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Les sanctions contre l’Iran : les multiples impacts néfastes

Le texte suivant est basé sur la présentation faite lors du colloque organisé par l’Académie de Géopolitique de Paris au Palais du Luxembourg (Sénat), Paris, le 3 juin 2013.

Le président élu iranien Hassan Rohani a promis de d’ouvrir les relations internationales de son pays. En accord avec la volonté de la grande partie des Iraniens, le sujet des sanctions qui pèsent lourd sur la vie quotidienne sera incontournable.

Le but des sanctions est d’obliger un opposant politique à faire ce qu’il ne ferait autrement. Dans le cas des sanctions imposées à l’Iran – au sujet de ce qui est communément appelé le « conflit nucléaire » – l’objectif annoncé était de changer le calcul nucléaire de Téhéran afin que celui-ci suspende son programme nucléaire. Et implicitement, les sanctions fonctionneraient comme une décapitation juste et éthique du mal (à entendre le régime iranien), ce qui ouvrirait le chemin de la démocratisation pour le peuple iranien – autrement dit, un tyrannicide chirurgical dans la lutte de la civilisation contre la barbarie. Mais en réalité, ce que nous observons ressemble plutôt à l’application d’une « violence structurelle » contre tout un pays et sa population.

Sur le plan politico-diplomatique

Les sanctions économiques sont l’instrument préféré de la politique étrangère occidentale. Elles sont une part intégrale de la stratégie transatlantique menée contre l’Iran, appelée la « diplomatie coercitive » en Etudes diplomatiques. Elles sont généralement présentées comme un moyen quasi-pacifique faisant intégralement partie d’une démarche purement diplomatique, seul moyen pour éviter la guerre. Cependant, comme le cas irakien le prouve, les sanctions sont en règle générale la dernière étape avant une frappe militaire. Autrement dit, des « bombes intelligentes » succéderont aux « sanctions intelligentes ». Comme l’expert américain des sanctions, Robert A. Pape, a noté, « les sanctions sont souvent un prélude à la guerre, pas une alternative ».

Mis à part ce pire des scénarios, les sanctions ne facilitent guère la résolution des conflits, elles contribuent au contraire au durcissement des fronts opposés. En fait, les deux côtés voient les sanctions à partir des prismes fondamentalement différents : Pendant que l’Occident comprend les sanctions en termes de coûts et bénéfices pour le pays sanctionnés, l’Iran les regarde comme un moyen de pression illégitime contre lequel il faut résister. Cela explique pourquoi l’expansion des sanctions a été accompagnée par celle du programme nucléaire. Par exemple, en 2006 – avant le saut qualitatif des sanctions – l’Iran avait 1000 centrifuges, aujourd’hui il en a plus de dix fois plus (environ 12000). Cette réalité de la dynamique des sanctions reste largement ignorée dans les capitales occidentales.

De plus, il faut souligner que les politiques en Occident ont consacré beaucoup plus d’énergie pour trouver quelles nouvelles sanctions imposer plutôt que de consacrer du temps pour trouver une solution diplomatique.

Sur le plan socio-économique

Contrairement à ce qui est dit sur les effets des sanctions, celles-ci affaiblissent en réalité les couches sociales moyennes et les plus fragiles (les ouvriers, les femmes et les jeunes). Et ainsi, l’avance du pouvoir de l’Etat par rapport à la société grandit. Cela démontre que l’expectation d’un déclenchement de révoltes à cause des sanctions est plutôt chimérique que réelle. Autrement dit, un citoyen en quête de survie économique n’aura guère le luxe de s’engager dans la révolte politique. Ceci explique la renonciation ferme de la société civile iranienne face aux sanctions – largement ignorée en Occident.

En termes d’économie politique, les sanctions ont largement paralysé l’économie civile iranienne pendant que les entreprises étatiques et semi-étatiques – notamment les branches économiques des Gardiens de la Révolution – ont pu profiter en monopolisant des importations de différentes marchandises par les « canaux noirs ». En effet, ce sont ces entreprises qui ont accès aux ressources étatiques qui permettent de subvenir aux coûts croissants causés par les sanctions. Un autre phénomène est l’expansion énorme du volume des échanges bilatéraux entre l’Iran et la Chine (à présent, environ 40 milliards de dollars selon la Chambre de commerce et d’industrie irano-chinoise qui est proche du régime) – au détriment des producteurs et des emplois en Iran. Par conséquent, la présente configuration politico-économique fut cémentée au cours des sanctions.

