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Ibu Risma, le secret bien gardé de l’Indonésie (Jakarta Globe)

Ici dans la seconde ville indonésienne, la légende parle d’une bataille titanesque entre Sura le grand requin blanc et Baya le crocodile. Un jour, ils se sont rencontrés dans la rivière et les deux créatures ont combattu férocement pour la suprématie du royaume animal. Là où ils se sont affrontés est maintenant connu comme "Surabaya", la ville du requin et du crocodile, emblématique des vagues incessantes de requins et crocodiles coloniaux qui ont controlé la ville durant des décennies.

Etabli sur la rive nord de Java-est depuis fin 1200, Surabaya a grandi pour devenir un port important d’Asie du sud-est et un centre de commerce majeur, fréquemment disputée et finalement contrôlée par la Compagnie Néerlandaise des Indes Orientales depuis plus de trois siècles. Les Hollandais se rendirent aux troupes japonaises en 1942 qui occupèrent le pays jusqu’à leur reddition aux Alliés en 1945.

Après la proclamation de l’indépendance par le leader nationaliste Sukarno le 17 août 1945, des violences éclatèrent entre des indépendantistes indonésiens et les Hollandais et les Anglais qui étaient revenus pour récupérer des prisonniers de guerre alliés. Un général brigadier anglais fut tué dans une fusillade et des Anglais enragés attaquèrent Surabaya. La bataille sanglante de Surabaya est célébrée comme un tournant de la guerre d’indépendance indonésienne. Depuis ce jour, les Indonésiens l’appellent "la ville des héros."

Aujourd’hui, Surabaya a un nouvel héros sous la forme d’un maire de terrain ; Tri Rismaharini apporte un nouveau souffle à la ville. Plus connue sous "Ibu Risma" - "Mère Risma" - Le maire de Surabaya fait partie d’une génération montante de nouveaux leaders indonésiens, autorisés par la décentralisation du pouvoir à travers le pays et qui sont prêts à se saisir des rênes pour le leadership national.

Plusieurs matins par semaine à 5h30, Madame le Maire peut être vue en train de ramasser des déchets au bord de la route. Les après midis, elle distribue des ballons aux enfants en leur rappelant bien d’étudier dur. La nuit, elle patrouille dans les parcs, grondant les jeunes mineurs qui ne respectent pas le couvre-feu. Si le trafic devient difficile, elle est connue pour sortir de sa voiture et le diriger elle même. Elle participe aussi à une émission de radio, répondant aux questions concernant les expulsions, les bouches d’égouts bouchées et les actes d’incivilité.

Majeure de promotion en architecture, Risma accède à la notoriété en 2005 en tant que responsable du département des parcs urbains. Longtemps connu comme un port industriel sans charme - un romancier hollandais la décrivait comme "une ville sale pétrie de prétention et de cupidité"- Surabaya sous Risma s’est transformée en "pétillante Surabaya."

Sous sa direction, des bordels ont été convertis en avec des slogans anti-gaspi sont accrochées dans toute la ville, récompensant Surabaya d’une douzaine de prix en tant que pionnière des éco-villes tout en sensibilisant la population locale : l’an dernier, Surabaya a été nommé la ville avec la meilleure participation citoyenne en Asie-Pacifique.

Bien que les parcs sont sa passion, Risma parle fièrement des programmes de son administration pour fournir une éducation gratuite et des soins médicaux aux plus défavorisés - tout en rationalisant la bureaucratie de la ville pour la rendre plus performante. Fille de propriétaires de petites entreprises, Risma voyage beaucoup dans d’autres villes pour étudier les innovations publiques réussies, adoptant les lampadaires perfectionnés de Berlin et de meilleures techniques d’enseignement originaires de Séoul.

L’un de ses principaux objectifs est d’améliorer, non seulement l’économie et les infrastructures de la ville, mais aussi la population à travers l’éducation et des programmes de sensibilisation - dépensant 35% du budget de Surabaya pour l’éducation, un montant bien plus élevé que la moyenne nationale.

"Je ne comprends pas grand chose aux manoeuvres politiques," avoue Risma - c’est quelque peu surprenant compte tenu de ses réalisations. Et il est vrai qu’elle avait presque été éliminée dès sa première année en tant que maire après avoir soulevé un tollé pour avoir proposé d’augmenter les tarifs des panneaux d’affichage tout en les baissant pour les annonces des petites entreprises. Lorsque elle était responsable du développement des travaux de la ville, Risma et sa famille avaient reçu des menaces de mort pour avoir mis en oeuvre le premier système d’approvisionnement en ligne totalement transparent dans le pays. Pourtant le système, selon ses propres mots " a économisé quelque part entre 20 à 25%," tout en libérant des ressources pour contruire des routes de meilleure qualité, des nouveaux ponts et des zones piétonnes.

Risma a tissé d’importants partenariats avec le secteur privé et pilote avec intelligence la bureaucratie du pays. Dès le second jour de son mandat, Risma rencontra le vice président indonésien pour discuter d’un projet crucial de développement du port qui croupissait dans les tiroirs depuis des décennies. En dépit des efforts répétés pour la décourager, Risma refusa de quitter le bureau jusqu’à ce qu’ils tombent d’accord pour commencer les travaux.

L’inauguration du port a eu lieu une semaine plus tard - sans perdre un instant. Il a connu une augmentation de trafic de 200% ces dernières années. Les améliorations stimuleront efficacement et augmenteront les capacités du port si celui ci continue de servir de porte d’entrée aux autres parties du pays.

Risma aussi rencontré des officiels belges pour discuter d’un éventuel "jumelage" entre Surabaya et Antwerp, l’un des plus importants ports maritimes européens. Il ferait évoluer le système actuel en autorisant des cargos à contourner Singapour, réduisant de manière significative les frais de transport entre les deux ports et en rendant ces derniers plus compétitifs.

Ce sont des idées créatives comme celles ci qui ont permis de stimuler la croissance économique de Surabaya de plus de 7,5% depuis que Risma officie à la mairie en 2010- et qui lui a permis de remporter le prestigieux prix de Globe Asia récompensant les femmes dirigeantes les plus en vue.

Ce qui amène à se demander si la combinaison de compétence discrète et de gouvernance de Risma sont les qualités dont l’Indonésie a le plus besoin alors qu’elle commence à émerger sur la scène mondiale. Comme le magasine Tempo l’a posé dans un récent portrait sur Risma, la solution aux problèmes de l’Indonésie réside dans le travail "inspiré" de ces outsiders politiques bien "que leurs noms ne font pas la une des médias nationaux et que les régions qu’ils gouvernent sont loin des paillettes de Jakarta."

"Je n’ai pas d’ambitions politiques," insiste Risma. "Devenir maire, gouverneur ou même président est une extraordinaire responsabilité. Ce n’est pas uniquement résoudre un problème d’inondation ou des choses de ce type. C’est aussi aider les gens à grandir et se perfectionner." Tandis qu’elle parle, je remarque l’emblème de la ville de Surabaya - une lutte entre un requin et un crocodile. En tant que maire, Ibu Risma a appris à contenir le choc entre des intérêts farouchement opposés. Pourrait t-elle faire davantage pour toute l’Indonésie ?

Stanley Weiss

Sources : http://www.thejakartaglobe.com/opinion/surabaya-mayor-ibu-risma-indone...

Traduction : Eric Colonna

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