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Plus longtemps, plus flexible, moins cher ... effet boomerang ?




Sarkozy-Blair, AFP.






Savoir/Agir n°3, 2008.


Travailler plus pour gagner plus : on connaît la chanson. Mais cet hymne à la valeur travail ne peut durablement escamoter la réalité d’un projet cohérent de régression sociale qui vise à dévaluer le travail, et non à le revaloriser. C’est pourquoi la tactique de Sarkozy a de bonnes chances de conduire à un effet boomerang


Plus longtemps ...

L’une des premières mesures gouvernementales a porté sur les heures supplémentaires qui sont dorénavant en grande partie exonérées de cotisations sociales et défiscalisées. Ce choix repose sur un postulat selon lequel il faut augmenter le gâteau avant d’en augmenter les parts, donc travailler plus, etc. Mais rien ne garantit que l’augmentation du gâteau conduise à une augmentation de toutes les parts : aux Etats-Unis, les bénéfices de la croissance sont captés par 10 % de la population. Ensuite, il ne suffit pas de vouloir travailler plus pour pouvoir le faire, et les contre-exemples sont faciles à trouver : femmes contraintes au temps partiel ou seniors dont l’âge de départ à la retraite est constamment reculé sans que cela améliore leur accès à l’emploi. Le discours sur la revalorisation du travail conduit en pratique à faire le procès des salariés, insuffisamment corvéables, et pour cela accusés d’être les seuls responsables de notre supposé « déclin ».

L’accès aux heures supplémentaires n’a aucun rapport avec la volonté du salarié de travailler plus, puisqu’il relève exclusivement du choix de l’employeur, qui va dépendre de toute une série de facteurs : taille et secteur de l’entreprise, état du carnet de commandes, organisation du temps de travail (annualisé ou non) sans oublier le rapport de forces local. Les bénéfices de cette mesure seront donc distribués à l’aveuglette et renforceront les inégalités. Les plus bas salaires perdront une partie de la prime pour l’emploi et ne bénéficieront pas de baisse d’impôt sur le revenu si leur ménage n’en paie déjà pas. Quant aux femmes à temps partiel, leurs heures complémentaires seront moins revalorisées ; elles ne pourront pas plus qu’avant accéder à un temps plein, et seront un peu plus confinées dans la pauvreté salariale ou dans un rôle de salaire d’appoint.

La loi sur les heures supplémentaires était une première revanche sur les 35 heures. Elle a été rapidement suivie d’une seconde, qui permet la « monétarisation » des journées de RTT, autrement dit l’échange de temps libre contre plus de travail salarié. Malgré les dénégations gouvernementales, on voit bien que ces « aménagements successifs » conduisent à une perte de substance de la durée légale du travail. Dès lors que les heures supplémentaires sont subventionnées et ne coûtent pas plus cher que les autres, et que la durée annuelle du travail peut être étendue avec le rachat des jours de RTT, que reste-t-il en effet des 35 heures ? La volte-face de Sarkozy déclarant un jour qu’il souhaite les supprimer, et le lendemain qu’il est pour leur maintien, est une simple question d’opportunité tactique. Car on connaît déjà la prochaine étape qui consistera à étendre la possibilité pour des accords de branche, voire d’entreprise, de déroger à ce qui reste de durée légale du travail.

Or les modalités du passage aux 35 heures ont permis de compenser l’augmentation du salaire horaire par une considérable intensification du travail. La tendance à l’allongement de la durée du travail va alors à l’encontre des aspirations de nombreux salariés qui n’ont pas envie de travailler encore plus.


... plus flexible ...

Il faudra non seulement travailler plus longtemps, mais aussi travailler plus flexible. En ce domaine, les projets du Medef vont très loin. Ils visent à faire de la force de travail une marchandise comme les autres, qu’on achète et qu’on vend quand on en a besoin. Bref, il faudrait n’avoir à payer le salarié que durant les périodes où il produit de la valeur. L’idéal serait donc une durée du travail parfaitement élastique et une totale liberté de licenciement que le patronat est prêt à acheter moyennant le paiement d’une taxe libératoire, forcément modique.