Sur le plan géopolitique et géoéconomique

Il y a aussi une rationalité géopolitique en ce qui concerne l’imposition des sanctions : Si on ne peut pas contrôler ou exercer une influence sur un pays, on l’affaiblit – et probablement le moyen le plus efficace sera les sanctions économiques et militaires.

Aussi sur le plan géoéconomique, les sanctions sont un moyen de limiter l’influence de l’Iran. Car, il y aussi des profiteurs sur l’échelle mondiale : la Chine est une grande profiteuse. Après la retraite européenne du marché iranien effectuée sous la pression américaine (un exemple parmi d’autres et celui de PSA), l’Iran a été servi sur un plateau d’argent aux Chinois – qui en sont d’ailleurs très reconnaissants. La présence économique de la Chine en Iran est partout : de l’expansion du métro de Téhéran jusqu’aux droits d’exploitation des champs de pétrole et de gaz du golfe Persique.

En particulier, la classe technocrate iranienne – largement paralysée par les sanctions – observe cette évolution avec une grande préoccupation parce qu’une compétition saine entre différents compétiteurs étrangers manque, et d’autre part parce que le manque de hautes technologies – autrefois fournies par l’Europe – a diminué la qualité de la production intérieure est diminuée à cause du manque de haute technologie auparavant fournie par l’Europe. Tout cela a des effets négatifs (à moyen et long-terme) sur le développement économique et technologique du pays. Dans l’ensemble, tous ces dégâts peuvent difficilement être indemnisés. Par exemple, cela s’illustre par la vente du pétrole iranien à des grands clients comme la Chine ou l’Inde à travers un système de troc – de facto un programme « junk for oil ». En outre, la Chine obtient des prix extrêmement avantageux sur ses importations de pétrole iranien grâce aux sanctions imposées par les États-Unis et l’Europe. les sanctions ont provoqué l’obtention par la Chine de prix extrêmement avantageux sur ses importations de pétrole iranien.

Enfin, les pays voisins ont des intérêts stratégiques à maintenir le régime des sanctions énergétiques contre l’Iran. Grâce à cette isolement géopolitique de l’Iran, la Russie sauvegarde son quasi-monopole sur les livraisons d’énergie vers l’Europe ; la Turquie constitue la seule route de commerce reliant l’Iran à l’Occident ; et le Qatar qui partage avec l’Iran le plus grand champ gazier du monde, le South Pars dans le golfe Persique, exploite plus rapidement le gaz de ce champs commun grâce à ses technologies d’exploitation beaucoup plus avancées que celles de l’Iran (qui est dépourvu à cause des sanctions). Le résultat est un écart de revenues de plusieurs milliards de dollars entre les deux pays.

Conclusion

En fin de compte, la politique des sanctions est contre-productive à plusieurs échelles, notamment diplomatique et socio-économique. Les sanctions – qu’elles soient intitulées « paralysantes » ou « ciblées » – nuisent en fin de compte à la population. Des « sanctions ciblées » sont ainsi un oxymore comparable aux « bombes intelligentes » qui sauraient prétendument ne cibler que les objectifs à détruire, au moyen de « frappes chirurgicales ». Et comme pour leurs consœurs militaires, ce sont en définitive les « dommages collatéraux » des « sanctions ciblées » qui l’emportent.

Malgré la nécessité politique d’abolir les sanctions comme instrument d’une politique étrangère judicieuse, il reste de nombreux obstacles politiques et institutionnels afin de désintégrer le réseau extrêmement dense du régime des sanctions imposé sur l’Iran – ce qui reste un énorme défi politique, mais aussi éthique. La première étape dans cette direction sera la réalisation sobre parmi les responsables politiques que les sanctions ont certes des effets, mais pas ceux annoncés, à savoir changer les calculs nucléaires de Téhéran – ni dans le domaine socio-économique ni dans la Realpolitik. Si, au contraire, le régime des sanctions contre l’Iran reste maintenu, on approchera du spectre d’une « irakisation » de l’Iran – avec tous ses effets néfastes sur les plans intérieurs (destruction de la société) et extérieurs (la guerre et la déstabilisation d’un équilibre régional déjà trop fragile).

L’attitude pragmatique de Rohani sera sans doute un atout dans l’effort d’alléger le poids énorme des sanctions. Mais en fin de compte, il faut être réaliste dans la mesure où c’est aux impositeurs de préparer cela. La balle est dans le camp de l’Occident, il ne faut pas rater cette opportunité de rapprochement apportée par le peuple iranien.

Ali Fathollah-Nejad

chercheur en relations internationales à la « School of Oriental and African Studies (SOAS) » de l’Université de Londres.

site web : http://fathollah-nejad.com

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