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Pour une vraie et couillue réforme de la langue française

P.G.

Mon vieil ami P.G. n’est pas de ces chochottes qui croient avoir pris le Palais d’Hiver parce qu’elles écrivent “ une auteure ”. Linguiste authentique, P.G. sait de quoi il parle et les ressources de son inventivité sont inépuisables. Comme il a un certain âge – il est plus vieux que moi, c’est tout dire – il a tous les droits. je m’efface donc respectueusement et lui passe le relais. Bernard Gensane

Cher.ère.s. amie.e.s linguiste.teuse.s ou pas,

C’est à la suite d’une longue réflexion sur l’avenir (pardon : le futur) de notre langue que je me suis décidé : le.la linguiste.euse doit-il.elle être un.e. observateur.euse curieux.se, impartial.e et neutre.e (c’est le cas de le dire) ? Ou doit-il.elle être le.la vigi.e. et sentinel.le de notre patrimoine linguistique ? Ou encore doit-il.elle être un.e. prescripteur.euse impitoyable ?

Pour sortir de cette situation schizophrénogène, je prône le passage de notre langue à une neutralisation totale. Cette réforme a un double but : d’une part éliminer l’écriture inclusive qui, à mes yeux, est une complication absurde et illisible de la langue, d’autre part mettre fin à la querelle des genres.

Je vais donc vous exposer ma réforme. Loin de moi l’idée d’employer une terminologie problématique au niveau du métalinguistique : tout sera clair, limpide, simple et non complexe, et vous constaterez que mes propositions, tellement qu’elles sont simples, n’impactent en aucune façon la langue française que je signale au passage que le génie unique de celle-ci est universellement reconnu, et que grâce à ma réforme il sera encore mieux connu. Je propose donc quelques modestes réformes orthographiques.

Je démarre donc l’essentiel du process de mon propos.

1. Tous les noms sont neutres et ont 2 formes : un singulier et un pluriel en -s : chapeau/chapeaus.

2. L’article défini est lu au singulier (l’ devant voyelle) , les au pluriel (le s final étant toujours prononcé : [s] devant consonne et [z] devant voyelle).

Pourquoi lu ? Parce que je, suite à mes récentes découvertes sur le passage du latin au français, lu est dérivé du neutre latin illud (tout comme l’article masculin le est dérivé du masculin latin ille, et l’article féminin la du féminin latin illa).

Le u apparaît donc comme la marque du genre neutre, qu’on va pouvoir généraliser et qui, quelle que soit sa position, doit toujours être prononcé [y] comme dans turlututu ou dans pointu.

Exemples : lu chapeau, lu femme, l’homme, l’enfant ; les hommes, les femmes.

J’avais pensé suivre l’exemple du roumain, où l’article défini est enclitique (= placé à la fin du nom), par exemple sous la forme ul. Exemple : train = tren ; le train = trenul.

On aurait ainsi en français : le train = trainul ; l’homme = hommul, la femme = femmul.

Certes, on obtiendrait de choses très amusantes, comme :
la mandibule = mandibulul ; la rotule = rotulul ; le ridicule = ridiculul (cf. ridiculul ne tue pas !) ; J’ai lu fasciculul sur petit beurre luul.

J’avais pensé ensuite utiliser mon article neutre lu en le postposant comme en roumain :

l’élu = élulu ; l’hurluberlu = hurluberlulu ; le début = débulu ; la Goulue = Goululu.

Mais tout cela pourrait sembler très bizarre à certains, et les jeunes enfants qui apprennent à lire se demanderaient parfois s’il n’ont pas berluul/berlulu. De plus, je ne tiens pas à être farfeluul/farfelulu de service.

Restons donc raisonnable, et ne postposons pas : gardons la forme lu, qui donne d’ailleurs des résultats tout aussi linguistiquement intéressants :

lu garçon, lu fille, lu hurluberlu, lu lutin, lu lumignon ; lu soleil a rendez-vous avec lu lune.

2. Par analogie avec l’article défini, les démonstratifs sont aussi en -u :

ce, cet et cette = çéu ; ces = çéus (noter la présence subtile de l’accent aigu qui évite l’emploi du tréma sur le u, un signe dont auquel beaucoup s’interrogent sur à quoi ça sert).
celui, celle = çéul ; ceux, celles = çéuls (prononcer le -s final).

3. L’article indéfini n’a qu’une forme, par analogie avec l’article défini :

un, une = unu ; toutefois les uns, les unes = les unus (prononcer le -s final).

