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15 commentaires

L’insupportable suffisance de la presse (CBS News)

Will RAHN

L’humeur dans la presse à Washington est sombre, et à juste titre.

Il ne devrait surprendre personne que, à quelques exceptions près, nous étions tous tacitement ou explicitement #WithHer (avec Hillary), ce qui a provoqué une certaine angoisse devant la victoire de Donald Trump. Plus que cela et surtout, nous nous sommes plantés, après avoir passé des mois à nous moquer des gens qui avaient une meilleure idée de ce qui se passait.

Tout cela est symptomatique du grand échec moral et intellectuel du journalisme moderne : sa suffisance insupportable. Si Hillary Clinton avait gagné, nous échangerions des clins d’oeil accompagnés d’une sensation « d’avoir réussi », avec le sentiment que nous étions courageux en qualifiant Trump de menteur et que nous avons sauvé la République.

Au temps pour nous. Il s’est avéré que l’intérêt du public pour nos analyses et notre mépris envers une grande partie de l’électorat était plutôt limité. Cela a été particulièrement vrai pour les électeurs, ceux qui se sont déplacés par millions pour infliger non seulement une punition au système politique, mais aussi à ceux qui le couvrent. Trump savait ce qu’il faisait lorsqu’il invitait son public à railler et siffler les journalistes qui couvraient ses meetings. Ils nous détestent, et ce depuis longtemps.

Comment leur en vouloir ? Les journalistes aiment se moquer des partisans de Trump. Nous insultons leurs apparences. Nous les rejetons comme des racistes et des sexistes. Nous nous répandons sur Twitter pour donner notre opinion mais nous rejetons les leurs.

C’est l’échec profond de l’empathie au profit de postures incessantes. Il y a eu une certaine sympathie de la part de la presse, bien sûr : les dépêches en provenance du « pays de l’héroïne » qui se lisent comme des rapports d’administrateurs coloniaux venus contrôler l’état des indigènes. Mais une grande partie de cela part de l’hypothèse que les électeurs de Trump sont des arriérés, et qu’il est de notre devoir d’analyser et, au final, de combler leur retard. Que pouvons-nous faire pour que ces gens cessent d’adorer leur faux dieu et accepter notre évangile ?

Nous les diagnostiquons comme des racistes, à l’instar de ces clercs des temps obscurs qui confondaient un problème médical avec une possession démoniaque. Les journalistes, au pire, se considèrent comme une caste religieuse. Nous croyons non seulement avoir accès aux faits indiscutables, mais aussi à une vérité plus grande, à un système de croyances quasi-divin attribué par notre compréhension profonde de ce qu’est la justice.

On pourrait penser que la victoire de Trump – celle que nous avions tous balayé un peu trop vite – conduirait à une certaine humilité retrouvée dans la presse politique. Mais évidemment, ce n’est pas comme ça que ça marche. En gros, pour nous, notre diagnostic a toujours été fondamentalement correct. C’est juste que les démons étaient plus forts que nous ne le pensions.

C’est juste une vague de « racisme de petits blancs », vous comprenez ? Les électeurs de Trump sont racistes et sexistes, il doit donc y avoir plus de racistes et de sexistes que nous n’avions imaginé. Le résultat de mardi soir ne fut pas le rejet raisonné d’une candidate profondément corrompue nommée Clinton. Non, ce fut un cri primitif contre l’équité, l’égalité et le progrès. Que les nouvelles crises de rage commencent !

Ca, c’est le mythe, l’idée que si on se moque d’eux suffisamment, si on les appelle des racistes, ils finiront par se taire et rentrer dans le rang. A l’instar du fonctionnement de Twitter, un système où les gens qui s’écartent du discours dominant sont attaqués par des foules d’experts perplexes et incrédules. Les journalistes évoluent principalement dans un monde où les gens peuvent être noyés sous les quolibets et disparaître, ce qui en dit long sur notre attitude face à toute dissidence.

Les journalistes de plus en plus ne croient même plus à la possibilité d’un désaccord raisonné et, par conséquence, attribuent des motivations cyniques à tous ceux qui pensent d’une manière différente. Nous, nous vénérons les « faits », véhiculés par des analystes et des journalistes qui curieusement se croient post-idéologiques.

Le fait que les journalistes et analystes se trompent aussi souvent et ouvertement n’invite jamais à l’auto-critique à laquelle on pourrait s’attendre. Au lieu, tout cela nous pousse à encore plus de suffisance, encore plus de méchanceté, encore plus de certitudes en tant que journalistes et experts. Face à la défaite, nous nous enfonçons dans notre bulle, sans vérifier nos hypothèses. Non, ce sont les électeurs qui se trompent.

