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Pourquoi l’Irak n’est pas le Vietnam, par Marco Bascetta.

Dans l’ancienne Mésopotamie, on ne rêve pas d’autres mondes possibles.

Il manifesto, lundi 3 Mai 2004

La lutte irakienne n’envoie pas le même message que le combat vietnamien contre l’envahisseur étasunien. Si la résistance irakienne ne laisse entrevoir aucun nouveau modèle de société, la catastrophe morale étasunienne, elle, avance à grands pas. Analyse.

« Vietnam libre. Vietnam rouge. » Ce slogan, qui a retenti lors de centaines de milliers de manifestations de par le monde, exprimait un espoir : que de l’interminable guerre vietnamienne contre un ennemi apparemment invincible surgisse quelque chose de nouveau. Cet espoir ne signifiait pas la naissance d’une nation autoritaire subordonnée aux intérêts de l’Occident (telle la Corée du Sud), ni un retour aux traditions pré-coloniales ou à une plate réédition asiatique du modèle soviétique. C’était une transformation des rapports sociaux que l’on souhaitait, l’avènement d’un modèle nouveau que l’on aurait pu proposer aux pays qui venaient de terminer l’expérience de la colonisation ou se trouvaient aux prises avec une nouvelle forme de post-colonialisme. Les choses ne se sont pas passées ainsi, mais cette potentialité de changement était bel et bien inscrite dans la ténacité de la résistance vietnamienne ou, du moins, elle y avait été attribuée. Ce conflit a peut-être été la dernière guerre mettant en jeu une « alternative de système » s’érigeant au-dessus (sans pour autant les effacer) des facteurs ethniques et des traditions culturelles. Il a été le dernier chapitre d’un long cycle de guerres révolutionnaires ouvert en France en 1793.

Or le fait que le message vietnamien ait pu se propager dans le monde entier démontre qu’il véhiculait un discours identitaire. Et il paraît tout aussi clair qu’une expérience semblable n’aurait pas pu se (re)produire après 1989. Non pas à cause de la chute du bloc soviétique, mais pour le motif que, dans le monde réunifié sous l’égide de l’économie de marché -c’est-à -dire dans un « contexte global » fondé uniquement sur une valeur : la compétition sans merci- les guerres ne pouvaient (et ne peuvent) éclater que pour affirmer des privilèges.

Dans cette nouvelle donne, personne n’a plus eu la volonté ou la capacité de parler aux citoyens du monde entier. La guérilla antiétasunienne en Irak a-t-elle une quelconque signification pour les mineurs boliviens, pour la résistance birmane ou pour les ouvriers sud-coréens ? Ou pour les étudiants de la Sorbonne ou de Berkeley ? C’est que, dans l’ancienne Mésopotamie, entre le Tigre et l’Euphrate, on ne rêve pas d’autres mondes possibles. On revendique les prérogatives de mondes qui existent déjà . Des mondes qui s’entrechoquent lorsqu’ils se placent en dehors de la haine, commune, qu’ils expriment contre l’envahisseur anglo-étasunien.

« Catastrophe morale »

La guerre vietnamienne avait mis en lumière que la première puissance démocratique du monde n’hésiterait -à la fois pour défendre et poursuivre ses intérêts- à violer les règles démocratiques et juridiques qu’elle s’était imposée. Au Vietnam, le conflit s’est transformé en une « catastrophe morale », amplifiée par l’hypocrisie de la « promesse d’un comportement démocratique ». La férocité affichée par les soldats étasuniens dans le delta du Mékong a suscité une critique virulente contre les structures du pouvoir dans l’Occident développé. Certains ont parlé d’une « analyse interne » qui, encore plus que la solidarité internationaliste, avait réussi à provoquer la réaction de l’opinion publique. Elle avait eu pour effet d’ébranler fortement la « bonne conscience » de l’après-guerre, édifiée sur la défaite du nazisme et du fascisme.

Or si la résistance irakienne ne laisse entrevoir aucun nouveau modèle de société, si son message ne parvient pas à interpeller le reste du monde, la catastrophe morale étasunienne, elle, avance à grands pas. Dans ce conflit, les ingrédients les plus explosifs sont en train de se mélanger, sous les yeux de l’opinion publique. La liste est longue : le mensonge sur les armes de destruction massive, l’effacement des Nations Unies, la déchirure avec la vieille Europe, les victimes civiles, Guantanamo, le Patriot Act, la doctrine aberrante de la « guerre préventive », la censure de l’information, les cercueils cachés des marines, l’indécent simulacre du gouvernement de Paul Bremer, la peau de l’ours pétrolier et affairiste vendue aux entreprises étasuniennes qui se disent contraintes, aujourd’hui, à faire recours à la protection d’une armée de mercenaires.

Marketing des mots

Enfin, il faut signaler la résurgence d’une autre réalité qui commence à agiter passablement les esprits (et que personne n’a jusqu’ici nommée) : l’escalation. C’est avec ce terme qu’a été désignée la « croissance » de la présence militaire étasunienne au Vietnam, augmentée pour répondre à une révolte populaire que Washington n’arrivait pas à contenir, et à l’inconsistance des dictatures locales sur lesquelles les Etats-Unis avaient jeté leur dévolu. C’est avec ce terme qu’il faudrait appeler l’actuelle requête (qui se fait de plus en plus pressante) des généraux étasuniens. Ils demandent l’envoi de nouvelles troupes sur le terrain pour se sortir du bourbier irakien et... pour « apporter la démocratie » dans le pays.

Or la manière avec laquelle les Etats-Unis sont en train d’« exporter la démocratie » (c’est-à -dire un ordre pré-établi, compatible avec les intérêts occidentaux) révèle la véritable nature de cette opération. Celle-ci tourne autour de deux axes. Premièrement, elle s’appuie sur une prétendue « raison d’Etat », dont on connaît les liens avec les pouvoirs forts de l’économie globale. Deuxièmement, elle vise à « obtenir le consensus » à travers les dispositifs classiques de la représentation politique et du « marketing des mots ».

Or la politique étasunienne au Vietnam avait suscité le refus (et l’opposition active) d’une large frange de la société, qui ne ressentait pas forcément un sentiment de sympathie pour le socialisme ni n’affichait un intérêt particulier pour la culture indochinoise. Cette frange de la société avait dénoncé la prévarication et la violence exercées contre un peuple lointain. Et, surtout, elle avait perçu la dégénérescence de sa propre culture, en mesurant ses effets : le resserrement de la démocratie, des droits et des libertés fondamentales.

Mais, face au conflit qui a lieu dans l’ancienne Mésopotamie, la distance qui nous sépare de la résistance irakienne, de son idéologie comme de sa pratique, ne suffit pas à effacer les motivations des occupés contre les occupants et, surtout, le crime que les Etats-Unis sont en train de commettre, encore une fois, contre eux-mêmes.

Marco Bascetta

Traduit et adapté par Fabio Lo Verso

Source : http://lecourrier.programmers.ch

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