passionnants, non seulement pour approfondir les leçons de l’exemple si didactique de Bernie Sanders et de ses camarades, mais aussi pour aller à leur rencontre et leur offrir – enfin – notre solidarité active. Ne serait-ce que parce que c’est surtout eux qui luttent pour nous tous de par le monde...

Yorgos Mitralias

Traduit du grec

Journaliste, Giorgos Mitralias est l’un des fondateurs et animateurs du Comité grec contre la dette, membre du réseau international CADTM et de la Campagne Grecque pour l’Audit de la Dette. Membre de la Commission pour la vérité sur la dette grecque et initiateur de l’appel de soutien à cette Commission.

»» http://www.cadtm.org/Etats-Unis-Fin-d-epoque-avec-la-gauche-radicale-q...

[1] Tous ces événements ainsi que les développements sociaux et politiques au sommet et surtout à la base de la société nord-américaine, sont couverts par des informations et des analyses, des textes et des vidéos venant des mouvements, des organisations, des syndicats et des sites progressistes des États Unis, et qui se renouvellent chaque deux heures, au Facebook : https://www.facebook.com/GreeksForBerniesMassMovement/


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