Comme résultat direct, nous nous trompons de plus en plus souvent. Chemin faisant, nous oublions de poser les bonnes questions. Nous ne sommes même pas capables d’imaginer les bonnes questions. Nous nous lançons dans des missions avec la certitude que ce que nous trouverons confirmera nos préjugés. Notre image auprès de l’opinion publique se dégrade encore plus – moins d’un Américain sur trois fait confiance à la presse, selon l’institut de sondage Gallup – et le cycle recommence.

Il existe un espace pour le journalisme d’opinion ; en fait, c’est même vital. Mais notre soumission et notre sentiment de supériorité, qui touche à l’ensemble de la profession, nous rendent incapables de bien faire notre métier.

C’est désormais l’humilité que nous devons viser. Nous devons devenir plus impartiaux, pas moins. Nous devons abandonner notre culture facile de caprices et de récriminations. Nous devons cesser d’écrire ces sermons de 140 caractères dans les médias sociaux et admettre que, en tant que classe, les journalistes ont une compréhension honteusement limitée du pays qu’ils couvrent.

Pire, nous ne faisons pas beaucoup d’efforts pour vraiment comprendre et, à quelques exceptions trop rares, nous traitons les problèmes économiques de l’Amérique profonde avec des traits d’esprit. Parfois, littéralement, comme lorsque les journalistes tweetent une photo de partisans de Trump avec des têtes de racistes en suggérant sur le ton de la plaisanterie qu’ils doivent être bouleversés par le libre-échange ou les bas salaires.

Nous devons corriger cela, et le raisonnement tordu qui est derrière. Il y a un amusement passager à adopter des comportements grégaires, mais pas au prix de ce que nous perdons en route.

Will RAHN

Traduction « mode auto-baffe ON » par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.

 http://www.cbsnews.com/news/commentary-the-unbearable-smugness-of-the-press-presidential-election-2016/
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COMMENTAIRES  

11/11/2016 12:06 par résistant

Mon cher Will RAHN, c’est bien joli, ce que tu écris, mais c’est trop tard : les gens qui ont enfin compris que les médias de masse ne sont pas fiables parce qu’ils sont aux ordres de la mafia financière occidentale ne croiront plus jamais en vous, même si par miracle vous vous mettiez enfin à faire votre travail correctement, au lieu de n’être que des perroquets de propagande.
C’est trop tard, parce qu’à moins de nous détruire le cerveau à coup de drogue, d’alcool ou de pilules à faire des zombies, nous ne pourrons plus jamais oublier ce que nous avons vu et compris : des médias de masse unanimes en 2005 pour nous faire voter oui aux traités européens. Des médias de masse unanimes contre le Brexit. Des médias de masse unanimes pour Hillary Clinton.
Et à chaque fois le peuple qui a fait le contraire de ce que vous marteliez. Mais bien sûr, c’est parce que le peuple est stupide, et c’est votre mission, vous les journalistes, de nous éduquer patiemment afin que nous votions enfin correctement aux prochaines élections.

Alors oui, Will RAHN, tu as raison, c’est bien de parler de l’arrogance des médias de masse, c’est bien d’appeler à plus d’humilité. Mais il y a une chose que tu n’as pas encore compris : c’est trop tard, tu ne sauveras pas ta place au chaud : on ne veut plus de toi ni de tes confrères collabos. Nous ne te pardonerons pas.

11/11/2016 13:03 par DDT

Non seulement. Nous ne pardonnerons pas aux parasites merdiatico-politicards, mais on les poursuivra jusque.dans les chiottes !

11/11/2016 13:15 par Roger

En effet,resistant, cette "autocritique" d’un journaliste se présente bien tardivement , bien après que l’évidence soit apparue aux yeux des "deplorable"...Trop tard ? Dans le système actuel sans aucun doute. Mais n’injurions pas l’avenir...
Il faut aussi reconnaître qu’il y a des journalistes qui font leur travail et qui nous permettent justement de prendre nos distances avec les média main stream...Ici même sur LGS et des sites amis, nous profitons régulièrement du travail de ces vrais professionnels.

11/11/2016 14:44 par va savoir

Ah la belle pratique du mea culpa !
Bien qu’inconnue sous nos latitudes européennes, nos banques et industries ont embrassé cette nouvelle religion (+ une offrande de quelques millions/milliards à la clé au Trésor US)

Pour Wolswagen -par ex- pas question de s’excuser en Europe ni de rembourser ses clients.
Vous "journalistes" de quelle façon envisagez vous de dédommager vos lecteurs ?

