L’évaluation du nombre d’extrémistes d’Europe et des pays asiatiques combattants dans les rangs d’Al-Qaïda et du groupe terroriste « Etat islamique » a grimpé, en quelques mois seulement, de 12 000 à 25 000. Il faut y ajouter des centaines d’autres recrues venues d’Amérique du Nord et d’Australie.
Cette semaine, la police australienne a annoncé que 12 Australiennes, originaires de la seule ville de Melbourne, ont tenté de rejoindre « Daech ». Ils s’ajoutent à une centaine d’autres Australiens qui combattent déjà aux côtés de l’organisation terroriste, en Syrie et en Irak.
Pour sa part, le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) a indiqué que 25 Canadiens de plus se sont rendus en Irak et en Syrie depuis quatre mois pour rejoindre les rangs de « Daech ».
Le SCRS estime à quelque 145 le nombre de Canadiens qui combattent à l’étranger auprès de groupes terroristes. « Ce chiffre global augmente lentement, avec une hausse plus rapide en ce qui concerne l’Irak et la Syrie », a précisé le chef du SCRS, Michel Coulombe. « Au cours des trois ou quatre derniers mois, nous avons probablement vu une augmentation d’environ 50% dans le nombre de personnes qui sont parties pour se rendre en Irak ou en Syrie », a-t-il ajouté.
Plus récemment encore, l’ancien chef des forces spéciales de la police au Tadjikistan a annoncé dans un message vidéo diffusé mercredi 27 mai sur YouTube qu’il avait rejoint les rangs de l’« Etat islamique ». Le colonel Goulmourod Khalimov, qui avait dirigé l’Omon, unité d’élite spécialisée dans la lutte contre les criminels et les activistes, avait disparu à la fin du mois d’avril et était, depuis, introuvable en dépit des recherches lancées par la police tadjike. Il est réapparu dans une vidéo d’une dizaine de minutes, brandissant une ceinture de munitions et un fusil, et promettant de porter le « jihad » en Russie et aux Etats-Unis. Les forces de sécurité du Tadjikistan estiment que plus de trois cents ressortissants du pays sont partis combattre en Syrie et que cinquante y sont morts.
L’Occident complice dans la chute de Palmyre
Ces chiffres et ces faits montrent que les étrangers constituent une part- non négligeable des effectifs de « Daech », et leur augmentation continue prouve que les mesures prises, en Occident, pour lutter contre les filières de recruteurs et contre la machine de propagande de « Daech » ne sont pas sérieuses. Car c’est essentiellement à travers les réseaux sociaux que se fait le recrutement, au vu et au su des services de renseignements américains et européens.
L’attitude ambiguë de l’Occident vis-à-vis de « Daech » s’est parfaitement illustrée lors de la prise de la ville de Palmyre. Selon des sources bien informées à Beyrouth et à Damas, les Étasuniens et les pays membres de la « Coalition internationale » avaient été informés via des canaux spéciaux de l’intention de l’organisation terroriste d’attaquer la ville antique, située aux portes du désert syrien. Mais malgré ces informations, la coalition n’a rien fait et « Daech » a pu acheminer des renforts de Deir Ezzor, d’Al-Anbar (Irak) et de Raqqa dans des colonnes motorisées, qui ont tranquillement traversé des centaines de kilomètres à découvert dans le désert, sans qu’elles ne soient inquiétées le moins du monde par les avions des Etats-Unis et de leurs alliés, qui ont la maitrise du ciel. « Cela signifie clairement que l’Occident est complice dans la prise de Palmyre par « Daech », afin de mettre à exécution le plan de partage des pays de la région en entités confessionnelles », confie une source diplomatique arabe à Beyrouth.
L’Occident savait « dès 2012 »
Le rôle de l’Occident dans l’émergence et le renforcement de « Daech » n’est plus à prouver. D’après des documents récemment déclassifiés, le service de renseignement militaire du Pentagone prévoyait l’éventuelle expansion de l’« Etat islamique » au Proche-Orient dès 2012.
Les documents publiés dans la presse étasunienne et arabe indiquent que les pays qui soutenaient l’opposition contre le président Bachar al-Assad, dont les Etats-Unis, présageaient l’émergence d’un Etat indépendant dans l’est de la Syrie et contribuaient à sa formation. Ils pronostiquaient, également, une fusion entre l’« Etat islamique » et d’autres organisations terroristes opérant en Syrie comme en Irak.
Dans un entretien accordé à la chaine de télévision Russia Today, le professeur de la Northeastern University de Boston, Max Abrahms, a déclaré que « les Etats-Unis et leurs alliés avaient une perception exacte de l’« Etat islamique » dès le moment de sa fondation ». « A en croire le rapport du Pentagone, les organisations terroristes dirigées par des combattants d’Al-Qaїda en Irak envisageaient depuis longtemps de lancer une offensive en Syrie, et les Etats-Unis, la Turquie et les pays du Golfe étaient au courant de leurs projets », indique l’expert. « De plus en plus de preuves démontrent que la soi-disant ‘opposition modérée’ en Syrie n’était en fait pas aussi modérée qu’on le croyait, et qu’elle a toujours bénéficié d’un soutien de la part des terroristes », a expliqué M. Abrahms.
Ces révélations confirment les déclarations des responsables iraniens qui dénoncent, dès le départ, le manque de sérieux des Etats-Unis et de leurs alliés dans la lutte contre « Daech » en Irak et en Syrie.
Samer R. Zoughaib
30 mai 2015