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"L’opinion publique n’existe pas"

Les erreurs de la démocratie sondagière

Démocratie sondagière. L’expression est lâchée. Illustration récente avec le sondage Elabe pour BFM TV qui affirme que 74% des Français sont opposés à la loi de Myriam El Khomri qui recentre l’opinion publique au coeur du débat. Eclairage.

L’écueil avec la démocratie sondagière, c’est l’effet « à double-tranchant ». Lorsqu’un sondage d’opinion est favorable à une cause, il est récupéré et sert d’argument. Mais si ce sondage est défavorable à la cause, l’effet s’inverse. La cause risque de perdre en intensité, en légitimité. Les sondages d’opinion (ou opinion publique) occupent une place centrale dans le débat démocratique. Loin d’être méritée.

A travers deux approches, il s’agit d’exposer les limites de l’opinion publique. Un premier texte de Pierre Bourdieu paru en janvier 1973 dans la revue Les Temps Modernes puis le concept d’imaginaire social forgé par le philosophe radical Cornelius Castoriadis et remâché par les anthropologues et historiens qui ont suivi. Parmi lesquels, Alain Corbin, Philippe Barrière, Pierre Laborie, chez les historiens de renom, et Gilbert Durand chez les anthropologues.

« L’opinion publique n’existe pas »

« L’opinion publique n’existe pas ». Titre provocateur d’un article qui s’efforce tout du long de démontrer l’inanité de l’opinion publique. Pierre Bourdieu, l’auteur, tord le cou à trois postulats. Selon lui, tout le monde n’a pas forcément d’opinion sur un sujet précis. Nombreux sont ceux n’ayant pas de réponses à fournir selon les questions posées. Ce que le sociologue appelle les « non-réponses ». Pour saisir l’importance de ces « non-réponses », il est nécessaire de prendre un exemple. Récemment, une info a monopolisé l’attention des médias : « 67% des Français ont une mauvaise opinion » de Philippe Martinez. Titre répliqué dans Le Parisien, Le Figaro, à l’Express, à 20 minutes, etc et pourcentage tiré du sondage Odoxa pour Le Parisien/Aujourd’hui-en-France, en mai 2016. Problème, le chiffre de 67% n’est pas obtenu sur la totalité des personnes sondées, mais seulement après avoir retiré les personnes avouant ne pas assez connaître le leader de la CGT pour émettre un avis. A lire le détail du sondage, ces personnes hésitantes représentent 32% des individus interrogés. 67% est donc le pourcentage obtenu parmi les sondés qui reconnaissent avoir une opinion sur Philippe Martinez. Ce qui n’est pas la même chose. De nombreux médias ont négligé ces « non-réponses », pourtant mises en évidence lors de la réalisation du sondage. Cette anecdote questionne la place centrale laissée aux sondages dans nos démocraties actuelles. Est-ce que sur chaque sondage, les « non-réponses » sont comptabilisées ? Et pour les sondages où c’est le cas, combien d’entre eux ont été repris par les médias sans faire mention des « non-réponses », à l’instar de l’exemple suscité ?

Pierre Bourdieu soulève un autre point : les opinions de densité différente. Quelle légitimité donner à un processus qui vise à « cumuler des opinions qui n’ont pas du tout la même force réelle ». La même conviction, autrement dit. Un sondage met sur un pied d’égalité des opinions plus ou moins profondes. Un avis étayé par une réflexion approfondie n’est pourtant pas équivalent à un avis fondé sur un ressenti spontané, superficiel. Malgré ça, le sondage mélange les densités d’opinion, sans souci d’éthique.

La troisième méfiance de Pierre Bourdieu réside « dans le simple fait de poser la même question à tout le monde (car) se trouve impliquée l’hypothèse qu’il y a un consensus sur les problèmes ». Si une question mérite un sondage, c’est qu’il doit y avoir une problématique forte. C’est faire passer l’idée que la question a une résonance singulière et c’est inciter les sondés à l’interpréter d’une manière particulière. Pierre Bourdieu ne s’arrête pas là. Parmi ses autres dénonciations, se trouve l’orientation de la question. La manière dont on pose la question. Les mots choisis. Et les choix de réponses laissés aux sondés qui limitent la réflexion. Pierre Bourdieu continue sa critique et parle d’ »artefact pur et simple » consistant à « dissimuler que l’état de l’opinion à un moment donné du temps est un système de forces, de tensions ». Un sondage, c’est le pouls de la société à un moment précis. Rien n’assure que les sondés aient toujours le même avis le lendemain ou le mois suivant. Surtout si les informations mises à leur disposition évoluent.

Si l’opinion publique est truffée d’approximations, que reste-t-il ? Peut-être l’imaginaire social… Concept fabriqué par le philosophe Cornelius Castoriadis et qui fait des émules jusque dans les communautés d’anthropologues et d’historiens. Gage du relatif sérieux de l’expression.

Imaginaire social plutôt qu’opinion publique

Pierre Popovic, universitaire, définit l’imaginaire social comme « composé d’ensembles interactifs de représentations corrélées, organisées en fictions latentes, sans cesse recomposées par des propos, des textes, des chromos et des images, des discours ou des oeuvres d’art ». L’imaginaire social vaut pour des moments précis, des situations déterminées. Le concept s’ancre dans un contexte délimité et n’a pas vocation à s’universaliser. Le professeur affine sa description lorsqu’il dit que « l’imaginaire social est ce rêve éveillé que les membres d’une société font, à partir de ce qu’ils voient, lisent, entendent, et qui leur sert de matériau et d’horizon de référence pour tenter d’appréhender, d’évaluer et de comprendre ce qu’ils vivent ; autrement dit : il est ce que ses membres appellent la réalité ».

Imaginaire social. Deux mots. L’imaginaire renvoie à des significations non réductibles à la raison ou à la réalité, mais s’étend à des créations reflétant l’interprétation que les individus ont des évènements, des situations. Ce sont des représentations issues de la psychologie des individus. Leur représentation du monde, une représentation mélangeant différents éléments comme la réalité et la vision que l’on s’en fait. De la même manière qu’une idéologie n’est jamais le reflet exact de la réalité, mais l’interprétation de celle-ci à travers une lecture partiale. Le deuxième mot de l’expression, social, vaut parce qu’il touche à la société entière. Et non à l’individu isolé.

L’opinion publique cherche à mesurer le pouls de la société pour en tirer des enseignements fiables, l’imaginaire social montre que les opinions de société sont inscrites dans des représentations et des contextes susceptibles d’évoluer selon les informations à disposition. L’imaginaire social insiste sur l’imaginaire et souligne les limites d’une opinion publique trop sûre d’elle-même.

Florian Maroto

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