Au printemps 2023, le G.I.E.C. (Groupe International d’Experts sur l’Évolution du Climat, groupe créé en 1988, déjà…) a produit son sixième rapport, synthétisant des milliers de pages d’études, et l’a ensuite envoyé aux gouvernements, décideurs économiques et journalistes du monde entier. Ce sixième rapport était lui-même la synthèse de trois précédents publiés en août 2021, février et avril 2022 par les trois groupes de travail du G.I.E.C.
Le groupe 1 a planché sur la physique du climat dans le cadre du changement provoqué par nos émissions de gaz à effet de serre,
Le groupe 2 a travaillé sur l’évaluation des risques climatiques, la vulnérabilité des sociétés et les adaptations possibles,
le groupe 3 a cherché à indiquer comment diminuer les émissions de gaz à effet de serre à un niveau permettant d’atteindre les objectifs de la convention climat de Copenhague en 2019, soit 2°C de réchauffement maximum par rapport au niveau préindustriel, puis à se rapprocher le plus possible des 1,5°C décidé à Paris en 2015.
Groupe 1 : 234 auteurs de 65 pays, plusieurs centaines d’auteurs-contributeurs pour évaluer plus de 14 000 publications scientifiques. Résultat : 1 rapport de 3 949 pages.
Lors de son assemblée plénière, le G.I.E.C. adopte le « résumé pour décideurs » (= synthèse de présentation) des conclusions de ce groupe de travail destiné aux chefs d’états et de gouvernements.
Groupe 2 : 270 experts qui ont fait appel à 675 autres auteurs-contributeurs et analysé plus de 34 000 publications scientifiques. Son rapport complet = 3 976 pages condensées dans son « rapport pour décideurs » = 35 pages.
Groupe 3 : 278 hauteurs et 354 autres collaborateurs. 18 000 publications scientifiques analysées. Rapport complet : 2 913 pages et « rapport pour décideurs » : 63 pages.
Il faut savoir rendre grâce à Sylvestre Huet pour avoir lu, analysé, décortiqué, décrypté ces 3 rapports du G.I.E.C., un immense travail de plusieurs milliers de pages, pour finalement en présenter l’essentiel, sous une forme accessible au plus grand nombre (1). Tâche accomplie en grande partie par le journaliste scientifique entre octobre 2022 et janvier 2024.
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(1) Son livre publié en avril 2024 aux éditions Tallandier, col. Texto : Le G.I.E.C. : urgence climat/Le rapport incontestable expliqué à tous (222 p.).
Avec cet ouvrage, et c’est l’ambition de son auteur, plus personne ne pourra dire « je ne savais pas... », toute personne pourra connaître les risques de l’inaction et saura quoifaire.
1) Le changement climatique observé est incontestable et sans précédent depuis plusieurs milliers d’années ; il représente une menace majeure pour les sociétés humaines.
2) Il est encore possible de contenir ce changement dans des limites qui diminueront ses conséquences néfastes pour l’humanité SI l’on opère une réduction immédiate et massive des émissions mondiales et si l’on poursuit cette réduction jusqu’à la fin du XXIème siècle.
Une originalité : la carpe et le lapin !
Le G.I.E.C. résulte d’un mariage, inédit, entre la science et la politique.
Craignant de se faire doubler par les écologistes peu favorables à l’industrie, qui s’exprimaient lors de la convention climat tenue en 1992 à Rio-de-Janeiro sous les auspices de l’O.N.U., les dirigeants politiques des pays les plus riches du monde redoutent une remise en cause de la base énergétique de leur puissance assise sur le pétrole… Ils ont alors plaidé pour une organisation hybride : à la fois politique, pour répondre à la demande d’expertise des gouvernements, et aussi scientifique, avec un bureau chargé de recruter au niveau mondial (la bonne, la seule échelle pour appréhender le problème) des spécialistes de chaque sujet traité, soit la communauté scientifique internationale mobilisée. Pour établir une synthèse critique des productions scientifiques sur le changement climatique.
Le G.I.E.C. conduit une analyse rigoureuse des causes et conséquences du changement climatique, ainsi que des moyens à mettre en œuvre pour atténuer cette menace, par la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre. Mais il lui est interdit « statutairement », de par sa mission, d’aller au-delà. C’est-à-dire de recommander une quelconque politique. Si cette limitation permet la réussite de la mission d’expertise, en revanche, elle renvoie à un autre cadre, un autre processus pour que soient prises des décisions d’action : soit dans chaque pays, soit lors des C.O.P. (COnférence des Parties), c’est-à-dire les réunions des pays signataires de la convention climat de l’O.N.U.
Le livre de Sylvestre Huet
Le travail d’analyse et de présentation des rapports des 3 groupes du G.I.E.C. effectué par Sylvestre Huet en – seulement – 222 pages est extrêmement intéressant et d’une grande richesse. Il reprend :
– la physique du climat,
– les impacts, l’adaptation et la vulnérabilité,
– l’atténuation du changement climatique.
Tout à la fois, ce travail met en évidence la liaison entre « fin de vie » et « fin de mois », situe le bon niveau d’action, pointe les interactions entre les mesures prises ou proposées, pointe encore les fausses bonnes solution Il remet aussi en cause le mode de vie et de croissance de nos sociétés occidentales avec ce rappel emprunté aux rédacteurs du rapport : « Les classes moyennes des pays riches et émergents – l’essentiel de ces 10 % les plus riches de la population mondiale en terme de revenus – ne risquent guère de s’engager dans une sobriété volontaire sévère si elles ont toujours sous les yeux le spectacle des consommations sans limites des grandes fortunes. Mais c’est la seule rédaction possible pour une expertise consensuelle à l’échelle mondiale. » Et encore : « Comment promouvoir la sobriété comme moyen majeur d’une politique climatique et ne rien dire de l’industrie publicitaire ? Cette manipulation géante des esprits émergeant après la Seconde Guerre mondiale, lorsque les grandes entreprises étasuniennes se demandèrent comment donner suite aux commandes militaires pour stimuler la croissance de leurs activités et profits. »
À lire d’urgence, car comme le disait feu le Président Chirac : « la maison brûle... »
Conclusion
Dans sa riche conclusion, le journaliste scientifique ramène doublement la question sur le plan politique en soulevant deux problèmes par le groupe 3 :
– À qui faut-il confier la « marche du monde » pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre et atteindre les objectifs de 2°C de réchauffement maximal : au marché capitaliste, et à sa recherche du rendement financier maximum dans le temps le plus court possible, à sa logique de concurrence effrénée entre entreprises pour conquérir des parts de march, ou bien faut-il en appeler à des régulations étatiques fortes et à des planifications collectives ?
– L’éradication de la pauvreté dans les pays où la population vit avec moins de 2 dollars par jour a été obtenue grâce à la consommation d’énergies fossiles, celles-là mêmes qui sont responsables du réchauffement climatiqu
La réponse ne se trouve-t-elle pas dans une pensée que Marx aurait pu formuler ? Il n’y a pas de solution à la question écologique et à la question sociale sans exproprier les expropriateurs et sans reconquête et réorientation des moyens de production.