11/11/2016 20:07 par jakodey

Ecoutez, j’ai commencé à lire votre article et puis j’ai arrêté.
Les impostures, l’échec profond de l’empathie, les petits blancs qui ...
Hillary Clinton est une criminèle de guerre, une corrompue plus grand qu’une baleine.
Vous pouvez continuer à penser, c’est votre droit. Mais commencer à couiner, ça non

12/11/2016 03:16 par Gilbert

Je ne peux pas m’empêcher, aujourd’hui, de repenser à une chronique de France Inter entendue au début de l’été dernier. Je ne me souviens plus dans quelle émission c’était, mais ça disait, en substance, et sur un mode rigolard, ceci : "il y a un débat aux États-Unis sur la façon dont on doit considérer la candidature de Donald Trump. Figurez-vous que tout ce que dit Trump, étant donné son caractère énorme, grotesque, clownesque, apparait dans les pages "people" des journaux. Certains voudraient, au vu de certains sondages, que les déclarations de Trump figurent aux rubriques "politique". Mais la plupart des observateurs politiques ne prennent pas Trump au sérieux. Trump amuse la galerie en ce début de campagne, mais ça ne va pas durer".

12/11/2016 04:01 par Tintin Journaliste

Will Rahn a bien sûr raison sur le constat, même si il en rajoute un peu. Mais il est tellement conditionné par la censure, qu’il n’arrive pas à nommer le trait essentiel de ce qu’il décrit : le mépris de classe.
Mais ce qui me fait réagir n’est pas cela - que tout le monde aura compris facilement ; j’imagine. Non, ce qui m’énerve c’est la haine de classe que je perçois dans les commentaires. C’est bien la peine de stigmatiser à tout bout de champ le "F-Haine" pour se laisser aller aussi facilement au même genre de "sentiment".
Et puis, ces références paresseuses autant qu’insultantes aux "mensonges" des journalistes qui vont "prendre leurs ordres" chez les banquiers, etc... c’est non seulement de la haine, c’est juste ridicule. Il existe une socio-économie des medias et aussi une sociologie des journalistes et ce sont elles qui sont à l’oeuvre, pas des fantasmes haineux.
Voilà. C’est tout. Et encore bravo au GS, toujours impeccable !

12/11/2016 13:15 par Scalpel

@Tintin
Socio-economie des médias et sociologie des journalistes invoquez-vous au secours desdits journalistes. Qu’est-ce que cela change au constat dressé par Résistant sur les unanimités successives observées ? Vous me direz qu’un journaliste est après tout un salarié comme les autres n’ayant le choix qu’entre une bonne gamelle au bout d’une laisse ou la liberté du loup décharné, pour rester poli.
Et bien moi, je prétends que lorsqu’on fait le job de mercenaire de la désinformation, on en assume pleinement les risques. Et que les bonnes résolutions ripolinées du NYT & co au lendemain de ce très spectaculaire désaveu sont aussi peu recevables que leur parti pris aveugle pour la criminelle de guerre daeshienne.
Est-ce que la socio machinchose excuse la chasse en meute des "nouveaux chiens de garde" refusant d’admettre une quelconque remise en question de l’UE, "belle idée" selon un mitterrandiste "non repenti" ?
Est-ce que le droit de vivre décemment de sa plume va de pair avec celui de mentir à la face du monde ?
Enfin, parler de "fantasme" ou de "haine" de classe, dans un contexte d’e "guerre à mort" pour reprendre les mots prononcés par Mitterrand peu avant la sienne, de mort, au terme d’un record historique de longévité au pouvoir due à sa diabolique stratégie d’éternel pétainiste, consistant à gaver en essence médiatique la flamme du bien nommé Fhaine, stratégie qui perdure pour tenter maintenir le totalitarisme UE en place, rajoute encore à notre saine colère.

12/11/2016 22:30 par Michel Rolland

Bien d’accord avec l’ensemble des commentateurs qui ne se laissent pas berner par le faux repentir d’un "journaliste" que j’appellerais plutôt agent de propagande. Ce que je vais dire est utopique. Il faudrait fermer tous les médias subventionnés par les États au service du capital ou qui vivent de la publicité. Il ne faudrait accorder de licences qu’aux médias subventionnés par leurs lecteurs... je sais... je rêve...

Michel

13/11/2016 09:25 par Geb.

On peut aussi se demander si la situation décrite par l’auteur ne fait pas aussi partie du but caché à atteindre par les responsables du crime.

Les médias ne sont que des vecteurs permettant d’appréhender un environnement devenu trop éloigné aujourd’hui pour l’humain.

En décrédibilisant les médias on obtient au niveau sociétal le même résultat que lorsqu’on lèse un organe sensoriel. Le possesseur de cet organe ne lui accorde plus aucune confiance même s’il est réparé et en état de marche. Un sorte de réaction pavlovienne en quelque sorte.

