Tout au long de l’histoire de l’humanité, jamais aucune guerre n’a été annoncée avec autant d’anticipation que le conflit latent qui sévit dans cette région explosive du Moyen-Orient autour de l’Iran et de son polémique programme nucléaire civil, que les Occidentaux accusent sans preuves d’avoir des fins militaires.
Il ne se passe pas un jour sans que ne résonnent les tambours de la guerre dans cette région infortunée (dures sanctions économiques contre Téhéran, discours anti-iranien « excessivement belliqueux », actions des services secrets occidentaux et israéliens sur le terrain, assassinats sélectifs de scientifiques nucléaires iraniens et sabotages de l’infrastructure industrielle, ainsi que la multiplication de manoeuvres militaires des deux bords), d’où une dangereuse atmosphère de pré-guerre, dont l’issue aura des conséquences fatales pour le monde, comme l’a souvent averti le leader cubain Fidel Castro
La visite du premier ministre israélien Benjamin Netanyahou à Washington au début du mois de mars a obligé le président étasunien à situer plus précisément ladite « ligne rouge » que le gouvernement du président iranien Mahmoud Ahmadinejad ne doit pas dépasser, mais cela ne convient pas à Israël qui est partisan de l’emploi des armes avant qu’il ne soit supposément trop tard et que « le régime des ayatollahs n’ait stocké suffisamment d’uranium enrichi pour fabriquer une bombe atomique », selon les déclarations des leaders sionistes.
Cependant, Obama préoccupé par sa réélection, harcelé par les républicains et le puissant lobby juif qui l’accusent de faiblesse, devant faire face à une économie affaiblie et aux traumatismes encore frais de ses aventures impériales en Irak et en Afghanistan, est tenu de rester plus prudent que son gênant allié moyen-oriental, et de laisser une certaine marge de manoeuvre à la diplomatie et aux effets des brutales sanctions économiques.
Des spécialistes considèrent que la décision d’une attaque en 2012 reste, en effet, entre les mains d’Israël. C’est ce qu’a déclaré Netanyahou dans le Bureau ovale, invoquant le droit à sa propre sécurité, que lui reconnaît Obama.
Cette sensation d’attaque imminente a été renforcée par le secrétaire nord-américain à la Défense, Leon Panetta qui, dans des déclarations à un journaliste du journal Washington Post, a affirmé qu’Israël pourrait attaquer l’Iran au printemps prochain (avril, mai ou juin), ce qui a fait sonner tous les signaux d’alarme.
Le journal israélien Haaretz a fait monter d’un cran la pression dans « la chaudière iranienne », en informant que Bibi, - comme l’appellent ses intimes - a demandé à Washington l’approbation de la vente de matériel de guerre pour bombarder l’Iran.
Le leader du Likoud, considéré comme un faucon, vétéran de la Guerre du Kippour en 1973, et ancien membre de la Sayeret Matkal (unité des forces spéciales), a sollicité l’acquisition de systèmes avancés de perches de ravitaillement de combustibles en vol pour ses avions de guerre sophistiqués, et de puissantes bombes anti-bunker GBU-28, pour attaquer les principaux centres du programme nucléaire iranien, et causerait des dommages conséquents, notamment au site nucléaire souterrain de Fordow, près de la ville sainte de Qom, où Téhéran produit de l’uranium enrichi (à 20%), et à celui de Natanz, au sud de la capitale, enterré à 8 mètres sous terre et protégé par plusieurs couches de béton armé.
Selon le journal Haaretz, qui base son information sur les confidences d’un haut fonctionnaire étasunien, sans toutefois l’identifier, Obama a chargé Leon Panetta de traiter directement la question avec son homologue israélien Ehud Barack. Par ailleurs, il serait prêt à accepter la demande dans les plus brefs délais.
Un fait significatif : alors que l’administration de George W. Bush avait rejeté cette même demande en se basant sur le fait qu’Israël utiliserait ce matériel pour bombarder l’Iran, pendant la présidence d’Obama, la collaboration militaire a atteint des niveaux sans précédents, comme le soulignent d’ailleurs les deux dirigeants.
Dans ce contexte de guerre, les Industries militaires israéliennes ont présenté récemment des nouvelles bombes, à la pénétration améliorée, telles que les MPR-500 : 500 livres (environ 250 kg) de bombe rigide à usage multiple, une fragmentation moindre et compatible avec le système de guidage Boeing JDAM, explique l’Industrie militaire dans un communiqué.
C’est une arme « idéale pour les cibles dans les zones urbaines fortement peuplées ou proches des troupes alliées, conçue pour transpercer des murs de béton armé d’un mètre d’épaisseur, et perforer des sols ou des parois de 200 millimètres », précise l’information.
Par ailleurs, Israël a poursuivi ses essais sur le missile Jericho 3, capable de porter des armes nucléaires ou conventionnelles.