C’est par rapport à ces ambitions extrêmes qu’il faut évaluer l’accord du 11 janvier sur la modernisation du marché du travail. Cet accord est faussement symétrique, dans la mesure où les concessions à la flexibilité sont immédiates tandis que les contreparties en termes de sécurité sont minces et souvent reportées à des négociations ultérieures. Les nouveaux droits garantis aux salariés se résument à la « portabilité » du droit individuel à la formation et au maintien pendant quelques mois des couvertures complémentaires santé et prévoyance de leur ancienne entreprise. L’accord institue une « indemnité de rupture interprofessionnelle unique » (au minimum un cinquième de salaire mensuel par année d’ancienneté, à partir d’un an dans l’entreprise au lieu de deux) mais, en contrepartie, la durée de la période d’essai est allongée.

En matière de flexibilité, l’accord introduit de redoutables innovations. Avec la « rupture conventionnelle », le salarié et l’employeur pourront « convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail », ce qui permettra aux employeurs, moyennant indemnité, d’échapper à tout recours auprès des prud’hommes. Un nouveau contrat de travail, baptisé « contrat à durée déterminée à terme incertain » (de 18 à 36 mois) et réservé aux ingénieurs et cadres, est institué à titre expérimental.

Au total, cet accord conduit à une évaluation ambivalente. C’est un succès pour le gouvernement : il a piégé les syndicats en les menaçant d’une loi encore plus dure et a remporté une victoire politique en démontrant sa capacité à obtenir directement des concessions grâce à une prétendue négociation sociale. L’accord contient plusieurs bombes à retardement : il renvoie à des accords de branche ou d’entreprise le soin de régler les questions encore ouvertes, et il en appelle à un contrôle renforcé des chômeurs - sous prétexte d’une meilleure indemnisation et de la portabilité des droits à la formation - et à un plafonnement des dommages et intérêts en cas de licenciement sans cause réelle ou sérieuse.

Cependant, si les mesures vont dans le sens d’une flexibilisation accrue du marché du travail, on reste assez loin d’une « flexisécurité » à la française telle que la rêve le patronat. Si les licenciements « à l’amiable » protègent les patrons de recours aux prud’hommes, ils restent relativement coûteux ; le nouveau contrat, encore trop encadré à ses yeux, ne représente qu’un petit pas en direction du contrat « de mission » ou « de projet » cher au Medef. C’est pourquoi, malgré les risques qu’il comporte à terme, cet accord pourrait dans l’immédiat marquer un relatif point d’arrêt dans le processus de « réforme ».


... et finalement moins cher

L’une des premières décisions du « président du pouvoir d’achat » fut de ne pas donner de « coup de pouce » au Smic. Son projet en la matière n’est évidemment pas de revaloriser les bas salaires. Il vise à supprimer l’indexation automatique du Smic pour remettre sa gestion à un « comité de Sages » et à obtenir qu’aucun des minima de branche ne soit inférieur au Smic pour pouvoir ensuite déconnecter leur évolution de toute référence interprofessionnelle.

Dans l’immédiat, c’est à travers les mesures sur le temps de travail que le gouvernement prétend favoriser la progression du pouvoir d’achat. Mais, encore une fois, il ne pourra s’agir que d’une progression individuelle et aléatoire du salaire qui évoluera différemment selon que le salarié-e travaille dans un grand groupe ou dans une petite entreprise, qu’il effectue ou non des heures supplémentaires, qu’il dispose ou non de journées de RTT, qu’il est un homme à temps plein ou une femme à temps partiel, qu’il est déjà à 35 heures ou encore à 39, qu’il est au forfait-heures ou non, annualisé ou non.

A terme, les salariés ont tout à y perdre. Pour commencer, les effets sur l’emploi vont être désastreux : 2008 devrait être marqué par un net ralentissement de la conjoncture et les mesures du gouvernement, qui reviennent à subventionner l’allongement de la durée du travail, vont inciter les entreprises à embaucher le moins possible.