4. L’article partitif a les formes suivantes, par analogie avec l’article défini :

du lait = du lait ; de la viande = du viande ; de l’eau = du l’eau ; des livres = des livres.

5. Les adjectifs n’ont que 2 formes, un singulier en -u et un pluriel en -us : grandu, grandus ; beau, beaus, velu, velus (noter pour ces derniers la fusion adroite du u du radical et du u de la désinence).

lu beau garçon, lu beau fille ; les beaus garçons et les beaus filles.

6. Comme l’adjectif possessif s’accorde avec le nom qu’il détermine (mon livre le mien ; ma serviette, la mienne), il n’a désormais logiquement au singulier qu’une forme neutre :

mon, ma = mu, mes = mus (prononcer le -s final) ; ton, ta = tu, tes = tus ; son, sa = su, ses = sus.
le mien, la mienne = lu mu ; les miens = les mus, etc.

7. Les pronoms personnels désignant les humains ne changent pas. Ceux désignant des non-humains sont ilu au singulier, ilus au pluriel.

le livre > je l’ai lu = je ilu lu ; les livres > je les ai lus = je ilus lu (notez cette innovation foudroyante : le participe passé devient invariable).

8. Le -e final des noms, symbole exécrable de féminité, est supprimé pour tous les substantifs pour lesquels cela ne pose pas de problème :

lu vigi, les vigis ; lu sentinel, les sentinels ; lu estafet, les estafets (le -t final se prononce).
unu bougi, unu idiossi, unu geni, des jolius incendis.

Tout ce travail profondu et réfléchiu n’est encore qu’unu ébauch ; je prépare unu dico et unu gramère du français modernu qui, je l’espère sincèrement, vous seront utilus au niveau de l’excellence du processus d’expression oralu ou écritu.

J’espère que vous m’avez lu attentivement et je vous donne lu salu.

COMMENTAIRES  

03/06/2019 23:12 par irae

Et si on remplace lu u par unu o on va u ?

04/06/2019 06:51 par legrandsoir

L’avantage sur l’écriture inclusive c’est qu’on peut écrire ET lire (à haute voix) un texte avec cette méthode.
L’inconvénient, c’est qu’il y a un apprentissage à faire avec poubellisation des savoirs antérieurs.
Je me demande si, finalement, il ne faudrait pas abandonner tout uniment la langue française et se mettre à l’esperanto (rire et soupir).
Mx

04/06/2019 08:39 par --gilles--

L’interposition du neutre dans la langue dans les conflits de genre comme métaphore de l’interposition des forces neutres des Nations Unies dans les conflits armés. Bombardé de concepts de tout côté, l’auteur répond par des rafales de mots, mais a-t-il fait mouche sur ses ennemis ? Non, chaque camp a pris des mesures de protection, tel Ulysse, ils se sont bouchés les oreilles et vont bientôt repartir à l’offensive sans avoir écouté cette force qui se voulait neutre. La guerre des mots va reprendre, paroles, paroles, paroles !

04/06/2019 08:43 par doucic

C’est intelligent et légitime... mais c’est bien compliqué. Poursuivons simplement dans l’apprentissage du globish, l’anglais étant non genré, supprimons juste les he et she par des it en toutes circonstances et le tour sera joué ! Arrêtons de consacrer la domination des hommes sur les femmes en parlant Français, and jeust spik az eu spaniche cauou tou be respektfoul of ze voumen. Le globish a cet avantage de n’autoriser aucune erreur puisque ses locuteurs n’ont en général rien à dire, peu importe le sens, pourvu qu’on ait un véhicule propre !

04/06/2019 09:37 par J.J.

Je serais plutôt partisan du volapük, malgré ses origines cléricales et sa référence gaullienne....

04/06/2019 21:16 par Zedday

On pourrait déjà, tout en gardant le Français, rendre les adjectifs invariables, ça serait plus simple pour les enfants, et je ne trouve pas choquant de dire ou d’écrire des petit filles, des gentil femmes, etc... Je pense qu’on aurait moins de mal à s’y habituer qu’à l’écriture inclusive. Reste à trouver un joli pronom neutre, et des terminaisons neutres pour les noms...

04/06/2019 23:01 par Lulu

Merci beaucul (c’est bien cela, n’est-ce pas ? Ou ai-je mal compris ?),

Je suis absolument et totalement en faveur de cette supercoquentieuse réforme (1), d’autant que j’y étais même prédestiné par mon patronyme.

