RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

On n’arrête pas le(s) progrès

Emmanuel Macron opère une inversion de vocabulaire en se prétendant le héros des « progressistes », signe de la réjouissante inquiétude des élites face à l’avenir de l’UE

Au secours, Confucius ! Le philosophe chinois avait prévenu, il y a vingt-cinq siècles : « lorsque les mots perdent leur sens, les gens perdent leur liberté ». Jamais cette remarque n’a paru aussi pertinente qu’aujourd’hui. C’est ainsi qu’Emmanuel Macron appelle de ses vœux un sursaut des... « progressistes » européens, dont il s’autoproclame naturellement le héros, face aux barbares « nationalistes ».

L’inventeur de la « souveraineté européenne », un bel oxymore, n’en est pas à son premier hold-up langagier. Si lui et ses amis tentent ainsi de tordre le vocabulaire (aussi impunément qu’on inverse le résultat d’un référendum), c’est qu’ils sont gagnés par la fébrilité. Notamment à l’approche des élections européennes à l’horizon 2019. Les caciques de l’UE craignent ouvertement qu’une « vague populiste » déferle à l’europarlement.

Surtout, les dirigeants européens les plus lucides sentent que ledit « populisme » n’est pas une éruption de circonstance, mais bien un mouvement de fond de nature à remettre en cause l’existence même de l’Union européenne. Même si, à ce stade, les chefs des partis regroupés sous cette étiquette quelque peu fourre-tout ne proposent nullement une sortie, mais se contentent de surfer sur la colère populaire.

Celle-ci tient à un double rejet : celui des « élites », qui portent la responsabilité d’une dégradation des niveaux de vie et des perspectives d’avenir dans les pays de l’UE (particulièrement depuis la crise de 2008). Les « élites » sont également coupables du véritable cambriolage démocratique qu’opère l’intégration européenne : les peuples se voient refuser de sortir du cadre déterminé par le « système », ce que Jacques Delors nommait « le cercle de la raison ».

Ladite « vague populiste » porte un second rejet : celui des migrations de masse. Si l’on veut bien s’appuyer sur les faits plutôt que sur les bons sentiments, force est de constater que celles-ci avivent la concurrence sur le « marché du travail », mais aussi dans l’accès au logement comme aux services publics ; et ce sont les classes populaires (dont les travailleurs immigrés installés antérieurement) qui sont les plus violemment frappées. A cela s’ajoute le sentiment de perdre des repères culturels et historiques (et non pas ethniques) qui fondent une nation. A cet égard, les élites mondialisées portent une triple responsabilité : celle d’avoir déstabilisé des pays entiers (Libye, Syrie...) ; celle d’avoir ouvert en grand les frontières (comme le décida Angela Merkel en 2015) sur instance du patronat ; et, enfin, celle de chanter les louanges d’une « diversité multiculturelle » sans se rendre compte des effets provocateurs d’un tel discours « hors sol ».

Ce n’est pas un hasard si les forces les plus dénoncées par Bruxelles connaissent leurs plus grands succès dans les pays ayant accueilli le plus de migrants par rapport à leur population : Italie, Autriche, Suède, Allemagne... La Hongrie fut pour sa part traversée par des centaines de milliers d’arrivants en 2015.

Son premier ministre, Viktor Orban, est devenu la bête noire de Bruxelles et a été désigné comme ennemi principal par l’Elysée. Pour leur part, les eurodéputés ont comme de juste voulu montrer leurs petits biscotos en votant pour que soit enclenchée une procédure de mise au ban de la Hongrie, au motif d’atteinte à l’« Etat de droit » (notamment du fait des obstacles mis aux associations d’aide aux migrants). On peut parfaitement être en désaccord avec M. Orban (largement réélu en avril), mais le message politique relève d’un autre registre : quand un pays est membre de l’UE, les règles de celles-ci doivent prévaloir sur le vote des électeurs. Le chef du groupe libéral, l’européiste Guy Verhofstadt, est même allé plus loin (sur la chaîne américaine CNN) en demandant à l’UE... mais aussi à Washington, d’« intervenir » pour « stopper » M. Orban.

Dans l’hémicycle de Strasbourg, une voix a cependant détonné. Nigel Farage, qui fut l’emblématique leader du UKIP britannique, a lancé au dirigeant hongrois : « soyez logique, rejoignez le club du Brexit. Vous allez adorer ! »... Pour l’heure, M. Orban (dont le parti est toujours membre du PPE, la droite européenne classique, malgré des remous en son sein), est loin de vouloir suivre cette logique. Mais, de même que son nouvel ami italien, Matteo Salvini, il l’alimente, fût-ce à son corps défendant.

Le Brexit (qui aura bien lieu dans six mois) a été le premier séisme. D’autres... progrès suivront, sans guillemets cette fois – hélas pour Manu.

Pierre Lévy

Editorial paru dans l’édition du mensuel Ruptures du 26 septembre

»» https://ruptures-presse.fr/actu/macron-progressiste-populisme-migration/
URL de cet article 33872
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

ESPAGNE : un livre en plein dans le mille
Vladimir MARCIAC
Jean Ortiz a publié 90 articles sur le site Le Grand Soir. Son style impeccable, son cœur à fleur de clavier, son intelligence servant sa remarquable connaissance des dossiers qu’il traite, son humour, sa fougue, sa fidélité aux siens, c’est-à-dire aux guérilleros espagnols que le monde a laissé se faire écraser par un dictateur fasciste, le font apprécier par nos lecteurs (nos compteurs de lecture le disent). Il a en poche une carte du PCF qui rend imparfaitement compte de ce qu’est pour lui le (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Du vivant des grands révolutionnaires, les classes d’oppresseurs les récompensent par d’incessantes persécutions ; elles accueillent leur doctrine par la fureur la plus sauvage, par la haine la plus farouche, par les campagnes les plus forcenées de mensonges et de calomnies. Après leur mort, on essaie d’en faire des icônes inoffensives, de les canoniser pour ainsi dire, d’entourer leur nom d’une certaine auréole afin de « consoler » les classes opprimées et de les mystifier ; ce faisant, on vide leur doctrine révolutionnaire de son contenu, on l’avilit et on en émousse le tranchant révolutionnaire.

Lénine

"Un système meurtrier est en train de se créer sous nos yeux" (Republik)
Une allégation de viol inventée et des preuves fabriquées en Suède, la pression du Royaume-Uni pour ne pas abandonner l’affaire, un juge partial, la détention dans une prison de sécurité maximale, la torture psychologique - et bientôt l’extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre. Pour la première fois, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, parle en détail des conclusions explosives de son enquête sur (...)
11 
La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
Ces villes gérées par l’extrême-droite.
(L’article est suivi d’un « Complément » : « Le FN et les droits des travailleurs » avec une belle photo du beau château des Le Pen). LGS Des électeurs : « On va voter Front National. Ce sont les seuls qu’on n’a jamais essayés ». Faux ! Sans aller chercher dans un passé lointain, voyons comment le FN a géré les villes que les électeurs français lui ont confiées ces dernières années pour en faire ce qu’il appelait fièrement « des laboratoires du FN ». Arrêtons-nous à ce qu’il advint à Vitrolles, (...)
40 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.