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Euro 2016 : Appel à la mobilisation générale

"Voici venuuuuu le teeeeeemps des rires et des chaaaaants .... ". Finies les histoires de migrants qui coulent en méditerranée (comme on dit, dans la vie, faut savoir mener sa barque), de pauvres qui s’accrochent à leur boulot (ce qui, vu leur salaire, est quand même assez mesquin) ou de bobos-écolos qui s’opposent au bétonnage de leur cambrousse (eh les gars, on n’est pas dans "la petite maison dans la prairie" !), voici venu le temps de l’Euro 2016. Dehors donc les Noirs, les Rouges et les Verts, place à nos Bleus. On va enfin pouvoir se retrouver autour de nos vraies valeurs : le culte du fric, l’esprit du fight et l’exaltation autour du drapeau. D’ailleurs, rien de tel qu’un chant de supporters (sorte de Marseillaise en version "revival") pour se mettre dans l’ambiance : "Quoi ! Des hordes étrangèèèreees ! Viendraient jusque dans nos chaumièèèreees ! Chanter leurs hymnes d’estrangers ! Marchooooons ! Marchooooons ! Piétinooons ces enculéééés ! ... ".

D’après les sociologues, l’organisation d’une coupe d’Europe influerait positivement sur le moral d’une nation. D’ailleurs, l’évènement prend généralement des allures de kermesse scolaire : les JT sont présentés façon bibliothèque verte ("les Bleus à l’entrainement", "les Bleus dans le bus", "les Bleus de retour à l’hôtel"), les villes organisent tout un tas d’animations récrés ("rejoignez les fans zones", "suivez les matchs sur écran géant", "gagnez la baballe officielle de l’Euro 2016" ...) et les magasins vous prennent pour des débiles profonds ("jouez avec les bleus", "collectionnez les images des bleus", "faites vous avoir comme un bleu" ...). Dans cette ambiance qui fleure bon le patriotisme économique, tout le monde (ou presque) y trouve son compte : les consommateurs, qui achètent du rêve (les coupes de cheveux footballeurs printemps-été 2016 arrivent prochainement dans vos bleds) et les commerçants, qui écoulent leur camelote (estampillée "tous avec les bleus" ou autre).

Nul n’étant censé échapper à la grande messe footballistique, les brebis égarées sont priées de rejoindre rapidement le troupeau. Partagez "Fiers d’être bleus" sur Facebook, signalez que vous "Vibrez bleus" sur Twitter, écrivez "Je fais caca tout bleu" sur Doctissimo ... (à ce ce qu’il parait, les non-changements de statuts pourraient bientôt faire office de présélection pour le fichage S). Bien sûr, rien ne vous oblige à rester planté devant votre ordi toute la journée comme un nolife ; vous pouvez aussi participer à des activités de rues comme un gogol. Oubliez l’état d’urgence : venez révéler vos réflexes de Pavlov dans des enclos pour fanatiques ("fan zones" en Anglais), bibinez-vous en groupe autours des écrans télé installés dans les bars et clamez partout votre ferveur patriotique dans un Français approximatif. Ces comportements, parfois décrits comme un syndrome Gilles de la Tourette collectif, permettent généralement à tout un chacun de se libérer de la frustration accumulée par des années de nique gouvernementale.

Bien sûr, la durée de cette effervescence dépend des prouesses de l’équipe nationale. Aujourd’hui encore, tout le monde espère un nouveau miracle ; comme celui qui s’était produit en 1998 quand, le soir de la finale, la plupart des cas sociaux du pays s’étaient soudainement proclamés "champions du monde". Et pour soutenir leur équipe, les supporters savent ce qu’ils ont à faire : montrer leur foi en la victoire en arborant une bonne tête de vainqueur. Dans un style festif (perruque, lunettes, corne de brume ...), guerrier (cape-drapeau, mégaphone, fumigènes ...) ou pupute (haut de bikini avec des petits drapeaux dessinés partout ...), ils débouleront dans les rues, les stades et jusque devant les hôtels de joueurs pour crier leur enthousiasme. Gros respect dans le coeur des Français pour ces militants qui rêvent leur vie en bleu-blanc-rouge. D’ailleurs, aucune invective du style "Z’avez rien de mieux à faire, avec tous les enfants qui meurent de faim partout dans le monde, hein ?!" (bien connue des vegans et autres militants écolos), n’a jamais été entendue par aucun d’entre eux.

Certes, des débordements viennent parfois gâcher la fête. Comme récemment à Marseille et à Nice, où certains matchs ont donné lieu à de violents affrontements entre hooligans Français (Catholiques), Anglais (Protestants) et Russes (Orthodoxes). Mais le monde du football en est-il responsable ? Sur ce point, dirigeants, sportifs et supporters sont unanimes : "ce sont des fanatiques, ils sont là pour en découdre et le foot n’est pour eux qu’un prétexte (théorie dite du ’choc des civilisations blancos’, ndr)". Et certains de pointer la responsabilité des forces de l’ordre : "ils étaient complètement débordés, on dirait qu’ils n’étaient pas du tout préparés à ça", explique ce rescapé d’une tempête de chaises à Marseille. C’est d’ailleurs un policier qui nous le confirme : "on était en alerte niveau 3 (risque de sifflements pendant la Marseillaise, ndr)". Avant de préciser : "le football reste une grande fête nationale, pas question de balancer des grenades dans la tête des gens comme à Sivens" (rires).

Alors que faut-il faire ? Interdire les prochaines manifestations sportives ? Faire pression sur l’UEFA pour qu’elle les annule d’elle-même ? A droite, on met une nouvelle fois la question sécuritaire en avant : "Nos forces de l’ordre ont déjà beaucoup à faire avec l’état d’urgence, il est irresponsable de continuer à les solliciter pour des jeux de ballon" a ainsi claironné Nicolas Sarkozy. Et certains de dénoncer au passage l’affairisme de l’UEFA (scandale des "stades payés en liquide", etc) incompatible selon eux avec les valeurs chrétiennes de la France ; comme le chef du mouvement "droite sans frontière", Christian Estrosi, qui en a appelé à "chasser les marchands du temple" et à "retourner secourir les migrants en méditerranée". Face à ces critiques, le tandem Hollande/Valls semble pour l’instant bien décidé à faire la sourde oreille. Conforté par un récent sondage (où à la question "Etes-vous assez débile pour laisser les résultats d’une équipe de foot influencer votre vote à la prochaine élection présidentielle ?" les Français ont majoritairement répondu "oui"), le président a simplement déclaré : "Soyons tous unis derrière l’équipe de France". Les pieds dans la merde et les yeux dans les bleus, la magie c’est maintenant ...

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