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L’Eglise a tissé des liens politiques et économiques avec la grande bourgeoisie, les banques, et les monarchies

Quand un pape prend sa retraite anticipée…

Le pape Joseph Ratzinger (Benoît XVI), a décidé de renoncer à sa fonction à compter du 28 février sous prétexte d’un affaiblissement physique qui ne lui permettrait plus d’assumer ses responsabilités. Mais au lendemain de l’annonce de sa démission, aucun journaliste ni spécialiste un tant soit peu sérieux ne reprenait cette histoire d’état de santé.

Et pour cause : les raisons de la renonciation sont éminemment politiques. Ce sont les innombrables affaires de pédophilie et les scandales financiers, qui s’ajoutent à des rivalités pour le pouvoir au sein même de l’institution et de la Curie (sorte de gouvernement du Vatican), qui ont renforcé ces dernières années la crise déjà bien entamée de l’Église catholique, conduisant à la renonciation retentissante de Ratzinger.

Des scandales qui font tâche d’huile

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Cette démission, loin de représenter un acte de « grandeur, d’humilité et de modernité », comme on pouvait le lire dans l’éditorial du Monde du 12 février, traduit plutôt l’impuissance de Ratzinger face aux scandales de corruption et de pédophilie qui ont entaché son pontificat. Le plus marquant de ces dernières années est sans nul doute celui qui a secoué l’Église catholique américaine, après qu’il a éclaté au grand jour en 2010, révélant que des centaines d’enfants avaient été abusés sexuellement par des prêtres du diocèse de Los Angeles, couverts par le cardinal Roger Mahony. Mahony a présenté publiquement ses excuses mais n’a nullement été inquiété par la justice et s’apprête même à rejoindre le Conclave qui élira le futur pape. Alors que le Vatican a reconnu récemment qu’il recevait aux alentours de 600 plaintes annuelles pour pédophilie, émanant des quatre coins du monde, Ratzinger s’est vu contraint de sanctionner plusieurs prêtres haut placés pour tenter de limiter le scandale. Pour autant, cette décision n’a pas fait consensus au sein du Vatican, s’ajoutant à la liste des désaccords internes. En 2012, ceux-ci avaient également éclaté sur la place publique avec la fuite de documents d’État confidentiels par le biais du majordome du pape, Paolo Gabriele. Alors que Ratzinger avait donné l’ordre de détruire ces documents, leur divulgation par celui qui accompagnait le pape au quotidien a porté un coup supplémentaire à l’autorité du pontife. Face à ces déchirements internes, la démission du pape apparaît aujourd’hui comme une sortie de crise à court terme qui ne résout en rien cependant les énormes problèmes auxquels doit faire face le Vatican, une institution réactionnaire, d’un autre âge, certes, mais qui continue à avoir un poids extrêmement important.

Une crise de fond

Les racines de la crise actuelle sont en effet bien plus profondes. Les positions obscurantistes et rétrogrades qui caractérisent l’Église catholique - tant par rapport à sa conception de la famille que par rapport à d’autres sujets, comme « le droit à la vie », en l’occurrence le droit à l’IVG, ses positions par rapport à l’euthanasie ou encore les droits pour les couples de même sexe - sont en parfaite contradiction avec le développement de la société et l’effritement de la famille traditionnelle.

En France, l’Église catholique s’est battue bec et ongles pour imposer sa conception de la famille, avec sa lutte acharnée contre le projet de loi du mariage pour tou-te-s, investissant des centaines de milliers d’euros pour la manifestation du 13 janvier, mobilisant ses « fidèles » aux quatre coins de la France et occupant un terrain médiatique conséquent. Son influence sur l’opinion publique passe également par l’enseignement qu’elle dispense à plus de 2 millions d’élèves, dans les 9200 établissements d’enseignement catholique sous contrat que compte le territoire hexagonal, qui reçoivent chaque année 1,7 milliards d’euros de la « République laïque » et des collectivités territoriales (soit près de 50% de son financement). Dans une lettre adressée en décembre dernier aux chefs d’établissements concernant le projet de loi du mariage pour tous, le secrétaire général de l’enseignement catholique Éric de Labarre appelait « chaque école, collège ou lycée à prendre les initiatives qui lui paraissent localement les plus adaptées pour permettre à chacun l’exercice d’une liberté éclairée à l’égard des choix aujourd’hui envisagés par les pouvoirs publics ». Soit dit en passant, en s’opposant clairement au mariage pour tous jusque dans ses écoles, l’Église rompt avec la liberté de conscience pourtant inscrite dans la loi Debré de 1959 sur les rapports entre l’État et les établissements de l’enseignement privé. Cela démontre l’hypocrisie d’une telle loi, qui voudrait faire croire que l’Église peut s’immiscer dans l’éducation de millions d’élèves sans leur inculquer son idéologie homophobe et réactionnaire.

