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Appel aux lecteurs par le Monde Diplomatique

L’information gratuite n’existe pas

Même si quelques internautes semblent encore l’ignorer, l’information gratuite n’existe pas.

Pour certains journaux, sites, moteurs de recherche, qui se contentent de répercuter gratuitement les données et analyses que d’autres ont collectées, tout paraît magnifique. Surtout quand ils s’octroient la part du lion des recettes publicitaires ainsi obtenues. Mais le privilège extravagant qui leur est concédé n’aura qu’un temps. Google lui-même l’a bien compris, qui admet par la voix de son PDG Eric Schmidt avoir « désespérément besoin que les journaux, magazines et sociétés de presse réussissent, car il nous faut leur contenu ».

Or, pour ces derniers, tout devient de plus en plus difficile. Lorsqu’ils ne sont pas adossés à des journaux papier, les sites d’information ne parviennent pas à financer leurs dépenses par le biais d’abonnements, de recettes publicitaires, ou d’un système associant l’un et l’autre. Afin de survivre, ils font donc régulièrement appel à de nouveaux investisseurs à qui ils ne cessent de promettre le bout du tunnel...

Quant aux sites de journaux, comme celui du Monde diplomatique, ils n’existent en accès gratuit que parce que les acheteurs et les abonnés de ces périodiques permettent encore de financer la mise en ligne de leurs contenus. Mais pas seulement leur mise en ligne. Car, préalablement, intervient tout un travail professionnel de collecte de l’information, de vérification des données, d’édition des textes et de correction des articles.

Qu’on le comprenne, la gratuité de la distribution de l’information coïncide avec (et contredit) le caractère payant de toutes les étapes de sa collecte. Chaque article du Monde diplomatique correspond en effet à un engagement financier réglé par le mensuel : pige du journaliste ou salaire du membre de la rédaction, frais de déplacement et de séjour en cas de reportage, rémunération des correcteurs, maquettistes, imprimeurs, diffuseurs, etc.

Dans le cas d’un texte consulté en ligne, la suppression des frais d’impression et de diffusion ne réduit pas d’un centime les autres dépenses. Si émettre une opinion plus ou moins informée est assurément bon marché, la fonder sur une enquête ou sur une connaissance requiert du travail et de la peine.

Il existe encore une presse militante, en ligne et sur papier, impulsée par des gens qui paient de leur personne et qui offrent leur temps. Hormis ce cas, admirable mais rare, un travail journalistique à plein temps doit, à l’égal de n’importe quel autre emploi professionnel, être rémunéré en vertu de cette règle élémentaire qui veut que toute peine mérite salaire.

Est-il légitime que cette rémunération soit entièrement mise à la charge des acheteurs de journaux et des abonnés, pendant que la plupart des internautes joueraient un peu le rôle de « passagers clandestins » ?

Poser la question, c’est y répondre.

Or, c’est bien de ce cas de figure qu’il s’agit aujourd’hui, surtout dans le cas d’un journal comme Le Monde diplomatique dont les ressources ne proviennent ni d’un banquier soucieux d’étendre sa surface sociale et politique, ni des annonceurs (leurs dépenses ne représentent que 3 % du chiffre d’affaires du mensuel, et moins de 1 % des recettes de ce site).

Persuadés des vertus de la libre circulation de l’information, nous offrons sur notre site - le premier site de presse à avoir été lancé en France - deux années de nos archives intégrales, ainsi qu’un éclairage de l’actualité à travers nos « valises diplomatiques » et les blogs de nos collaborateurs. Notre ambition est de poursuivre ce développement. Notamment en améliorant l’interactivité, et de mener à bien le projet ambitieux de numérisation de nos archives dans lequel nous nous sommes lancés (lire « Transmettre », par Philippe Rivière, octobre 2009).

Au moment où nous faisons appel aux lecteurs du Monde diplomatique, où plusieurs centaines de ses acheteurs réguliers, de ses abonnés, ont déjà consenti un effort financier supplémentaire afin de garantir son indépendance et son développement, il serait normal par conséquent que les internautes qui consultent régulièrement ce site gratuit s’inspirent de leur démarche.

Ce serait également juste.

C’est pourquoi nous vous demandons aujourd’hui, dans la mesure de vos moyens, d’acheter le journal en kiosques, de vous abonner, d’abonner un parent ou un ami, ou même de verser un don - depuis quelques semaines, notre site propose un formulaire qui permet de le faire directement en ligne. Ainsi chacun contribuera à la poursuite et l’amplification de notre travail commun.

D’avance, merci.

Serge Halimi
Directeur du Monde diplomatique

(reprise d’article par le Grand Soir)

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COMMENTAIRES  

11/10/2010 12:05 par kounet

Je suis abonnée au Monde Diplo et j’approuve Serge Halimi .

11/10/2010 14:19 par Olivier

Beaucoup de sites médias arrivent à gagner de l’argent avec une stratégie uniquement internet et sans avoir à appeler aux dons ou autres méthodes ponctuelles.

Seulement, le problème, c’est que les sites médias qui ont choisi de se lancer sur internet suivent la même stratégie que le média papier : la publicité et l’abonnement.

Il existe des centaines d’autres moyens, qui devraient être étudiés par ces médias.
Sur le long terme, c’est l’unique solution

13/10/2010 04:43 par Nina

Bravo et bien dit M.HALIMI
Voir mourir le Monde Diplo !! plutôt crever.. je n’y suis plus abonnée cette année (plus facile avec internet) j’ai honte, mais je reviens vite vers vous, le temps de faire passer l’info à tous mes contacts.

18/10/2010 10:12 par JuanStD

Juste une question : à combien estimez-vous les salaires de vos collaborateurs ??
Je m’explique : je suis chômeur en fin de droit (0 euros ce mois-ci, je vis sur le salaire de ma femme infirmière !!) j’ai donc du temps et je collabore (gratuitement !!) au site "Global voices" qui traduit des blogs du monde entier afin de les rendre accessible aux français. De plus, je traduit sur mon blog, les articles et les nouvelles se rapportant au Brésil, du moins celles et ceux que je trouve digne d’intérêt. Tout cela gratuitement.
D’où ma question, comment puis-je faire pour participer à la survie (sic) du Monde Diplo ??
Pourquoi vos nouvelles devraient-elles être plus "payantes" que les miennes ?? Elles sont faites par des pro ?? Dans la mesure où il s’agit, pour ma part de ma seule activité, ne suis-je donc pas moi-même un pro ?? Sont-elles plus intéressantes ??
Comprenez-moi bien, mon propos n’est pas, ici, d’exprimer une jalousie mal placée, ni de me comparer à un journal prestigieux tel que le votre, mais de poser la question de la gratuité des contenus sur internet.

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