En admettant même que la mesure fasse le plein, le gain de pouvoir d’achat global ne dépassera pas 0,3 % du revenu des ménages. Mais cette petite relance ne créera pas beaucoup d’emplois et sera engloutie par le ralentissement économique prévisible et l’accélération de l’inflation. Elle servira en outre de prétexte à un nouveau freinage de la masse salariale. Les patrons auront beau jeu de s’abriter derrière le fameux slogan : vous voulez gagner plus, eh bien travaillez plus ! Ils se trouveront dans une position renforcée par l’individualisation et les divisions résultant de l’accès inégal des salariés à ces mesures. La négociation collective des salaires, qui souffrait déjà du développement des augmentations individualisées, sera un peu plus vidée de son contenu.

Le recours aux compléments salariaux (heures supplémentaires, jours de RTT, participation, intéressement et prime exonérée de cotisations) pourrait ainsi se substituer à une norme générale de progression salariale. Seul l’allongement de la durée du travail individuelle permettra effectivement à certains de gagner plus. Mais cela revient à poser que le salaire horaire doit rester bloqué. Dans ces conditions, les gains de productivité pourront être intégralement captés par les profits et la « part du gâteau » allant aux salariés baissera à nouveau. En d’autres termes, cette politique ne vise pas à revaloriser le travail, mais à le dévaluer.


Les apories du sarkozysme

Comment continuer à mener une telle politique tout en prétendant être le « président du pouvoir d’achat » ? La tactique de Sarkozy consiste à enchaîner des réformes partielles dosées de manière à ne pas provoquer de riposte trop importante, mais qui, en se combinant les unes aux autres, conduisent à l’équivalent d’une rupture qualitative globale. Il lui faut donc avancer sur tous les terrains en même temps, et maintenir un rythme élevé dans l’introduction de ces réformes.

Ce schéma est d’ores et déjà en train de se déliter. Sarkozy vient de reconnaître qu’il n’avait pas les moyens d’être le président du pouvoir d’achat : « s’agissant du pouvoir d’achat, qu’attendez-vous de moi ? Que je vide des caisses qui sont déjà vides ou que je donne des ordres à des entreprises à qui je n’ai pas à donner d’ordre ». En ne se donnant même plus la peine d’invoquer les mesures supposées favorables au pouvoir d’achat, Sarkozy admet publiquement qu’il n’y croit pas. Une telle déclaration ne peut que conforter l’opinion des Français qui, dans leur majorité, ne font pas confiance à Sarkozy pour améliorer le pouvoir d’achat. Et cet aveu fait étrangement écho à celui de Jospin déclarant qu’il ne fallait pas « tout attendre de l’Etat ».

Toute la politique de Sarkozy est fondée sur des postulats néo-libéraux qui vont assez vite se heurter à l’épreuve des faits. Le premier affirme que la faible progression du pouvoir d’achat résulte d’une législation trop contraignante de la durée du travail. Mais les réformes introduites en la matière n’auront, dans le meilleur des cas, qu’un effet partiel et limité sur le pouvoir d’achat. La grande majorité des salariés n’en verra pas la couleur, et dans les rares occasions où des salariés pourront travailler plus pour gagner plus, ce sera au détriment de l’emploi, ce qui mettra à mal le second postulat.

La cause du chômage serait un encadrement trop strict du marché du travail. Mais ce postulat est théoriquement inconsistant : la flexibilité peut tout au plus accentuer les fluctuations de l’emploi en fonction de la conjoncture ou substituer des emplois précaires à des emplois standard. Mais elle ne peut en soi créer des emplois. Le faible contenu en flexibilité de l’accord arraché aux syndicats ne constituera même pas une incitation suffisante à l’accélération qualitative de la précarisation : à tout prendre, les patrons auront plutôt intérêt à recourir à l’allongement de la durée du travail. Mais ils seront peu à le faire, en raison de la conjoncture qui s’annonce mauvaise.

