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La crise politique rouverte à la suite du massacre de Port-Saïd

Les affrontements violents de Port-Saïd à la suite du match ayant opposé l’équipe cairote d’Al-Ahly à celle d’Al-Masry va bien au-delà du simple heurt entre supporters de foot. Ils révèlent la profondeur des contradictions sociales et politiques qui traversent le pays ainsi que le caractère extrêmement instable de la situation actuelle.

Après cette nuit de violence dont le bilan s’élève au bas mot à 74 morts et à des centaines de blessés, la foule est redescendue dans les rues de la capitale et des grandes villes. Un seul slogan parcourait ces manifestations : la fin du régime militaire, accusé par les manifestants d’être à l’origine de ces affrontements. Selon de nombreux témoins la majorité des victimes se compte parmi les supporters tentant de fuir le stade mais se heurtant dans leur course désespérée à des issues de secours closes ou grillagées.

Nombreux sont ceux qui pointent du doigt la complicité les forces de sécurité. Le ministère de l’Intérieur, sur ordre du Conseil Suprême des Forces Armées (SCAF), entendrait ainsi justifier le maintien de l’état d’urgence, survivance de l’ère Moubarak, par la recrudescence des violences sur les personnes et sur les biens qui caractérise la situation actuelle. D’autres affirment qu’il s’agit d’une vengeance des forces de sécurité. La police aurait ainsi voulu se venger des Ultras d’Al-Ahly, ces supporters du club le plus populaire de la capitale, qui se sont trouvés en première ligne il y a tout juste un an lors de la journée de la « bataille des chameaux » qui a vu la défaite des « baltagiyya », des hommes de main à la solde de l’ancien régime et des forces de répression moubarakistes. Par delà les raisons ayant présidé à ce déchainement de violence dans le stade de la ville de Port-Saïd, un des centres du processus révolutionnaire dans la région stratégique du canal avec Suez, tout porte à croire que l’origine de la violence est à chercher du côté des forces de sécurité. C’est-là une triste constante de l’ère « post-Moubarak » depuis l’épisode du massacre des manifestants coptes au Caire en octobre dernier [1] .

Les Frères Musulmans et leur parti, Justice et Liberté, arrivé en tête lors du dernier scrutin parlementaire, ont demandé la démission des responsables politiques du gouvernorat de Port-Saïd ainsi que des responsables locaux des forces de sécurité. Une session d’urgence du Parlement a même été convoquée à cet effet, afin d’essayer de contenir les ras-le-bol des manifestants et montrer que les partis majoritaires actuellement au sein de l’hémicycle, condamnés à être dans l’opposition par la force des choses et en raison de l’intransigeance du SCAF [2], « comprend » la colère des contestataires.

La Junte, de son côté, afin de ne pas prêter le flanc aux critiques, a décrété de façon bien hypocrite trois jours deuil national alors que toutes les manifestations sportives étaient annulées. Le maréchal Tantawi qui assure de facto le pouvoir exécutif a également accepté la démission du gouverneur de Port-Saïd et a émis un mandat d’arrêt à l’encontre du chef local de la police. Tout ceci n’a pas suffi à mettre fin aux manifestations, même si elles sont aujourd’hui plus circonscrites qu’au milieu de la semaine dernière et que les affrontements quotidiens se limitent aujourd’hui au Caire aux rues adjacentes avec le ministère de l’Intérieur. Tout ceci cependant n’a pas suffi pour désamorcer la crise politique qui s’est rouverte.

Un an après les mobilisations qui ont abouti au renversement de Moubarak le processus révolutionnaire est encore ouvert. Les élections législatives ont certes agi comme une sorte de canalisation des intenses mobilisations qui ont secoué le pays cet automne, depuis la fin du mois de Ramadan [3]. Grâce à l’accord tacite passé entre les forces islamistes, notamment les Ikwans, les Frères Musulmans, et les militaires, avec la bénédiction de la Maison Blanche et des principales puissances impérialistes ayant en Egypte des intérêts non négligeables, la Junte a réussi à se maintenir au pouvoir et a confirmé un de ses agents, Al-Ghanzuri, au poste de premier ministre, et ce même si les résultats des élections donnaient comme principaux vainqueurs le Parti Justice et Liberté, lié aux Ikhwans, et le Parti Al-Noor, lié au salafisme.

Cette canalisation ponctuelle du processus à travers les urnes n’est aucunement consolidée cependant. Les incidents de Port-Saïd sont là pour en témoigner. Ils sont d’ailleurs loin de constituer un épisode isolé. Quelques jours auparavant une mobilisation importante entendant défendre la dynamique issue de la « révolution du 25 janvier » avait tenté d’arriver jusqu’au Parlement afin d’y exiger la fin du régime militaire. Les gros bras des Ikhwans l’en avait empêché, agissant en soutien du régime en place auquel les Frères prétendent s’opposer sur le papier. Mais cette mobilisation a réussi à mettre en discussion la légitimité du Parlement et a ouvert la question de la capacité des Frères Musulmans à agir de concert à la fois comme canal de contention et de rechange par rapport au SCAF mais également comme police officieuse du régime en place contre les secteurs les plus radicalisés de la jeunesse et du prolétariat.

Les contradictions profondes qui ont amené à l’explosion du processus révolutionnaires refont surface avec force depuis quelques mois. On l’a vu dans les grèves et les débrayages qui ont émaillé l’appareil productif égyptien au cours des derniers mois, dans les secteurs les plus divers [4]. On l’a encore vu lors des manifestations célébrant le 25 janvier le premier anniversaire du début du processus insurrectionnel contre Moubarak. Des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue ce jour-là derrière les banderoles réclamant « la fin du régime militaire » alors que salafistes et Frères Musulmans le plus souvent organisaient des rassemblements séparés.

L’Armée égyptienne, la bourgeoisie locale, les partis défendant l’ordre capitaliste (les libéraux comme les religieux) ainsi que l’impérialisme essayent tous à leur manière de tirer les ficelles d’une « transition démocratique » qu’ils cherchent à structurer et à inscrire dans le paysage politique. L’objectif est de canaliser le processus vers un régime de démocratie bourgeoise sous tutelle qui soit notamment en capacité de préserver le rôle des militaires comme un des piliers fondamentaux du régime tant sur le plan économique que politique et géostratégique (on songera aux accords de paix avec l’Etat sioniste et terroriste).

Après une année de mobilisations et de luttes qui n’ont pas cessées, le caractère contre-révolutionnaire de ce projet saute aux yeux d’un secteur de l’avant-garde ouvrière et de la jeunesse qui commence à tirer des leçons de la situation actuelle et se sent exproprier de « sa » révolution. Pour mettre en échec et faire plier les forces de la contre-révolution il est plus que jamais nécessaire de forger une alliance ouvrière et populaire en capacité de préparer la grève générale insurrectionnelle pour mettre à bas le régime et construire les bases d’un gouvernement ouvrier, paysan et populaire.

Claudia Cinatti et Ciro Tappeste

Source :Courant Communiste Révolutionnaire du NPA

05/02/11

[2Voir à ce sujet, « Egypte. La révolution est en marche », 19/12/11.


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