Dans un contexte où, de par le monde, nombre de gouvernements ont dû engager des réformes par rapport à la question de l’égalité des droits ou l’IVG, l’Église apparaît de plus en plus comme une institution à des années lumières de ce que vivent les populations au quotidien et de leurs préoccupations [1]. Son influence recule, même là où le catholicisme romain était jusqu’à présent le plus fort. Au Mexique par exemple, le nombre d’habitants se disant catholiques est passé de 96% en 1970 à 83% en 2010. Face à cela, d’autres religions tout aussi réactionnaires mais plus flexibles sur la forme et les méthodes se développent sur le terreau de l’accroissement de la pauvreté et de la marginalisation, que ce soit en Amérique latine ou en Afrique, où les évangélistes pénètrent de plus en plus dans les milieux populaires.

Conscients de cette crise de l’Église catholique, nombreux sont ceux qui commencent à avancer l’idée d’une modernisation de l’institution par le biais de réformes (dont personne n’évoque le contenu), qui lui permettraient, si ce n’est de rebondir, au moins de ne pas continuer à perdre du terrain. C’est tout l’enjeu, notamment, du prochain conclave qui devrait s’ouvrir au Vatican dans les prochains jours.

L’Eglise n’est pas réformable

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Mais aucune réforme de l’Église n’est possible. Toute modification sur la forme n’aura d’autre objectif que de tout changer pour que rien ne change. Car l’Eglise Catholique est l’un des bastions historiques de la réaction et des classes exploiteuses contre les exploités. Pendant des siècles, elle a fait partie de la « Sainte-alliance » du sabre et du goupillon, en Europe mais aussi outre-Atlantique, en accompagnant le génocide amérindien au début du XVI siècle. Elle a couvert par la suite la traite négrière, puis la colonisation.

Avec l’avènement du capitalisme, l’Eglise a tissé des liens politiques et économiques avec la grande bourgeoisie, les banques, et ce qu’il restait des monarchies. Ainsi, elle est parvenue à conserver un grand pouvoir et une influence importante, y compris aujourd’hui, dans les pays dits « avancés ». Intrinsèquement lié aux grands groupes bancaires et aux monopoles impérialistes, il suffit de songer au fait que le Vatican a été un des acteurs de crise économique internationale, notamment à travers sa « banque centrale », la Banque du Vatican, qui, dans les faits, fonctionne comme un paradis fiscal et fait face à des pressions de l’Union Européenne pour se plier à des normes de fonctionnement « plus transparentes » et aux « standards internationaux de lutte contre la fraude et le blanchiment d’argent ». Mais l’Église a surtout fait preuve, au cours du XX siècle, de sa nature contre-révolutionnaire. C’est en ce sens qu’elle a rendu de bons et loyaux services pendant la Seconde Guerre mondiale, tant au nazisme et au fascisme qu’aux alliés quand le vent a commencé à tourner, ce qui n’a pas empêché des pans entiers de l’institution d’être à la pointe des idées les plus négationnistes par rapport à l’Holocauste. En Amérique Latine, l’institution a couvert toutes les dictatures qui ont assassiné une génération entière de militants. En Europe de l’Est, elle a su aussi rendre service, en contribuant, comme en Pologne, à faire dérailler le processus révolutionnaire et faisant le lit du coup d’Etat de Jaruzelski en 1981.

Dans ce cadre, l’idée même de réformer l’Église constitue une politique réactionnaire, qu’elle implique de conserver ou non l’essentiel des structures actuelles de cette institution. Le mouvement ouvrier, à commencer par l’extrême gauche, devrait se placer à la tête du combat systématique contre cette institution rétrograde, en commençant par revendiquer l’abrogation immédiate du régime concordataire Alsace-Moselle, l’expropriation des comptes bancaires et des nombreuses propriétés ecclésiales et la fin du financement par l’État des établissements privés, notamment ceux d’enseignement catholique, qui ne sont qu’un terrain supplémentaire pour la banalisation d’une idéologie rétrograde et réactionnaire, conduisant à la discrimination et à l’exclusion.

Source : http://www.ccr4.org/Quand-un-pape-prend-sa-retraite-anticipee

02/03/2013

[1En 2009, lors du second synode africain, Ratzinger a ainsi réitéré, dans la droite ligne de son prédécesseur, Jean-Paul II, son opposition à l’usage du préservatif, prônant la « fidélité » et l’abstinence comme seuls moyens pour enrayer l’épidémie de SIDA.


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