Il faudra une très longue rééducation pour rétablir la confiance. Et pour que les masses ne mettent plus tous les médias, bons ou mauvais, dans le même panier de fruits pourris.

Et pendant ce temps là les masses seront orphelines par carence d’un moyen fiable de communication et d’analyse. Ce qu laissera encore une certaine marge pour les enfumer un peu plus.

D’aucuns penseront que je suis un adepte du "complot" mais je ne peux pas négliger qu’un des pères de la propagande étatsunniene, (et occidentale par la même occasion), était Edward Bernay, un neveu de Sigmund Freud.

Ce qui me fait penser à ça c’est la réaction des lecteurs envers l’auteur de l’article.

Tous ont pensé qu’il tentait de se dédouaner et dédouaner ses confrères de leur servilité, (Ce qui est, hélas, peut-être la réalité).

Pas un n’a imaginé qu’il venait peut-être de se réveiller à la suite du coup de pied au c.l géant qu’il venait de recevoir.

13/11/2016 12:28 par Assimbonanga

"Journaliste" ? Bien souvent, ces gens sont des animateurs de télé ou radio. C’est pas du tout pareil pourtant. L’essor des médias a engendré l’embauche massive de petits péteux qui veulent avoir une bonne situation. Parmi tous ceux qui ressortent nantis du diplôme, combien correspondent à l’idée qu’on se fait du journaliste, de l’enquêteur ? La plupart sert à engrainer les heures d’information continue sans se donner la peine de vérifier la véracité desdites informations. Devenus des bourgeois, déconnectés des réalités tangibles, ne travaillant qu’avec la tête, mais un seul segment de la tête : les mots, les petites phrases, les idées raccourcies, limitées , relatives à leur milieu sclérosé et arriviste. En plus de ça, ils s’imaginent qu’il faut simplifier tout raisonnement pour le rendre digeste à un auditoire jugé par eux débile.
Allez ! Tout ce beau monde à la campagne, dirait Mao ! Il n’aurait pas vraiment tort. Allez biner les patates, réparer la bagnole ou faire le boulanger. Et après, revenez en explorant les causalités tangibles et non des élucubrations mondaines et ressassées dans l’entre-soi de bureaux bien chauffés. Déjà que plus personne ne sait apprécier que l’eau sorte d’un robinet et tout le travail que cela suppose en amont, les journalistes contemporains sont le summum de la perte de réalisme.

13/11/2016 18:54 par D. Vanhove

Je suis p-ê encore trop naïf... mais dans le flot de commentaires donnés à lire sur "l’épouvantable" élection de D.Trump (les clichés sont tellement nombreux qu’il est impossible de les reprendre tous ici), je trouve bien peu de "journalistes" déclarant ce que W.Rahn écrit... et donc, plutôt que de lui faire un procès d’intentions comme je lis ci-dessus par prsq tous les intervenants, je préfère en effet, ce constat d’erreur d’analyse et cet appel à qq future modestie plutôt que les logorrhées ad nauseam qui surabondent pour l’instant sur la toile...

le peuple américain a posé son choix... nos pages et nos pages de tentatives d’explications et de commentaires n’y changeront rien... la seule réflexion à mener maintenant pour le peuple français est de choisir le meilleur candidat possible pour la fonction présidentielle de 2017... ce qui ne sera pas une mince affaire, vu les prétendants...!

13/11/2016 19:36 par babelouest

Assibonamga, gamin je prenais de l’eau dans la cuisine avec une pompe à main, d’autres devaient aller au puits. Quand un moteur a remplacé la pompe, il a fallu pendant deux ou trois semaines aller chercher des seaux pleins à la fontaine, à deux cents mètres, le temps que les travaux soient terminés.. En Afrique, ce sont des kilomètres qu’il faut faire journellement.

C’est vrai que les générations suivantes n’ont rien connu de tout cela.

13/11/2016 23:18 par lulu

Toute ressemblance avec le journalisme en France n’est pas une coïncidence.

17/11/2016 02:32 par le voyeur

Je n’ai que mépris pour ceux qui ont voulu dominer le peuple américain en tentant de les influencer faussement sur ce qui se passait réellement ! Heureusement , ils ne se sont pas laissé berné cette fois-ci !!!! Quelle race de vauriens ces journalistes de basse classe !! L’heure des comptes est venue ! Mondialisation, nes world order , WarrStreet et la domination du monde par l’argent en ont pris un coup sur la tronche et c’est tant mieux ! Bilderberg en a pris pour son rhume ! L’élite des élites qu’ils ont le front de se nommer ! L’élite de l’argent vous voulez dire ! Là ils auront compris que l’argent n’est pas tout ! {{}}

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