(trouvé dans le CRISCO. Définition du cnrtl : https://www.cnrtl.fr/definition/supercoquentieux

05/06/2019 11:10 par Assimbonanga

Je suis tout autant insupportée d’entendre France Inter me suggérer chaque matin de supporter mon équipe de foot. Insupportable !

Ceci dit, je me demande ce qui se cache derrière cette réaction épidermique chez les vieux messieurs. Est-ce la difficulté d’imprimer de nouveaux circuits cérébraux de lecture ? Pour moi oui. L’oeil était bien plus en confort avant.
Mais au-delà de ça ? Quels réflexes plus vitaux, sexuels ? Qu’est-ce que cela titille, au fond, pour déclencher ces trésors d’inventivité littéraires et jeux linguistiques ? Est-ce que cette écriture n’ébranle pas tout simplement l’ordre social, la place des hommes qui était si bien établie, structurée, étayée, formatée par des années d’éducation, interdits, injonctions verbales ou muettes dans tous les recoins de l’existence, maison, lycée, sport, service militaire, travail, loisirs, repas de famille ou entre amis, réunions politiques, rôles en manifestations, etc ?

05/06/2019 13:54 par legrandsoir

L’écriture inclusive, c’est lourd, c’est laid, c’est bête. Un copain m’a dit :" Je préfère passer une soirée avec mon beauf à boire de la bière en regardant un match de foot, plutôt que 5 mn, avec un-e inclusif.ve qui va sans doute me faire boire de la bière sans alcool en grignotant des tartines de pâté sans viande sur tartine sans gluten".
Et pourtant, a-t-il ajouté : "je n’aime pas mon beauf, la bière et le foot".
Et il a conclu par un sonore : "Rabelais, reviens, ils sont devenus fous !"

05/06/2019 11:59 par Autrement

Je propose que l’Académie, qui pour simplifier l’orthographe, veut supprimer l’accent circonflexe de "abîme", - même si "abime" risque de n’être plus qu’une peu profonde déprime -, normalise aussi les consonnes.
Par exemple, pour faciliter le travail des écoliers, on peut décider que f = ph et réciproquement.

Orwell a écrit "La pherme des animaux".
Virginia Woolph a écrit "La promenade au fare".
Dostoievski a écrit "Les phrères Karamazov".
Démosthène a écrit "Les filippiques".
Listz a composé "St Phrançois d’Assise parle aux oiseaux"
On peut même étendre notre empire linguistique à nos voisins :
Ken Loach est l’auteur du philm "Land and phreedom".
Dino Risi est adepte du phare-niente.
D’autres ont agi sur ordre du Phürer...

Proposons à l’Académie de faire de même pour ç = ss et réciproquement :
Donnez à ceux qui ont phaim et vous serez raçasiés au paradis.
Victor Hugo est né à Besansson.
Ne vous phiez pas aux compagnies d’Açurance...

Alors hardi les gars, la réphorme a le ventE en poupe, oh hiçe ! oh hiçe !

05/06/2019 14:07 par Vincent Lessage

Votre question aux adversaires de l’écriture inclusive :

" Quels réflexes plus vitaux, sexuels ? Qu’est-ce que cela titille, au fond... ?"

Réponse sexuelle : elle est imbitable.
Réponse logique : elle est spéciste en cela qu’elle méprise la question de 99,9999 % des êtres vivants (non humains, donc) à qui un sexe arbitraire a été attribué sans que les inclusifs s’en émeuvent : la souris, le moustique, le héron, l’aigle, l’asticot, le hibou, le scarabée, la taupe, le ragondin, l’hirondelle, le serpent boa, le crocodile, le microbe, la bactérie, le virus, la girafe....
Réponse politique : c’est un leurre lancé aux gogos et gogo-e-s.
Réponse fainéante : la langue française n’est pas assez compliquée, vous trouvez ?
Réponse syndicale : ielles (Dominique, Claude, Maxime... et autres prénoms épicènes) feraient mieux de se battre avec autant de hargne pour l’égalité des salaires H/F.
Réponse coquine et provocatrice : les écriveurs en inclusive veulent choper des meufs en fayotant, les écriveuses se vengent des mecs et d’abord de leur ex, ce gros con (disons plutôt, par aimable concession : cette grosse bite, encore que "grosse" est flatteur quand on le place devant "bite").
Ceci est ma réponse à ma propre question qui fait miroir à la vôtre : "Quels réflexes plus vitaux, sexuels ? Qu’est-ce que cela titille, au fond, chez les inclusif-ves ?"

