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Mexique : Président au rabais - Fraude lourde de conséquences, Sergio Rodriguez Lascano.


Président au rabais


Le Courrier, mercredi 30 Août 2006.


La présidence s’éloigne pour Andrés Manuel López Obrador. Après avoir refusé, début août, le recomptage complet du scrutin du 2 juillet, le Tribunal électoral mexicain (TEPJF) a porté lundi un coup sans doute fatal au candidat du centre gauche. Après annulation de 140 urnes jugées suspectes, le TEPJF a annoncé que Felipe Calderon n’avait perdu que 4000 de ses 244 000 voix d’avance sur M. Obrador. Le porte-drapeau du Parti d’action nationale (PAN, droite) sera donc très certainement proclamé vainqueur d’ici au 6 septembre.

Cette décision ferme toute voie de recours à M. Obrador. Malgré ses ultimes appels à la résistance, le leader du Parti de la révolution démocratique (PRD) n’a plus guère de marge de manoeuvre. En se présentant à cette élection, M. Obrador en avait accepté les règles. Il n’a dès lors d’autre choix que de ruminer son échec et l’impréparation de son parti. Il se consolera avec le score historique réalisé par la gauche le 2 juillet et le formidable mouvement populaire qui l’appuie dans ses protestations.
Reste une question à laquelle nul ne pourra répondre durant les six prochaines années : le président du Mexique a-t-il été choisi par la majorité des électeurs ?

Les membres du TEPJF l’admettent : ils ne sont en aucun cas des juges instructeurs dotés du pouvoir d’investiguer. En conséquence, le TEPJF ne pouvait statuer que dans un cadre juridique limité. Contrainte numéro un : le Tribunal n’a étudié que les plaintes déposées immédiatement après le scrutin. Autrement dit, toute fraude passée inaperçue le 2 juillet est devenue « légale ». Contrainte numéro deux : dénoncer une « irrégularité » ne suffit pas, encore faut-il en préciser les contours. Une aberration comptable n’est pas une fraude, soulignent les juges. Et sans pouvoir d’investigation, ceux-ci ont été obligés de faire reposer le fardeau de la preuve sur le plaignant. Contrainte numéro trois : le TEPJF n’a « que » le pouvoir d’annuler les résultats sortis d’une urne trafiquée. Du coup, les bulletins favorables à la présumée victime finissent aussi à la corbeille...

Dans ce contexte, même le recomptage total réclamé par M. Obrador n’aurait permis de détecter toutes les fraudes. Un bourrage d’urnes bien exécuté ne laisse aucune trace, pas plus que les achats de votes. Mais y avait-il une autre voie que ce recomptage global pour éviter que la suspicion ne s’installe ? Remarquons que si un correctif proportionnel à celui apporté lundi avait été élargi à l’ensemble des circonscriptions, M. Obrador l’aurait emporté haut la main...

Bien évidemment, ce n’est là qu’une spéculation. Les limites du TEPJF et les bizarreries relevées lors du décompte (notre édition du 5 août, Mexique : La démocratie à la rue) ne suffisent pas à prouver que M. Calderon a bénéficié d’une fraude généralisée. Le doute profite à l’accusé. Mais le doute demeure.

D’aucuns accusent le PRD d’avoir « sapé les institutions » avec ses plaintes. Ils oublient que la droite - majoritaire au parlement - s’est ingéniée à exclure l’opposition de l’Institut fédéral électoral (IFE). Cet organisme chargé de surveiller le scrutin a d’ailleurs prouvé sa partialité dès la campagne, refusant de sanctionner l’utilisation de fonds publics pour la propagande du PAN, ainsi que le dénigrement systématique de M. Obrador par les TV ou les interventions du président sortant en faveur de son poulain.

Certains tentent de faire croire que la démocratie se résume à un troupeau d’électeurs mené aux urnes. Qu’ils ne s’étonnent pas d’en voir la légitimité « sapée ».

Benito Perez

 Source : Le Courrier www.lecourrier.ch



Fraude lourde de conséquences


La fraude électorale à l’élection présidentielle de 2006, qui a permis la victoire du candidat de droite, Felipe Calderón, aura des répercussions plus profondes que celle de 1988.


Mexico, mardi 29 août 2006.


