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Ouverture d’un troisième front contre la Russie ?

Observations et réflexions d’un Bulgare à Erevan (Rabkor.ru)

Photo : REUTERS/Vahan Stepanyan

Les armes ne se sont pas encore tues sur le front du Haut-Karabakh, et les deux parties en sont encore à compter leurs morts. Malgré l’effusion de sang, des célébrités internationales, dont des Prix Nobel de la Paix, se sont réunies à Erevan pour décerner le prix Aurora, créé il y a un an, pour le centenaire du génocide, qui récompense ceux qui ont sauvé des vies et aidé à empêcher une catastrophe humanitaire.

Ce fut une réunion du plus haut niveau, les délégués ont rencontré le président, le premier ministre, les autres ministres, les députés. Les réunions ont eu lieu chaque jour dans un lieu significatif de la capitale arménienne : à la Galerie nationale d’Arménie, au Matenadaran (« bibliothèque » en arménien) ou Institut Machtots de recherches sur les manuscrits anciens, au Musée-Institut du Génocide des Arméniens, sur la colline de Tsitsernakaberd, au Palais des Sports et de la Culture Karen Demirtchian. Tout ce qu’il y a d’intellectuel arménien à vocation humanitaire dans le pays et à l’étranger a pris part à l’évènement.

De riches arméniens, résidents en Russie, aux Etats-Unis, en France, en Argentine, ont financé cette manifestation. La cheffe de son centre de presse (et rédactrice-en-chef de la revue franco-arménienne Les Nouvelles d’Arménie), Zara Nazarian, a communiqué l’avis des organisateurs : « Le monde entier doit comprendre ce qui est arrivé aux arméniens au début du XXème siècle, pour qu’une telle tragédie ne se répète plus jamais sur cette terre ».

Tout cela n’a pas empêché Bakou de continuer ses provocations armées. Elles s’étaient poursuivies même quand Poutine avait appelé au Kremlin les deux généraux de corps d’armée, Najmaddin Sadigov et Youri Khatchatourov, chefs des états-majors, pour les obliger à signer une trêve.

L’Azerbaïdjan y avait intérêt : la contre-offensive arménienne menaçait de repousser les troupes azerbaidjanaises loin derrière la ligne de front du 1er avril. Auquel cas Ilham Aliev et ses généraux n’auraient plus eu d’excuse pour justifier auprès d’une population qui s’appauvrit tout l’argent dépensé (volé), officiellement destiné aux dépenses militaires. Les Turcs déclarent que l’Azerbaïdjan leur a acheté des armes en 2015 pour 11,8 millions de dollars, tandis que Bakou parle de 300 millions !

De l’avis des experts des problématiques du Caucase et post-soviétique, on a affaire à « l’ouverture d’un troisième front contre la Russie », après l’Ukraine et la Syrie. Une situation provoquée par la Turquie, et par le plus haut placé de ses agents à Bakou, le ministre de la défense Zakir Hasanov. Il a attiré dans l’armée azerbaidjanaise des Forces Spéciales turques et des agents de Daech, dirigés par un frère du chef de la garde présidentielle. Celui-ci recrute des islamistes extrémistes azerbaidjanais ayant séjourné en Syrie et en Irak, qu’il incite à rentrer pour aller combattre au Haut-Karabakh.

C’est dans cette stratégie que s’inscrit le rapport anti-arménien du britannique Robert Walter de l’APCE (Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe). Celui-ci met en péril les efforts en cours pour consolider et étendre le processus de paix, alors que sa réussite servirait l’ensemble de la région. Et refroidirait les esprits échauffés à Bakou, surreprésentés jusque dans l’intelligentsia humanitaire…

Le vice-ministre arménien des affaires étrangères Chavarch Kotcharian le précise : « La Turquie a la manie de vouloir soutenir à tout prix l’Azerbaïdjan dans ce conflit, et de présenter celui-ci comme étant essentiellement une querelle religieuse. Cela crée de l’instabilité, provoque l’extrémisme et l’effusion de sang dans tout le Sud du Caucase (et pas seulement, naturellement). Les pays musulmans sont traditionnellement nos amis, ils ne cèderont pas aux provocations ». Son patron ,le ministre Edouard Nalbandian, a affirmé que l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) est pour un règlement pacifique du conflit.

A cet égard, le secrétaire général de l’OTSC, Nikolai Bordyousha a souligné que pendant la période des combats « l’Arménie n’a pas demandé de l’aide à l’OTSC, et n’a pas utilisé le gros du potentiel qui existe ». A la question d’un journaliste, qui demandait si l’OTSC pouvait intervenir dans le conflit du Haut-Karabakh, qui n’était pas un état reconnu, il a répondu qu’on l’avait bien compris. En d’autres termes, la Russie ne peut pas défendre l’Arménie en dehors des frontières de son territoire - dans le Haut-Karabakh, qui ne fait pas partie de l’Arménie.

L’ambassadeur de la Russie à Erevan, Ivan Volynkine, a donné, lui, une explication assez claire et nette de la situation : « la Russie n’a jamais mis un signe d’égalité entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. L’Arménie est un allié stratégique de la Russie, alors que l’Azerbaïdjan est un partenaire stratégique. Rien à voir, donc.  »

Gueorgui KOLAROV
candidat au doctorat en sciences politiques à l’URAP (université Russe de l’Amitié des Peuples), professeur à l’Université économique de Varna (Bulgarie)

4 mai 2016

traduction Paula RAONEFA

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