08/06/2019 19:06 par Walter Rizotto

Ca commence à ressembler à la graphie occitane.
Un mistralien (graphiquement s’entend).

09/06/2019 08:00 par Xiao Pignouf

Féru de langue française, je suis réfractaire à l’écriture inclusive et je trouve désagréable la moindre réforme tendant à appauvrir la langue voire à niveler par le bas les compétences des jeunes générations, pourtant je suis obligé de me rendre à l’évidence : lutter contre l’évolution de la langue est un combat d’arrière-garde ainsi qu’une perte de temps et d’énergie. Comme dirait l’autre, on arrête pas le progrès.

Primo, l’écriture inclusive existait déjà avant qu’on en parle. Mais au lieu du point médian, on mettait des parenthèses et personne ne venait faire marner celui ou celle qui incluait de cette manière le féminin dans un masculin. Je pense que ce qui enquiquine les rétif.ve.s comme moi, c’est l’institutionnalisation du bazar, voire la récup politique. En outre, puisque c’est une forme écrite uniquement et que toute nouveauté linguistique ne s’installe que par la rentabilité d’un usage à l’oral (et à l’inverse, toute règle qui disparaît le fait en conséquence d’un faible rendement à l’oral), il y a peu de risque que l’écriture inclusive modifie profondément la langue française.

Deuxio, beaucoup gesticulent sur l’invasion des anglicismes dans le français. Ben, fut un temps, la langue française a été toute grande ouverte par effet de mode également aux italianismes, et il s’en trouvait aussi pour le déplorer... au bout du compte, la langue s’en est bien tirée. Le fait que la langue française s’enrichisse en absorbant un peu de celles qu’elle côtoie est signe de vie et de force. Par ailleurs, nombre d’anglicismes sont en fait d’origine française : cherchez un peu l’origine des mots "budget", "coach" ou "spoiler". Il y en a des dizaines comme eux.

Enfin, on est, et moi le premier, chagriné de ce qu’on perçoit comme l’appauvrissement du français. Pourtant, même cela, il faut le remettre en perspective : si l’on faisait lire ou entendre le français contemporain le plus fin, le plus littéraire à des représentants du français le plus fin, le plus littéraire d’il y a 400 ans, ces derniers seraient horrifiés de la même manière qu’on peut l’être devant la façon de parler ou d’écrire des jeunes d’aujourd’hui. Prenez par exemple la diphtongue "oi" qui se prononçait [wé] en ancien français à la cour du "roué". Aujourd’hui, on n’entend plus cette prononciation que rarement dans les coins reculés de la campagne française... Ce qui est d’autant plus difficile aujourd’hui pour nos esprits vieillissants et réac, c’est qu’une évolution qui prenait plusieurs siècles avant n’a besoin que d’une génération pour être assimilée dans la langue de nos jours.

S’il y a des raisons de s’inquiéter, elles ne sont pas là selon moi, mais davantage dans la volonté structurelle d’appauvrir l’éducation et d’affaiblir l’esprit critique des générations futures. Si appauvrissement il y a, c’est celui des enseignements du primaire et du secondaire. C’est celui de la lecture aussi : on vit, comme l’a dit JM Bourget dans son dernier article paru sur le GS, dans un monde où il devient plus facile d’écrire des livres ineptes que d’en lire de fabuleux. La mise à l’écart du livre, son élitisation au profit de l’écran est le danger réel qui menace la langue française et la société en général. Et l’écriture inclusive est bel et bien un autre de ces nonos qu’on nous lance à intervalle régulier pour nous occuper à des choses futiles.

09/06/2019 18:34 par LM

Apprenez l’IDO, lu est le pronom tous genres, ilu, elu, olu, si on éprouve le besoin de préciser. Même pour les transgenres, lu est le pronom normal. Les noms, verbes, adjectifs n’ont pas de genre. Tous les noms pluriels se terminent par i comme certains mots italiens.

Je signale qu’à l’oral les noms en français ne marquent pas le pluriel, sauf un nombre infime d’exceptions. On peut supprimer aussi a l’écrit, toutes les marques de pluriel des noms et adjectifs (sauf un nombre infime).

Enin pour ceux qui confondent le sexe des êtres et le genre gramatical, signalons que c’est le genre fémitif qui determine l’écriture du mascutif : blanc et non blan, blant ou blans car blanche.

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