Reste la question budgétaire. Il est clair que le gouvernement a dans ses tiroirs des projets de réforme du financement de la protection sociale qu’il sortira après les municipales, sauf si celles-ci se traduisent par une défaite d’ampleur. TVA « sociale » ou non, augmentation de la CSG ou nouveau prélèvement, peu importe : il faudra d’une manière ou l’autre éponger le « paquet fiscal » offert aux riches au tout début du quinquennat. Et cela ne pourra passer que par une nouvelle ponction sur le pouvoir d’achat des salariés. La logique de classe est ici implacable : c’est sur eux que doit peser la charge des cadeaux fiscaux, de la crise immobilière, de l’euro surévalué et de la facture pétrolière. Un nouveau creusement du déficit budgétaire mettrait le gouvernement en porte-à -faux avec sa volonté de rétrécir l’Etat et, en dépit de ses déclarations jamais suivies d’effet, de rentrer dans le moule européen au moment où il occupera la présidence de l’Union.

Si l’emploi stagne, si le pouvoir d’achat régresse, si la dette se gonfle, alors la logique d’ensemble du projet de Sarkozy et son contenu de classe apparaîtront dans toute leur clarté. C’est de l’accumulation de ces faits d’expérience que peut alors naître l’effet boomerang. La bulle Sarkozy peut très bien se dégonfler aussi brutalement que les bulles boursières et sa crédibilité politique disparaître de manière irrémédiable. Le paradoxe de Sarkozy se situe sans doute là  : son projet est global, et même s’il avance par petites touches rapides, il est inévitable que le tableau d’ensemble apparaisse avant d’être achevé. Entre les mesures cosmétiques et la réalité perçue, la course de vitesse est donc engagée avec, en ligne de mire, le nécessaire « tous ensemble ».

Michel Husson

Michel Husson, administrateur de l’ INSEE, chercheur à l’ IRES ( Institut de recherches économiques et sociales).
Auteur entre autres, de "Les casseurs de l’ Etat social", La Découverte.




Accord sur le contrat de travail avec le MEDEF : ce que des organisations syndicales de salariés ont osé signer, par Richard Abauzit.



L’usine à gaz Sarkozy, par Michel Husson.


Le mouvement social d’automne 2007 : l’histoire d’une opposition entre la base et la tête, entre les travailleurs, la jeunesse et les appareils syndicaux et politiques, par Laure Jinquot.




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COMMENTAIRES  

04/02/2008 17:06 par J.N FRANCOIS

Merci.
J’ai toujours autant de plaisir à te lire. Toujours clairvoyant, pertinent et revigorant.
Effet boomerang, j’aimerais le croire.
Mais que substituer, et en faisant confiance à qui, à la ploutocratie instaurée (ou restaurée) par notre Président élu, c’est indéniable, démocratiquement, comme il le répète à l’envi.
Mais les Français mesurent-ils bien dans quel pétrin ils se sont mis. Comme le disait Lamartine, dans un contexte pas si différent : « Quand le peuple se trompe, tant pis pour le peuple ! »
Le fait est : démocratiquement donc, nous avons installé au pouvoir le capitalisme le plus arrogant, le plus cynique, le plus revanchard et réactionnaire qu’on ait vu depuis longtemps.
Il ne faut sous-estimer ni le système Sarkozy ni l’homme lui-même : intelligent, pragmatique, opportuniste, habile, laissant peu au hasard. S’il jubile si manifestement, c’est qu’outre sa jouissance d’être "arrivé" il voit sa tactique porter ses fruits. Les fruits en question ne sont pas ceux que beaucoup, caressés dans le sens du poil par ses propos démagogues, ont cru pouvoir déguster et ils ont un goût bien amer pour la grande majorité. Par contre le grand patronat et les vrais nantis sont à la fête : presque toutes les mesures ont été prises pour accroître encore leurs profits et leurs privilèges. Le réseau de prédateurs de tout poil et écaille dont s’est patiemment entouré notre hyper président va pouvoir étouffer toute tentative des manants à rappeler qu’ils sont d’abord et avant tout des citoyens et que sans eux rien ne peut exister. Les mailles du filet sont serrées et pour l’instant solides.
Quand tu parles de projet cohérent de régression sociale, c’est exactement mon point de vue (en toute modestie). S’il y avait une once de social dans les préoccupations de nos dirigeants, ça se saurait.
L’ensemble est conçu de façon réfléchie avec pour seule fin le pouvoir et le fric. Ce n’est pas Machiavel, non ; l’idéologie est certes rudimentaire mais redoutable, surtout mise en oeuvre par un robin des bois (ne vole-t’il pas au secours des otages ?) devenu (parvenu) shérif de Nottingham. Piquer aux pauvres pour donner aux riches ; l’argent pour le pouvoir et inversement. On peut travestir tout ça sous un tas d’oripeaux sémantiques et le justifier par une avalanche d’explications savantes, le résultat est bien là : on paupérise délibérément le peuple pour le rendre plus souple (flexible ?) et pas trop récalcitrant pour continuer à le piller sans qu’il puisse réagir. Féodalité ou XIXème siècle, c’est comme on veut.
On peut et on doit pointer le ridicule et le clinquant, car c’est au détriment du contribuable direct ou indirect que s’étalent le mauvais goût et la provocation somptuaires et que vivent dans les ors de la République le Prince, sa cour, sa clientèle et ses bouffons. C’est une insulte permanente et un bras d’honneur de plus fait aux générations qui nous ont précédés et à la misère dans laquelle s’enfoncent de plus en plus de Français. Mais il faut regarder derrière cet écran épais de fumée nauséabonde.

