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Listes noires : l’étrange étonnement des Européens

L’Europe des 28 était dans tous ses états, suite à la publication par Moscou d’une « liste noire » de 89 noms de personnalités européennes, interdites d’entrée en Russie.

De prime abord, on peut estimer que la réponse de Moscou – qui a d’ailleurs pris son temps pour confectionner cette liste – entre dans la logique de la réciprocité. L’Union européenne a sanctionné en 2014, près d’une centaine de personnalités russes auxquelles le territoire de l’Union a été interdit. Pour le profane cette réciprocité est normale. Or, au regard des réactions outrées de l’UE et de dirigeants européens, cela ne semblerait pas aussi évident. Ainsi, si l’UE se donne le droit de « sanctionner » des Etats ou des personnalités de ces Etats, la réciproque ne serait pas assurée.

Qu’y avait-il de surprenant à ce que la Russie prenne, contre l’UE, des mesures similaires en riposte aux interdictions qui touchent ses dirigeants et ses personnalités politiques, économiques et financières ? Or, cette donne n’est guère appréciée par l’UE dont un porte-parole a indiqué : « Nous n’avons aucune information sur la base légale, les critères (retenus) et le processus (qui a conduit à la prise) de cette décision. » Ainsi, la légalité, et le processus d’évaluation, seraient l’apanage de la seule UE dont les décisions seraient [seules] en phase avec la légalité et les critères internationaux. D’autant plus que le porte-parole de l’UE ajoute : « Nous considérons cette mesure comme étant totalement arbitraire et injustifiée, surtout en l’absence de clarification ultérieure et de transparence. » Les Européens rameutent les grands mots pour appuyer leur indignation. Que les dirigeants de l’UE punissent, que des Européens disent pis que pendre de leurs homologues russes, c’est ordinaire, approprié même. Mais que les Russes leur renvoient la balle, cela devient « arbitraire » et « injustifié ». Ce n’est plus du jeu. Les Européens nourrissent toujours cet esprit impérial – voire impérialiste teinté de supériorité – envers les autres, esprit qu’ils cultivent avec délectation : ne sont-ils pas les plus civilisés, les plus honnêtes, et ont toujours raison ? C’est leur droit de châtier « l’autre » qui doit s’incliner devant les décisions des « maîtres ».

L’UE avait sanctionné Moscou en 2014, après le retour de la Crimée dans la Fédération de Russie. Un retour logique si l’on s’en tient à l’appartenance ancienne de cette presqu’île à la Russie, cédée en 1954 à l’Ukraine par le secrétaire général du PCUS, Nikita Khrouchtchev, qui est d’origine ukrainienne. Pour des raisons stratégiques et politiques, l’UE n’a pas tenu compte de ce principe, ne se focalisant que sur le fait que les dirigeants putschistes ukrainiens étaient pro-occidentaux. C’est uniquement cette donne qui a justifié, pour l’Europe, les sanctions prescrites contre Moscou. Par la même logique, c’est le processus inverse qui eut lieu avec la Serbie et le Kosovo, l’UE reconnaissant la province serbe comme Etat indépendant, au seul fait que le gouvernement serbe de l’époque était anti-occidental. Nous relevons ainsi qu’un principe à deux vitesses guide les actions de l’Union européenne. Ce qui est valable, selon l’UE, pour le Kosovo, ne l’est pas pour la Crimée. De fait, en sanctionnant économiquement et financièrement la Russie, l’Union européenne lui a déclaré une guerre qui ne dit pas son nom.

Ce nouvel épisode du bras de fer entre Européens et Russes montre combien le droit international reste fragile et la loi du plus fort usitée dès lors que ses protagonistes ne lui font référence que lorsque celui-ci ne contredit pas leurs décisions illégales. La supercherie est que les sanctions contre des Etats souverains, qui doivent, auraient dû, être du seul ressort de l’ONU et du Conseil de sécurité sont devenues monnaie courante de la part de l’Union européenne et des Etats-Unis qui produisent des « listes noires » des Etats, ONG et personnalités internationales qui ne se conforment pas à leur diktat. A moins de nous tromper, ces deux entités sont les seules au monde (avec l’ONU) à sanctionner des pays tiers, hors de leurs prérogatives. En d’autres termes, au nom de quel droit et de quelle juridiction les Européens et les Etats-uniens sanctionnent-ils autrui ? L’UE qui se préoccupe de ce qui se passe hors de ses frontières, ne fait rien en revanche pour mettre un terme à des pratiques discriminatoires à l’intérieur de ses limites territoriales où le racisme, la xénophobie et le fascisme ont pignon sur rue dans nombre de ses pays membres. Pourquoi punir la Russie, alors que l’Europe, s’accommode quand elle ne soutient pas – le cas de l’Ukraine où des fascistes sont arrivés au pouvoir – des conduites contraires aux droits de l’homme qu’elle condamne chez les autres ? Cela montre de fait, que dans un monde inégalitaire, les droits institutionnels ne sont que des chiffons et le droit du plus fort, reste toujours le meilleur.

Karim MOHSEN

2 Juin 2015

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