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Herri Batasuna , Aznar et la Fondation Franco

Eloge de la clarté morale

C’est un débat dans lequel il est difficile de s’immiscer. Le gouvernement d’Aznar (Espagne) a, depuis peu, obtenu l’interdiction du parti nationaliste basque, HERRI BATASUNA (HB).

La démarche, présentée comme une action de clarification morale, semble cohérente, voire légitime. Elle consiste à rejeter hors du jeu politique ce parti basque qui bénéficie des subsides légaux mais refuse d’assumer sa part de responsabilité en tant qu’organisation politique au sein de la nation espagnole. HB (aile politique d’un mouvement militaire, comme le Sin Fein et l’IRA ) a toujours refusé de dénoncer les crimes de l’ETA comme tels. On lui reproche de ne verser que des larmes de crocodile sur les innocents qui pâtissent des actions menées par l’ETA. Le gouvernement d’Aznar (de droite) a donc fait voter une loi organique des partis politiques, promulguée le 27 juin 2002.

Cette loi, soutenue par la majorité écrasante des parlementaires, met en place un processus juridique qui autorise l’interdiction des partis qui soutiennent le terrorisme ; le seul visé, pour le moment, étant HB. Elle explicite un certain nombre de critères (12) permettant d’établir qu’un parti politique, soutient, promeut, collabore, se rend complice, etc., d’une entreprise terroriste et, par voie de conséquence, elle établit aussi les conditions et les modalités de son exclusion. Elle fut votée le 26 août par 295 votes pour, 10 contre et 29 abstentions.

Il y eut toutefois quelques réserves émises tant en Espagne qu’à l’étranger. L’essentiel du débat aura porté sur trois points. Le premier est que l’interdiction des partis politiques (une spécialité, par exemple, de la junte militaire turque) est un acte dangereux (rarement nécessaire mais certainement insuffisant) qui mine la démocratie elle même (les généraux algériens eux aussi pratiquent cet art). Le second est qu’il est difficile de prétendre à une réconciliation nationale (à l’image de celle qui a cours en Irlande) si l’on écarte du champ politique les acteurs qui pourraient y participer. Le troisième est, à la lumière d’informations récentes, encore plus instructif.

Certains réserves furent émises en effet par ceux là qui, depuis longtemps, s’interrogent sur la maturité du processus démocratique espagnol. Elles évoquent, par exemple, l’impunité dont bénéficient depuis toujours les partisans de Franco en Espagne au nom de la réconciliation nationale et elles rappellent que le franquisme est, a été et sera toujours un fascisme. D’anciens franquistes ont d’ailleurs longtemps compté dans les rangs de l’actuel parti au pouvoir (P.P.) et l’administration espagnole n’a jamais vraiment fait la lumière sur ses exactions du temps de la dictature. Ce fut le prix payé pour une transition pacifique, dit-on, mais certains ont du mal à laisser oublier que l’histoire du franquisme s’est bâtie dans le sang et les larmes des républicains espagnols et des brigades internationales.

Vous vous demandez peut être quel lien, il y a entre l’interdiction du parti basque, Aznar et Franco ? ce lien vous est offert gracieusement, ¡¡Felicidades !! par la Fondation Nationale Fransisco Franco (FNFF).

La Fondation Franco, dirigée par sa fille Pilar fut fondée en 1977 par Carmen Franco. Ses objectifs sont de "diffuser la connaissance du généralissime dans ses dimensions humaines, politiques et militaires". De même, la fondation veut faire connaître "les réussites et les réalisations du régime de Franco". Elle organise aussi chaque année la commémoration de la mort de feu le dictateur. Elle orne sa tombe de fleurs, ainsi que celle de Jose Antonio Primo de Rivera, fondateur du parti de la phalange (extrême droite). La Fondation affirme par ailleurs que la rébellion militaire de 1936 contre le gouvernement élu (elle est à l’origine de la guerre civile espagnole et de la prise de pouvoir de Franco) était légale et légitime.
Mais la plus grande gloire de la Fondation est toutefois d’avoir réussi, depuis l’époque de la transition, à fermer aux historiens de tous horizons l’accès aux archives de Franco qu’elle détient. Seul l’historien d’extrême droite, certainement respectueux des ambiguités de la classe politique espagnole durant le franquisme, Luis Suárez Fernández y a accès..

Malgré tout, cette fondation, dont le but est, rappelons le, de veiller sur la mémoire du dictateur fasciste, reçoit 10% des fonds destinés par le Ministère de la culture à des projets d’archivage de documents, soit 83 070 euros. C’est le journal catalan El Periódico de Cataluñaqui a révélé l’information. Elle fait quelques vagues en ce moment en Espagne, et le président de Iniciativa per Catalunya Verds (ICV), Joan Saura, a déposé le 24 septembre une loi au parlement espagnol pour exiger la démission du ministre de la culture, Pilar del Castillo en raison des subventions accordées par ses services à la Fondation Franco. (les catalans ont la dent dure).

En gros, pour résumer : à l’heure où le premier ministre d’un gouvernement européen, signataire de la Convention Européenne des Droits de L’homme, se mêle d’interdire un parti politique, on apprend que les services de l’un de ses ministères financent une association qui exalte la mémoire de la dictature franquiste. Avec son approbation, puisque même son ministre des affaires étrangères prétend justifier cet acte.
Que dirait-on si l’on apprenait (ou quand on apprendra) que l’Allemagne offre des subventions à des organisations qui exaltent le souvenir d’Hitler, l’Italie celui de Mussolini, le Portugal celui de Salazar, la France celui du Maréchal Pétain, etc. ?

Dans une lettre au Guardian, le président et quelques membres anglais du Mémorial de la Brigade Internationale écrivent ces mots qui valent la peine d’être lus :
"En tant que vétérans de la brigade internationale qui ont combattus contre Franco durant la guerre civile espagnole, nous aussi nous condamnons le financement offert par le gouvernement espagnol à la Fondation Franco (...) Durant les 40 années de la dictature franquiste, il fut interdit de parler de la cause républicaine. Des milliers de sympathisants républicains furent persécutés et assassinés. Le peuple espagnol a le droit de connaître la vérité au sujet des horreurs commises durant si longtemps, choses difficile les preuves ayant été détruites.".

En ce qui concerne ce dernier point, l’historien Javier Tussel ajoute : le ministère tolère tout de leur part. Et s’ils ont brûlé la moitié de ce qu’ils avaient ? il est temps de régler tout ça. D’abord on doit déclarer tout ce qu’ils ont comme Bien d’Intérêt Culturel. Ainsi, s’ils touchent quelque chose ce sera un délit. Après, ils doivent fixer un délai limite pour ouvrir les archives, même si ce n’est qu’à une partie d’entre elles". Les archives du franquisme ne dépendent en effet que de la famille Franco.

Maintenant le lien entre le pays basque, Aznar et Franco est peut être plus évident. Ce n’est qu’une question de "clarté morale", pour reprendre l’expression de ceux qui soutenaient l’interdiction de HB promulguée par Aznar.

Quand le gouvernement espagnol interdit un parti et finance dans le même temps la Fondation Franco, il parle lui aussi ce double langage qu’il reproche à HB. Il retire aux uns le financement dû aux organisations politiques parce qu’ils ne participent pas pleinement au processus politique et donne aux ennemis de toujours de ce processus les moyens de continuer leurs activités antidémocratiques.

La clarté morale que revendiquent le premier ministre de l’Espagne et ses acolytes n’est donc pas sans faille. Pour tout dire, elle est même plutôt floue.

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