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Le débat sur la Circoncision (Dissident Voice)

la Chancelière Angela Merkel a beaucoup de problèmes, la plupart de nature économique. l’Europe chancelle et perd pied et la Dame de l’Austérité a chaque jour moins d’amis. La décision du tribunal régional de Cologne qui remet en cause la légalité de la circoncision des mineurs a déclenché une tempête qui a ajouté à ses problèmes. Le débat n’aurait sans doute jamais eu lieu si le docteur qui a circoncis le bébé du couple n’avait pas été accusé de l’avoir blessé.

La Chancelière a dit ce qu’elle en pensait au Bild daily : "Je ne veux pas que l’Allemagne soit le seul pays où les Juifs ne puissent pas pratiquer (sic) leurs rituels. Si c’était le cas nous serions la risée générale." Merkel et Joerg van Essen ont tous les deux proposé qu’une loi soit promulguée en Automne pour annuler les conséquences de la décision judiciaire.

La première chose qu’il faut noter au milieu de cette marée d’hystérie, c’est la nature limitée de la décision de justice. La juridiction du tribunal se limite à la ville de Cologne et ses environs. Ce qu’on craint, bien sûr, c’est que ça ne constitue un précédent. Par ailleurs le tribunal n’a pas déclaré illégale la circoncision des mineurs. Le tribunal régional a souligné que "le droit fondamental de l’enfant à son intégrité physique supplantait les droits fondamentaux des parents."

Les groupes religieux qui encouragent de telles pratiques se sont naturellement élevés contre le jugement en arguant qu’au 21ième siècle, c’était encore un droit inaliénable de modifier l’appareil génital des mineurs. Le Conseil Central des Juifs d’Allemagne a déclaré que si ce jugement devenait une loi allemande, les Juifs ne pourraient plus habiter dans le pays. Le président de la Communauté Religieuse de l’Islam d’Allemagne a même dit de façon surprenante, que le jugement "était contraire à la cause de l’intégration et constituait une discrimination à l’encontre de tous les acteurs concernés" (Guardian, 27 juin). La question a fait d’autant plus de bruit en Allemagne que l’ombre de l’holocauste plane sur tout accroc à la liberté des résidents juifs.

Ce qu’a révélé ce jugement, et encore plus la réaction au jugement, c’est le gouffre immense qui sépare, d’un côté, l’indignation courroucée contre la mutilation des parties génitales des femmes (qui est loin d’être un signe d’intégration) et de l’autre, la "légitimité" de la pratique tolérée de la circoncision masculine que ce soit pour des motifs religieux fantaisistes ou pour des raisons médicales.

Le docteur Antony Lempert, président du Forum Laïque de Médecine a dit qu’il soutenait le jugement et dénoncé le chantage émotionnel qui menaçait sa pérennité. Gardez la tête froide, a-t-il enjoint à Merkel :

Nous sommes choqués que des groupes religieux nient la souffrance (causée par la circoncision) et nous sommes choqués par les déclarations inexactes et trompeuses de ceux qui s’opposent à la décision du tribunal et qui affirment faussement qu’elle est un signe d’antisémitisme (Reuters, 17 juillet).

Il a raison ; sans parler du débat sur la circoncision qui a lieu à l’intérieur même des croyances qui la pratiquent. Ronald Goldman du Centre de Ressource de la Circoncision Juive, a eu le plaisir de s’opposer aux arguments inconditionnels en faveur de la pratique en notant qu’on trouve en Israël des organisations qui s’élèvent contre l’ablation du prépuce. A ceux qui ont besoin de références historiques de poids, Goldman rappelle dans "Circoncision : Une source de la souffrance juive" que Moïse n’a pas circoncis sont fils, ni Theodor Herzl, son fils né en 1891. Affirmer que l’ablation du prépuce est une signe d’authentique judaïté n’est pas vrai non plus, étant donné qu’on peut ne pas être circoncis et rester juif.

Un autre aspect frappant de ce débat est celui de l’âge. Les droits des enfants sont devenus en quelque sorte un sujet fétiche dans beaucoup d’états, une évolution qui est une bénédiction pour ceux qui cherchent à contrôler l’interaction entre les adultes et les enfants. Si c’est dans l’intérêt de l’enfant, alors ils le font. Evidemment, circoncire ceux qui sont sans défenses et même souvent ignorants de ce qu’on fait à leur appareil génital est une pratique qui bénéficie d’un mystérieux statut d’exception au regard de la loi. Les pratiques religieuses et culturelles prennent le pas sur tout le reste - en tous cas si l’enfant en question est un garçon. Et donc, comme dit Lempert, "La décision du tribunal garantit que les enfants d’aujourd’hui puissent prendre leurs propres décisions quand ils en auront l’âge". (Le sang des personnalités religieuses a dû se glacer à l’idée qu’on puisse décider par soi-même et en toute connaissance de cause).

Le tribunal régional allemand a contribué à rendre le sujet brûlant en affirmant que la circoncision constituait une grave atteinte corporelle. Il est difficile de contester ce fait -atteinte il y a, et elle est le fait d’un praticien spécialisé dans l’art de l’ablation du prépuce. Ce n’est pourtant pas ce que pense le Rabbin Jonathan Romain, qui affirme que la reine a choisi de faire circoncire son altesse royale de Prince de Galles et ses frères Andrew et Edward. Si les membres de la famille royale sont circoncis alors pourquoi les roturiers ne pourraient-ils pas l’être.

Catherine Bennett dans le Guardian (22juillet) a critiqué à juste titre la valeur de cette argument :

Bien que je souhaite au rabbin tout le bien possible, il ne semble pas y avoir de raison évidente pour que l’aversion traditionnelle de la famille royale pour les prépuces ait plus d’influence sur le peuple que sa passion pour le polo, les corgis (chiens de race ndt) et l’homéopathie.

Binoy Kampmark

Binoy Kampmark a été étudiant du Commonwealth à Selwyn College, Cambridge. Il enseigne à RMIT University, Melbourne et on peut le joindre à  : bkampmark@gmail.com.

Pour consulter l’original : http://dissidentvoice.org/2012/07/banning-the-snip-the-debate-on-circumcision/

Traduction : Dominique Muselet

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