Le travail de sape, commencé depuis des lustres, connait maintenant une accélération formidable permise par la mise en place d’un système ad hoc :

 Des ministres nommés manifestement non pour les compétences qu’ils devraient déployer dans l’organisation de la société mais pour leur capacité à casser leur propre administartion, plier leurs personnels à la parole du tout-puissant et pour leur aptitude à adorer le Prince.
Voyez Mme DATI qui taille à grands coups rageurs la carte judiciaire pour rendre plus problématique encore l’accès à la Justice, Mme LAGARDE la cycliste qui, avec la fusion de l’ANPE et de l’ASSEDIC, pourra marchandiser les services, mettre en place une vraie police de l’emploi et réduire le nombre des chômeurs à défaut du chômage, M.DARCOS qui, les yeux au ciel, déclare ne pas comprendre le mécontentement des enseignants et anticipe la mise en place du service minimum à l’occasion de la grève du 24 janvier dernier. Continuez vous-mêmes, c’est édifiant.
Inutile de parler des ministres et autres secrétaires alibis de l’ouverture, sans compter les tranfuges (félons sûrement pas, ils n’ont jamais été de gauche). La honte et la vergogne ne fait pas partie de leur vocabulaire. Le buffet doit être bon, c’est tout.

 Des attaques sur tous les fronts pour saturer les défenses. L’application du « Divide et impera » en stigmatisant tour à tour les fonctionnaires, les nantis, ceux qui se lèvent tard, les glandouilleurs, les chômeurs, les assistés, les soixante-huitards,etc, en entretenant les vieux démons qui ne dorment que d’un oeil afin que chacun regarde son voisin de travers, tout en se culpabilisant car pas certain du tout de n’être pas de ceux que l’on montre du doigt.

 Des rapports faits de "vrais spécialistes" sur le gaspillage et l’inefficacité des services publics que l’on sort à point nommé pour optimiser lesdits services : en gros les casser pour précariser les usagers, réduire les effectifs et transférer au privé tout ce bon argent qui profite pas à qui de droit. Pensez au livert A (à confier à la Société Générale ?), à la marchandisation du soutien scolaire, aux cotisations retraite et santé, entre autres. Inquiétant quand on entend un PDG déclarer préférer passer pour incompétent que pour malhonnête. N’oubliez pas que le maître à penser de notre Président a signé l’AGCS.

 Des médias tenus par de bons copains, des journalistes pas trop impertinents ou, mieux, aux ordres, des analystes et économistes (désolé..) confits de certitudes et tout disposés à prodiguer de savantes démonstrations pour justifier l’inéluctabilité des réformes. Ce sont les mêmes qui autrefois nous expliquaient la main sur le coeur que la phénomène du poor-working que connaissaient les Etats Unis et le Royaume Uni ne risquait pas d’atteindre la France, idem des subprimes. Dont acte aujourd’hui.