Malgré sa supériorité militaire, l’ampleur d’une attaque aérienne telle que la prévoit Israël contre l’Iran excèderait ses capacités et nécessite forcément le soutien militaire nord-américain. En effet, l’opération annoncée ne ressemble en rien au coup sélectif de l’aviation sioniste mené en 1981 contre le centre nucléaire irakien d’Osirak et contre le site nucléaire syrien d’Al-Kibar, dans la région de Day raz-Zawr en 2007.
Poursuivant leur pression sur l’Iran, Obama et le premier ministre britannique, David Cameron, réunis à Washington, ont recommandé il y a quelques jours au gouvernement iranien de profiter de l’occasion que lui offrent les grandes puissances pour négocier son programme nucléaire car, avertissait le président étasunien, « la marge de manoeuvre pour résoudre la question par la voie diplomatique se réduit ». L’étau se resserre...
L’IRAN SE PRÉPARE AUSSI
Face à la formidable escouade aéronavale des États-Unis et de ses alliés occidentaux, dont plusieurs porte-avions yankees concentrés aux abords des côtes iraniennes dans le Golfe Persique, et aux manoeuvres de l’aviation sioniste en vue de lancer son attaque annoncée contre le programme nucléaire iranien, la nation perse a averti qu’elle peut effectuer une attaque préventive si elle s’estime en danger imminent.
Le chef-adjoint de l’État-major général iranien pour le Développement logistique et industriel, Mohammad Hejazi, a déclaré dans une interview accordée à l’agence Fars : « si les intérêts nationaux se trouvaient menacés », l’Iran n’excluait pas « d’agir sans attendre l’action de son ennemi ».
Et dans cette logique, le gouvernement iranien envisage de bloquer le Détroit d’Ormuz, vital pour le transport du pétrole. Une décision que les Nord-américains, imbus de leur toute-puissance, ont signalé comme une. « ligne rouge » à ne pas dfranchir par Téhéran sous peine de s’exposer à une attaque dévastatrice.
Selon des données du Département nord-américain de l’Énergie, entre 2009 et 2010, 15,5 et 16 millions de barils de pétrole ont transité par cette gorge maritime, soit 40% du transport maritime de pétrole brut dans le monde.
Ce blocus serait un coup extraordinaire contre l’économie fragilisée de l’Occident qui doit faire face à une crise systémique. Alors que la guerre n’a pas commencé, les prix du pétrole se sont envolés à plus de 120 dollars le baril. Des prix pratiquement prohibitifs pour n’importe quel pays.
Par ailleurs, les Forces de terre, de l’air et de mer iraniennes, en état d’alerte maximale, effectuent de fréquentes manoeuvres, tandis que les commandements militaires annoncent presque quotidiennement les progrès effectués en armement et en technologie militaire du pays.
C’est dans ce contexte que s’inscrit la création du Conseil suprême du Cyberespace qui a pour but de contrôler l’espace cybernétique, à partir d’un décret signé au début de ce mois par le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, selon l’agence iranienne Mehr.
A ce propos, le directeur de l’Organisation de Défense passive iranienne, le général Gholam-Reza Jalali, a déclaré que Téhéran prévoit de se doter d’une armée cybernétique destinée à contrer les menaces éventuelles venues des États-Unis et d’autres pays, notamment contre ses installations nucléaires.
Gholam-Reza Jalali a annoncé la création d’un centre de commandement cybernétique destiné à lutter contre de possibles attaques de pirates contre les réseaux informatiques du pays. Ce centre aurait pour mission de « surveiller, d’identifier et de contrer les menaces informatiques contre les infrastructures nationales ».
Au cours de ces deux dernières années, deux logiciels malveillants ont été introduits dans les ordinateurs iraniens : Stuxnet et Doku. Tout laisse à penser que Tel Aviv et Washington sont responsables de cette attaque qui déplace l’escalade de l’agression dans le cyberespace. L’Iran a affirmé que les deux virus ont été neutralisés grâce à des programmes nationaux.
Les analystes politiques n’ont pas ignoré non plus les résultats du sommet entre le Pakistan, l’Afghanistan et l’Iran qui s’est déroulé le mois dernier à Islamabad la capitale pakistanaise. Lors de la conférence finale, en présence des présidents afghan et iranien, le président pakistanais, Asif Ali Zardari a affirmé sans détours que son pays n’apporterait aucune aide aux forces étasuniennes en cas d’attaque de l’Iran par les États-Unis. Un revers important pour la Maison-Blanche dont les relations avec Islamabad et Kaboul sont minées par le manque de confiance.
Un succès pour Téhéran, qui dans un conflit ouvert avec le régime israélien pourrait compter également sur le soutien militaire des organisations libanaises Hezbollah et des mouvements palestiniens du Hamas et de la Jihad islamique.
Compte tenu du ferme engagement de Washington avec la sécurité d’Israël depuis 60 ans, une question clé se pose aux analystes : quelle attitude adopteront les États-Unis si Tel Aviv bombarde les installations iraniennes et si Téhéran réplique par une contre-attaque violente ? Les cartes sont sur la table et le jeu risque d’être très dangereux…
Juan Diego Nusa Peñalver
http://www.granma.cu/frances/internationales/22mar-La%20prochaine.html