Après quatre jours de suspense, le candidat de droite, Felipe Calderón, du Parti d’action nationale (PAN), a été proclamé vainqueur de l’élection présidentielle mexicaine, face au candidat Andrés Manuel López Obrador du Parti de la révolution démocratique (PRD). Ce dernier a fait appel et demande un nouveau décompte des voix. Chacun des deux candidats se proclamant victorieux, le pays est dans l’impasse. Ce « résultat » électoral, fabriqué de toutes pièces depuis la présidence et suivi servilement par le prétendu indépendant Institut fédéral électoral (IFE), n’a fait que mettre en évidence la profonde crise de direction qui couve déjà depuis plusieurs années.

Les changements profonds qui ont commencé en 1988, lors du sixième mandat présidentiel de Salinas du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), avec la libéralisation des secteurs économiques nationalisés, ont littéralement explosé au cours de la dernière élection. Les partis politiques ont cessé de représenter des secteurs ou des classes sociales et font tout pour discréditer la politique - entendue comme la gestion de la chose publique. Ils ont accepté les nouveaux paradigmes de ce que, dans d’autres pays, on nomme la « gouvernance démocratique », en cherchant à dissoudre la confrontation sociale pour la détourner vers une série de querelles entre partis qui sont censées se résoudre dans le cadre des institutions « démocratiques ». Le problème est qu’à chaque fois que se dessine un tel scénario, on ne considère que ce qui se passe dans les hautes sphères du pouvoir. Le mépris est la caractéristique fondamentale avec lequel ils élaborent leurs « analyses ».

En 1988, le leader du Parti révolutionnaire démocratique, Cuauhtémoc Cárdenas avait déjà perdu la présidence suite à une gigantesque fraude électorale orchestrée par le Parti révolutionnaire institutionnel. Cependant, 2006 et 1988 présentent des différences. D’abord, parce que les institutions, qui ont été créées depuis cette fraude de 1988, connaissent une crise sans retour possible à la normale. Quelle que soit la façon dont la crise actuelle sera résolue, celui qui sera élu n’aura pas de légitimité. Ensuite, parce que quelque chose de profond et en train de se produire dans le Mexique d’en bas.

En bas, un processus d’insubordination se construit au plus profond de la société : dans les villages indiens, parmi les jeunes maltraités par le pouvoir, y compris au sein du PRD, parmi les travailleurs des « maquilas » (usines installées dans des zones franches et travaillant pour le marché américain), parmi les femmes insoumises qui vivent dans l’angoisse que leurs maris émigrent vers le nord, dans les organisations politiques de gauche qui sont convaincues qu’il existe quelque chose au-delà du capital et de la démocratie représentative, parmi tous ceux qui ont formé l’« Autre campagne » (« La Otra Campaña ») des zapatistes à travers le Mexique et qui existent dans tout le pays et sont en train de s’organiser.

Le Mexique d’en bas a fait également irruption à Oaxaca. Deux semaines avant l’élection présidentielle, une sanglante répression s’est abattue sur la ville, visant des enseignants qui demandaient de meilleures conditions de travail. Beaucoup d’entre eux ont voté pour le PRD, mais le plus important est la confiance acquise en leurs propres forces, qui va au-delà de leurs dirigeants et des conjonctures. Cette confiance leur a permis, jusqu’à aujourd’hui, de décider par eux-mêmes de leur tactique sans céder aux pressions externes et aux conseils des « bonnes consciences ». Après plusieurs heures de bataille rangée, ils ont réussi à repousser les forces de répression.

Il y a eu aussi, en mai 2006, une confrontation entre l’armée mexicaine et les communautés d’Atenco et de Texcoco, qui s’opposaient à la construction d’un supermarché Wall Mart à la place d’un marché indigène. Les faits concrets sont sur la table : crise de domination, début de l’insubordination. Que chacun choisisse ses priorités.

Sergio Rodriguez Lascano

 Traduit par Jack Radcliff

 Source : La Gauche www.lagauche.com



Le Mexique fracturé, par Ignacio Ramonet, Le Monde Diplomatique


Mexique : une aussi longue ingérence US, par Comaguer.

2006, élections présidentielles : le Mexique à la croisée des chemins, par Guillermo Almeyra, Candela Iglesias, Razmig Keucheyan.

- Sur RISAL, des dizaines d’ articles en français sur le Mexique.




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