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Julian Assange, prisonnier politique

Lanceur d’alerte. Le fondateur de WikiLeaks, pourfendeur de Big Brother, vit depuis six ans enfermé dans l’ambassade d’Équateur à Londres. Son dernier livre sur Google est une nouvelle pierre dans son combat pour les libertés.

La caméra d’un hélicoptère filme une scène de rue, quelque part en Irak. Il fait jour, quelques civils vont et viennent. Déclarés suspects par radio, ils sont littéralement mitraillés à vue. Une camionnette s’arrête. À l’intérieur, un père de famille et ses enfants. Il charge les blessés à son bord, mais l’hélicoptère crache une nouvelle salve. C’est l’un des crimes de guerre que les États-Unis ne voulaient pas que le monde connaisse. Et c’est Julian Assange qui va contribuer à le dévoiler, celui-là et beaucoup d’autres, devenant ainsi un héros de la liberté de l’information et l’un des principaux ennemis de Washington. On ne naît pas sur une île qui s’appelle Magnétique pour rien. Et c’est le cas de Julian Assange, qui attire immanquablement la foudre des grandes puissances sur lui depuis 2010. L’Australien est l’un des pirates informatiques les plus doués de sa génération. Il est aussi animé d’une volonté de démasquer les turpitudes des puissants pour changer le monde en informant le public.

La justice suédoise a fini par blanchir Assange, qui reste bloqué par Londres

Il va tomber sur une source de première main en la personne d’un jeune caporal de l’armée américaine, Bradley Manning, qui a accès aux câbles secrets. Progressivement, son organisation, Wiki-Leaks, se retrouve avec des milliers de documents militaires et diplomatiques. Contacté par Nick Davies, l’un des grands reporters du quotidien britannique The Guardian, il s’allie à lui pour publier ces câbles dans plusieurs journaux internationaux et les deux hommes passent un accord avec le New York Times, Der Spiegel, le Monde et El País. Les révélations sont fracassantes. L’unité 373 de l’armée américaine, chargée des nettoyages extrajudiciaires en Afghanistan, les 76 000 bavures contre des civils en Irak masquées par le Pentagone, etc. Mais il y a encore mieux. WikiLeaks et Assange vont aussi s’en prendre à Hillary Clinton, montrant les commentaires des diplomates américains sur leurs fréquentations. On apprend aussi que le département d’État avait demandé à ses diplomates de prélever des échantillons d’ADN de leurs contacts. Pour faire bonne mesure, Assange a également pu mettre sur la place publique 30 000 courriers électroniques de Hillary Clinton, soulignant son rôle dans la destruction de la Libye ainsi que les sommes colossales qu’elle faisait verser à sa fondation en échange de menus services, comme des rencontres avec son mari.

Depuis, Assange est plus que jamais le symbole d’une lutte. Celle des lanceurs d’alertes contre Big Brother, un ennemi implacable qu’il affronte non pas en littérature, mais dans sa vie personnelle, comme le montre son dernier livre Google contre WikiLeaks (Ring). Depuis 2012, il vit reclus dans l’ambassade d’Équateur à Londres, privé de sa femme et de ses enfants, à un jet de pierre du grand magasin Harrods. La police britannique a dépensé plus de 10 millions de livres pour surveiller l’ambassade et empêcher toute évasion. Julian Assange était poursuivi par la justice suédoise pour une tentative de viol, accusation que la victime présumée a finalement abandonnée. La justice suédoise a elle-même blanchi définitivement Assange, mais sans effet sur Londres, qui arrêterait immédiatement Assange s’il sortait de son refuge. Cela, malgré l’Onu, pour qui il est retenu de manière arbitraire et illégale. Assange a le triste privilège d’être l’un des derniers prisonniers politiques du monde occidental.

Antoine Colonna
Valeurs Actuelles - Publié le 12/05/2018


En juin 2011, Julian Assange, alors en résidence surveillée dans une petite maison perdue de la campagne anglaise, accepte de recevoir un petite maison perdue de la campagne anglaise, accepte de recevoir un visiteur inhabituel en la personne d’Eric Schmidt, le patron de Google. Une confrontation des temps modernes digne du Souper qui opposa Fouché à Talleyrand. Extraits.

« Personne ne veut reconnaître que Google est devenu grand et méchant. Or c’est bien le cas. Sous l’empire de Schmidt, Google s’est compromis avec les structures les plus sombres du pouvoir américain tout en poursuivant son invasion mondiale. L’entreprise a toujours été à l’aise avec ces fréquentations. Bien avant que les fondateurs de l’entreprise Larry Page et Sergey Brin n’engagent Schmidt en 2001, leurs premières recherches, sur lesquelles Google allait s’édifier, avaient été partiellement financées par la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA). Et même si le Google de Schmidt développait une image de géant trop amical de la technologie mondiale, il n’en demeure pas moins qu’il tissait d’étroites relations avec le renseignement. »

(...)

« La persistance de l’idée selon laquelle Google est « plus qu’une simple entreprise » vient de la perception qu’il n’agit pas comme une grande méchante entreprise. Sa tendance à attirer les gens dans ses pièges de giga-octets de « stockage gratuit » produit l’illusion de la gratuité, à l’encontre de sa raison d’être lucrative. Google est perçu comme essentiellement philanthropique – une machine magique dirigée par des visionnaires venus d’ailleurs – et créateur d’un avenir utopique. L’entreprise semblait parfois soucieuse de cultiver cette image, déversant des fonds dans des initiatives de « responsabilité des entreprises » en vue de produire un « changement social » – ce qu’illustre Google Ideas. »

(...)

Si Google doit être l’avenir d’Internet, le monde devrait sérieusement s’en inquiéter – Amérique latine, Asie de l’Est et du Sud-Est, sous-continent indien, Moyen-Orient, Afrique subsaharienne, ex-Union soviétique et même l’Europe – tous ceux pour qui Internet incarne la promesse d’une alternative à l’hégémonie culturelle, économique et stratégique américaine. Un empire du don’t be evil n’en est pas moins en empire.

Google contre Wikileaks, de Julian Assange, éditions Ring, 270 pages,18€.

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