:Bonjour calame
Voilà :
La propagande salit tout ce qu’elle touche .
La commissaire aux droits de l’enfant de Vladimir Poutine, Maria Lvova-Belova, égérie conservatrice du régime, est l’un des principaux visages de la pratique russe qui consiste à déporter des enfants ukrainiens pour les faire adopter en Russie. Portrait de celle qui fait de la guerre en Ukraine une des recettes de sa notoriété.
Une femme blonde serre dans ses bras un énorme ours en peluche dans les couloirs d’un aéroport. En robe à fleurs, elle est agenouillée auprès d’une adolescente en fauteuil roulant. Penchée sur un petit garçon aveugle, elle l’aide à accrocher une guirlande à un sapin de Noël. Sur sa chaine Telegram et à la télévision russe, Maria Lvova-Belova, commissaire aux droits de l’enfant du président russe depuis 2021, met en scène ses bonnes œuvres.
En Russie comme en Ukraine, elle vole au secours des enfants. Et en déporte des centaines, les contraignant à quitter les territoires annexés d’Ukraine pour les installer dans un pays qui leur est étranger, la Russie.
Égérie conservatrice
Fichu sur la tête et col boutonné jusqu’au menton, cette mère de dix enfants – cinq biologiques, cinq adoptés, dont un Ukrainien – joue ainsi de ses airs angéliques et maternels.
Avec son époux, informaticien devenu pope, elle a également pris sous sa tutelle treize enfants handicapés. Ils sont placés dans des associations caritatives qu’elle a elle-même fondées, et qui sont, pour certaines, accusées par des médias russes de détournement de fonds.
Rarissime en Russie, où la natalité est en baisse, la famille nombreuse de cette femme d’affaires spécialisée dans la charité fait figure d’idéal pour Russie unie, le parti de Vladimir Poutine, et pour l’Église orthodoxe. Véritable faire-valoir du régime, la famille a ainsi accueilli au printemps un vingt-troisième enfant, Filip, un adolescent ukrainien originaire de Marioupol.
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Car il ne faut pas s’y laisser prendre : loin d’être une simple égérie conservatrice, Maria Lvova-Belova joue un rôle essentiel dans la déportation d’enfants ukrainiens, qu’elle "sauve" en les envoyant en Russie.
Des milliers d’enfants ukrainiens portés disparus
Photographiée à bord d’avions, de trains, ou dans des gares routières, elle le clame fièrement sur les réseaux sociaux et dans les médias d’État : grâce à elle, des centaines – voire des milliers, il est difficile d’établir leur nombre – d’enfants ukrainiens sont "mis à l’abri" par la grande Russie. Ne lui parlez pas de "déportation", mais plutôt de "sauvetage" ; et préférez "mise sous tutelle" à "adoption".
Issus d’orphelinats, d’hôpitaux, de centres sociaux ou de foyers d’accueil des régions annexées, orphelins ou séparés de leurs familles au gré des combats, ces enfants sont proposés à des familles russes, contre rémunération de la part de l’État.
Totalement contraire au droit international et à la Convention des droits de l’enfant, la pratique a été dénoncée auprès de la Cour pénale internationale en décembre par l’association française "Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre". L’ONG Amnesty International a elle aussi pointé un "crime de guerre" et un possible "crime contre l’humanité", dans un rapport paru en novembre dernier.
Mais, loin d’être cachée, la politique de déportation d’enfants vient nourrir la propagande russe et poursuivre la "désukrainisation" voulue par Vladimir Poutine, qui a fait adopter une loi en mai 2022 pour faciliter l’octroi de la nationalité russe aux Ukrainiens.
La Russie dit ainsi avoir accueilli cinq millions de réfugiés venus des régions annexées, tandis que l’Ukraine affirmait début décembre que 13 000 enfants avaient été déportés en Russie, bien qu’il soit compliqué d’évaluer leur nombre réel.
Larmes, ballons et centres de rééducation
Sur le compte Telegram de Maria Lvova-Belova, les vidéos se succèdent. Des enfants de Donetsk et du Donbass sont débarqués en Russie et accueillis par leurs "nouvelles familles", à grand renfort de larmes de joie et de ballons. Leur prénom est souvent changé, et ils sont dotés d’un nouveau passeport russe en échange de leur ancienne identité.
Pour faciliter leur "intégration", des centres de "rééducation" et de "réhabilitation psychologique" ont ouvert à Moscou, à Rostov ou encore à Touaspé. Un autre a accueilli, en Biélorussie, un millier d’enfants du Donbass, âgés de 6 à 15 ans, pour leur permettre de se "reposer et de récupérer", selon le site biélorusse Belta.
Ils y reçoivent des "soins", mais aussi des "cours quotidiens de langue et d’histoire russes", explique Maria Lvova-Belova à ses abonnés. L’étape est nécessaire, car l’adaptation peut parfois prendre du temps. Au départ, a-t-elle confié, Filip montrait "une certaine négativité". Il s’entêtait à chanter l’hymne ukrainien et à évoquer sa participation à des manifestations de soutien à l’armée. Mais son comportement a changé. Il est maintenant "reconnaissant" envers cette "grande famille" russe qui l’a sauvé.
Une carrière fulgurante
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Véritable aubaine, la guerre en Ukraine a ainsi permis à cette ancienne professeure de guitare de continuer sa carrière fulgurante au sein des institutions russes. En 2008, elle fonde, avec Anna Kuznetsova, sa prédécesseure au poste de Commissaire des droits de l’enfant, une association caritative, Blagovest, dans la région de Penza. Les deux femmes partagent le fait d’être mères de plusieurs enfants et proches de l’Église orthodoxe.
Mettant ses pas dans ceux de sa collègue, qui rejoint Russie unie dès 2014 pour être nommée commissaire aux droits de l’enfant en 2016, Maria Lvova-Belova rejoint le parti au pouvoir en 2019, tandis que son mari se fait pope.
À partir de là, tout s’enchaine : elle intègre presque immédiatement le conseil général du parti, avant de remporter l’important concours "Leaders of Russia" en 2020. Nommée sénatrice dans la foulée, elle est finalement désignée à son tour commissaire aux droits de l’enfant par Vladimir Poutine, à la fin du mandat d’Anna Kuznetsova.
Une "femme fragile", selon Vladimir Poutine
Depuis, la guerre en Ukraine se charge de la mettre encore un peu plus sur le devant de la scène. Sanctionnée par l’Union européenne, les États-Unis, le Canada, l’Australie et le Royaume-Uni, elle est publiquement défendue en septembre par Vladimir Poutine, qui affirme : "Cette femme fragile fait à elle seule plus pour les enfants et la paix que ces Américains honteux qui griffonnent des listes de sanctions".
Zélée, la femme de 38 ans ne compte d’ailleurs pas s’arrêter en si bon chemin. Après avoir visité chacune des régions annexées durant l’automne, elle prévoit en 2023 d’y ouvrir des "centres pour adolescents" afin de leur "porter une attention particulière"… Et de déployer des équipes pour aller à la rencontre des "enfants des rues" des territoires annexés.