 Des interventions incessantes en personne ou déléguées à de bons parte-parole, sans intérêt donc puisque c’est la voix de son maître. S’il y a quelques bredouillis, on ne peut croire un seul instant à des divergences ou à des dissensions profondes sauf sur les chaises musicales. Cela donne une facade de liberté d’expression, toujours bon pour la com. A noter que l’émission Le Franc Parler diffusée par France Inter le lundi soir recevait des personnalités de gauche et de droite de façon à peu près égale ; depuis mai 2007, c’est sans doute fortuit, si l’on excepte O.Besancenot et B. Mailly pour les rebelles, ce sont ministres, députés UMP et autres ralliés, qui s’y relaient pour nous distiller la bonne parole. On n’est jamais si bien servi que par soi-même. Plus d’information mais de la communication.

 Dans le même registre, des propos les plus indécents aux plus grotesques sur les 35H, en particulier, responsables de tous nos maux : S.Dassault et son fameux « Les 35 heures, c’est le cancer de notre économie », un député UMP dont j’ai oublié le nom : « Le plus grand scandale des 30 dernières années, ce sont les 35 heures ! ». Fichtre, j’en voyais d’autres..Décomplexés, on vous l’avait dit.
Quant au code et au monde du Travail, le massacre qu’il subit a sûrement dépassé les rêves les plus fous fous qu’avait pu faire A.Juppé en son temps. Atomisé !!Sans doute au nom de la loi de la condition humaine qu’est la précarité (dixit L.Parisot).
Comme on a pris bien soin de faire passer dans les cerveaux que l’on doit être positif, constructif, qu’il faut parler aussi des trains qui n’arrivent pas à l’heure et que l’on instauré le dialogue social, on se retrouve avec des syndicats qui capitulent contre la volonté de la base (il faut savoir arrêter une grève). MM. Sarkozy et Fillon n’en espéraient pas tant. Le système est simple : les Français ont élu leur président pour faire des réformes courageuses et nécessaires et il le fera car il tient à honorer cette mission sacrée. Mais auparavant place au dialogue social et si les partenaires sociaux n’arrivent pas à un accord....
C’est du chantage tout simplement. Payant puisque voilà les dirigeants syndicaux amenés à discuter avec le MEDEF qui tintinnabule d’argent douteux destiné à fluidifier ledit dialogue et s’en trouvent décrédibilisés un peu plus ; ils auront fort à faire pour redorer leur blason. Quant à la base, elle se trouve déboussolée ; on n’en demandait pas tant non plus.

 Démanteler l’opposition politique, déjà bien peu virulente, en racolant, au nom de l’ouverture, les plus tièdes ou ceux qui n’ont pas ou peu de conviction de gauche. D’autant plus facile que le programme du P.S ne se démarque guère de celui de la droite ultralibérale et que les propos de ses leaders ne sont que de pure forme. Quant à ceux qui font commerce du conseil et de la pensée, on leur confie le soin de monter une commission et de pondre un rapport. On peut supposer ou espérer que personne n’est dupe car c’est énorme. Oui mais ça marche.
La vraie Gauche est qualifiée d’extrême et n’a pratiquement plus accès aux grands médias. De toute manière, ce sont des gens qui se réclament d’idéologies ringardes, utopiques, et les mesures qu’ils préconisent feraient fuir les capitaux et délocaliser le tissu économique. Ah bon ? Il faudrait demander leur avis à MM. G.Sarkozy, Bebear, Zacharias, Lagardère ou Messier par exemple, car eux s’y connaissent. De vrais pros qui travaillent plus avec de vrais résultats ; contraints pour certains à voir s’ouvrir au-dessus d’eux des parachutes qui les mettent à l’abri jusqu’à la 13ème génération et à se chercher un petit pied à terre pas trop ruineux en Suisse.
N’allez surtout pas demander aux salariés (ou ex, ou futurs ex.) des Tissages de Picardie, d’EADS, d’Arcelor-Mittal, d’Alcatel, j’en passe, ils ne comprennent rien aux lois de l’économie, ces égïstes.

