Les débats sur le projet de loi relatif aux OGM s’achèvent mercredi 9 avril à l’Assemblée nationale par un vote solennel. La question de la coexistence des cultures et celle de l’étiquetage des produits contenant des OGM ont fait l’objet de débats houleux, y compris au sein de la majorité.
Le " droit à produire et consommer sans OGM ", acté par le Grenelle, s’éloigne de plus en plus au fil des débats parlementaires. L’Assemblée nationale a en effet emboîté le pas du Sénat, qui avait fixé le 8 février dernier un seuil de contamination autorisé à 0,9%. « Le sans OGM pourra contenir jusqu’à 0,9% d’OGM. Ce n’est donc pas sans OGM ! déplore Greenpeace. Ce seuil, qui est le seuil d’ étiquettage européen, ne correspond à aucune nécessité juridique ou rationalité scientifique. Sans OGM, ça doit être véritablement sans OGM, c’est-à -dire moins que le seuil de détection (de 0,01 à 0,1%) ». Ce seuil revêt également une importance pour la mise en place du régime de responsabilité et d’indemnisation en cas de contamination, puisque seules les exploitations contaminées à partir de 0,9% pourront faire valoir leurs droits.
La question de la coexistence des cultures pose problème. Pour les anti-OGM, autoriser la coexistence revient à autoriser la contamination des cultures conventionnelles ou biologiques. Par ailleurs, le régime de responsabilité et d’indemnisation prévu par le projet de loi ne concerne que les contaminations de " proximité ", alors même que le rapport de la future haute autorité avait relevé des contaminations possibles à de très longues distances. Impossible, dès lors, d’être indemnisé si la contamination ne provient pas du champ voisin. Les autres cas de figure, c’est à dire hors champ, lors du transport ou du stockage des semences, ne sont pas envisagés.
Deux amendements ont certes été adoptés pour protéger les zones d’AOC et les parcs naturels, mais leurs conditions d’application relativisent leur portée. En réalité, les parcs naturels ne pourront interdire les OGM qu’ "avec l’accord unanime des exploitants agricoles concernés", et "sous réserve que cette possibilité soit prévue par leur charte ». Une véritable « supercherie » pour Greenpeace, car l’unanimité « est évidemment impossible à atteindre. Il suffit d’un agriculteur, que les promoteurs des OGM n’auront sans doute aucun mal à convaincre, pour saboter toute tentative de protection des espaces naturels ». Quant aux zones d’AOC, elles pourront seulement "proposer des mesures de protection renforcées" à l’administration, mais rien n’indique que l’administration soit tenue de les appliquer. « Globalement, les amendements ont tout l’air de pilules destinées à faire digérer aux français un texte fondamentalement inacceptable compte tenu de leurs préoccupations et des risques potentiels des OGM », conclut Arnaud Apoteker de Greenpeace.
Petite satisfaction cependant pour l’opposition, qui a fait supprimer une disposition introduite par le Sénat interdisant aux membres du futur Haut Conseil des biotechnologies de parler « à titre personnel » et « sans en avoir préalablement informé leur président".
Au final, le projet de loi déçoit largement les anti-OGM, mais pas seulement. Certains parlementaires UMP ont dénoncé le lobbying et les attaques dont ils font l’objet. Jean-François Legrand, sénateur UMP et président du groupe OGM au sein du Grenelle s’était ainsi retiré des discussions lors de la 1ère lecture du texte. Dans un nouveau communiqué, il indique qu’il « ne participera pas à la seconde lecture du projet de loi au Sénat », regrettant un « débat réducteur ». « Il est nécessaire de s’interroger sur le supposé intérêt économique des OGM, si souvent avancé par certains. Cet intérêt économique est-il valable pour tous ou pour quelques-uns ? La question mérite d’être posée », souligne -t-il. François Grosdidier, député de la Moselle (UMP), a également alerté ses collègues ainsi que l’opinion publique sur les pressions et les menaces de certains lobbys pesant sur le débat. Un appel auquel sont restés sourds les députés de la majorité, qui sont allés jusqu’à accuser Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’Etat à l’écologie, de tenir une « position ambiguë » dans le débat parlementaire. Elle aurait selon eux « soutenu » des amendements de l’opposition - notamment sur la protection des zones d’AOC- « non-conformes aux vues du gouvernement ».
Greenpeace et France Nature Environnement lui ont apporté leur soutien, dénonçant " un procès en sorcellerie" contre la secrétaire d’Etat. "NKM a eu le seul défaut de s’en remettre à la sagesse du Parlement et pas à celle du lobby OGM", a estimé Arnaud Gossement, porte-parole de la FNE. Enfin, Jean-Louis Borloo a provoqué la colère de Nathalie Kosciusko-Morizet, qui estime que le ministre « a fait le minimum » dans ce débat. Ce dernier donne pour sa part une tout autre point de vue et se dit « satisfait des débats à l’Assemblée », qui ont selon lui « donné naissance à un texte équilibré sur un sujet difficile". Dans un entretien publié dans France Soir, le ministre « salue l’excellent travail législatif réalisé par les parlementaires".
Prochaine étape le 16 avril, pour la seconde lecture du projet de loi au Sénat.
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