 Ajouter à cela une bonne dose de sémantique et de dialectique démagogiques, fondues dans une expression percutante, volontiers vulgaire, pour "faire peuple" et paraître parler vrai. Substituer au principe républicain d’égalité celui d’équité à forte connotation morale qui a de plus l’avantage de n’être pas mesurable. Passer de l’imprécation au sermon (du Vatican à l’Arabie Saoudite)en un salmigondis mêlant la valeur Travail, le respect, la génétique, Guy Môquet et Clovis, Jaurès etles prêtres, tout et son contraire pourvu que cela paraisse avoir du fond et surtout floute la réalité. Ne pas se soucier des erreurs, contrevérités et mensonges, il y a belle lurette que l’on n’enseigne plus vraiment l’Histoire car économiquement peu porteuse et de plus dangereuse.
Ne pas oublier surtout de traiter d’absurdes et ridicules tout ce qui vous contredit, c’est sans appel car le chef a toujours raison (Regis ultima ratio).
Ne pas se priver d’avancer quelques petites phrases préparant à de nouvelles réformes. Tout le monde, par exemple, est bien convaincu que la suppression de la pub sur les services publics de radio et télé n’a pas d’autre but que de les améliorer. Non ?

Ce sont des recettes éprouvées qui ne sont pas d’aujourd’hui. Rien de nouveau car pourquoi changer ce qui fonctionne bien. N.Sarkozy est bien l’héritier de J.Chirac qui en 2002 avait confisqué le vote des citoyens pour engager une politique de destruction sociale massive. Notre nouveau président pousse cette démarche au paroxysme.
La vraie rupture c’est de faire de ces vieilles recettes utilisées en ordre dispersé par les précédents gouvernements une méthode globale, concertée et bien corchestrée pour donner le tournis, semer la confusion et la zizanie,et, à terme, tenir tous les leviers de manoeuvre, sans réelle opposition.
Il reste encore pour cela pas mal de "chantiers" et l’on n’a pas encore tout vu. Tout doit être réformé même (e surtout) si c’est inutile car personne ne doit se sentir à l’abri de l’intérêt du grand réformateur.
On peut s’attendre à une campagne hystérique contre Mai 68 (40 ans, ça se fête) , voir sortir de jolis rapports sur l’Education Nationale, la carte scolaire, le Trésor public, les hôpitaux publics, les Institutions, la Constitution même, etc.

Si la bulle (ou la planète) Sarkozy, indiscutablement aporétique est condamnée à éclater, car coupée des réalités sociales et nourrie uniquement de l’idéologie capitaliste la plus brutale et obtuse, les dégâts sociaux et économiques occasionnés par ces réformes courageuses et nécessaires seront longs à réparer.
Il nous faut auparavant bien comprendre que la république n’est pas forcément la démocratie et trouver, à défaut de choix, une alternative qui aille dans le sens d’une authentique évolution sociale.
Qui rappellera que la politique est l’organisation de la Cité et non son démantèlement ? Le P.S, dans son état actuel, sûrement pas. D’ailleurs, il existe aussi dans nos villes, départements et régions de grands féodaux qui s’en réclament. Quant à Mme Royal, elle en est à saluer la travail de la commission Attali. Alors....
La démocratie ne s’use que si l’on ne s’en sert pas, dit-on. Quand on en est est à disciter de savoir si elle est, ou doit être, représentative ou particpative, c’est qu’elle est déjà mise à mal.

Paradoxalement, le seul espoir vient de cet ultralibéralisme forcené que nous subissons. En considérant la force de travail comme une marchandise, il remet à l’honneur et à l’ordre du jour la lutte des classes. De plus comme ces prédateurs pratiquent le cannibalisme, quand ils auront fini de nous ronger les os, à défaut de nous ronger l’âme, ils finiront bien par s’entredévorer.

Allons, il reste encore un peu de pain et il est sur la planche.
Ensemble ? Oui nécessairement même si cet ensemble reste à reconquérir.
Nécessairement aussi il nous faudra, chacun, rappeler fermement à ceux que nous élisons que les urnes leur confèrent un mandat de service et non la liberté de s’octroyer des privilèges, de nous insulter et de nous trahir.

Alors, rappelons nous La Boétie « Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux ! »
Courage ! Nous sommes en hiver mais le printemps arrive toujours.

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