Personne ne peut nier la volonté et la détermination des commandants et des troupes des Farc-Ep de respecter ce qui a été pacté avec le gouvernement colombien à Cuba, à La Havane, pour livrer les armes, se réintégrer dans la vie civile, s’organiser en parti politique, etc, etc… en assumant tous les risques politiques, sociaux et de sécurité que cela peut impliquer pour cette organisation qui a affronté l’Etat colombien avec courage et a pris les armes pour défendre le peuple depuis plus d’un demi-siècle et qui espère maintenant que cet Etat, voleur, menteur, traitre et corrompu, et le gouvernement colombien en place respecte le pacte.
Les Farc-Ep jouent le tout pour le tout et nous tous, qui croyons dans une Colombie en paix avec justice sociale, nous n’avons aucun doute sur la nécessité de soutenir et de développer le processus qui suivra l’accord. Mais il faut également être conscients du fait que les organisations politiques et sociales démocratiques, de gauche et particulièrement le peuple opprimé, doivent obligatoirement s’unir pour livrer bataille dans cette « démocratie de façade » et qu’il faut continuer la lutte de manière organisée dans les villes, les rues, les campagnes et les villages pour arracher au gouvernement ce qu’il ne donnera jamais volontairement, tout simplement parce que cela n’intéresse pas l’oligarchie colombienne avare et encore moins le gouvernement qui est plus intéressé par les multinationales qui après l’accord, entreront dans le pays comme des vautours pour continuer à piller nos richesses.
Dans de nombreux pays développés, personne n’est tué parce qu’il ou elle pense différemment, est communiste, constitue un syndicat ou descend dans la rue pour protester et porter des revendications politiques ou sociales. Bien que les systèmes de participation de la société civile à travers les mécanismes électoraux ne soient pas une panacée, ils ne sont pas aussi pourris, manipulés et corrompus qu’en Colombie, ils donnent à l’opposition certaines garanties, particulièrement, celle de savoir que bien qu’ils dénoncent ou critiquent les gouvernements en place, et qu’ils participent politiquement avec une idéologie de gauche ou communiste, on ne va pas les tuer, les obliger à déménager, les faire disparaître, les torturer ou les mettre en prison comme il se passe aujourd’hui en Colombie, où malgré la signature des accords de cessez-le-feu entre les insurgés des Farc-Ep et le gouvernement, la théorie de la sécurité nationale ou de l’ennemi interne, au lieu de se désarticuler, est en train de se légitimer en renforçant l’Esmad qui n’est rien d’autre qu’un appareil de robocops entrainés pour tuer dans les manifestations publiques. Pourquoi en est-il ainsi ? Simplement parce que quelqu’un qui se prépare à résoudre par la force ce que le peuple va demander dans la rue n’est pas disposé à négocier. Cela nous montre que la stratégie de la droite et de l’oligarchie colombienne veut s’assurer, bien que les armes des insurgés se soient tues, que pour sa politique étatique d’oppression et de peur contre la population, les Forces militaires et de la police contre la population continueront intactes et disposées à agir contre le peuple. C’est ce que l’on appelle le Terrorisme d’Etat.
Mais il n’y a pas que la politique de la Théorie de sécurité nationale qui se renforce en Colombie, il y a aussi l’atout extérieur de la stratégie impériale nord-américaine qui veut affirmer le territoire colombien comme pointe de lance sud-américaine avec les bases militaires et toute la technologie de pointe pour la lutte contre-insurrectionnelle, contre l’opposition, et contre les gouvernements des pays qui ont des gouvernements démocrates dans la région comme le Venezuela, l’Equateur, la Bolivie, etc… afin d’imposer de nouveaux gouvernements sous le joug de l’aigle impérial comme l’Argentine et le Brésil et chercher à faire tomber le bolivarianisme au Venezuela.
Et comme l’oligarchie colombienne est habituée aux jeux malpropres, elle prépare le terrain. Elle a d’ores et déjà commencé à déployer toute son artillerie médiatique en montrant que le gentil et le bon garçon est le Président Santos, que les méchants se sont toujours et encore les insurgés et qu’ils doivent se repentir, que l’Etat ne s’est jamais trompé, qu’il n’a jamais été de mauvaise foi. Ils n’ont jamais reconnu que toute cette longue guerre a été, est et continuera à être de la faute de cet Etat et de ses gouvernements incapables qui ont poursuivi les paysans et les ouvriers, qui permettent que ses enfants, non seulement ne puissent pas aller à l’école, ni avoir un toit, mais qu’ils continuent à mourir de faim et de maladies, quand les universitaires diplômés après de grands sacrifices n’ont aucune espérance de trouver un travail et vont allonger les files des plus de trois millions de chômeurs et des plus de cinq millions de personnes qui se trouvent dans la débrouille de l’économie informelle, quand les paysans ne peuvent pas sortir le produit de leurs terres parce que les TLC ruinent et appauvrissent les colombiens, comme les petits entrepreneurs. Un pays où la grande industrie minière extractive est capable de dévier et de contaminer les fleuves et leurs affluents, exterminer la faune et la flore afin de s’approprier l’or, l’argent, le charbon et toute la richesse nationale, en ne laissant que misère et désolation, voilà une partie du problème auquel ce gouvernement et ceux qui viendront doivent trouver une solution une fois pour toutes si nous voulons véritablement parler de paix comme une réalité pratique et non de petites colombes blanches qui ne font que faire tomber leur merde sur le peuple comme les pigeons de Santos.
Regardez la Loi de Zidres, ou l’ardeur de l’exploitation pétrolière dans les zones infestées par la violence, avec plus d’impôts et de taxes pour les pauvres et leur exonération pour les riches, le nouveau code militaire, le nouveau code de police, les privatisations, les scandales de la corruption qui est la nouvelle mafia et une arme de destruction plus puissante que la narcotrafic et qui sont incrustés dans toutes les institutions nationales, locales et régionales, la police, l’armée, etc. Regardez l’augmentation démesurée des salaires des pères de la corruption au Congrès colombien, parlementaires et fonctionnaires publics de toutes les catégories qui ne font que voler et placer leurs familles et leurs amis.
Nous disions qu’il n’y a pas que la politique de la théorie de la sécurité nationale que le gouvernement est en train de renforcer mais aussi celle de la pénétration du territoire par les parlementaires dans tout le pays et nous avons insisté sur le fait que les paramilitaires travaillent encore et continueront à travailler avec les Forces militaires colombiennes bien que le gouvernement et sa batterie médiatique se mettent à les appeler « bandes émergentes » et à les baptiser avec toutes sortes de noms en cherchant à distraire et à convaincre le peuple colombien et la communauté internationale que l’Etat et le gouvernement n’ont rien à voir avec cette engeance assassine qui continue à faire le sale boulot du gouvernement et des forces militaires.
Il est évident que dans de nombreuses zones rurales, et aussi urbaines, où les Farc-Ep ont protégé les communautés paysannes et urbaines à feu et à sang contre les attaques paramilitaires et les abus des forces militaires, il y a aujourd’hui la crainte et la peur que les paramilitaires reviennent pour se venger et pour imposer leur loi, mais le gouvernement et ses forces militaires ferment allègrement les yeux et ne se préoccupent pas de les poursuivre et encore moins de les bombarder… On n’attaque pas ses amis et ses alliés !
Nous n’avons aucun doute : Si ces groupes paramilitaires qui suivent les orientations politiques de l’ultra-droite, et agissent en accord avec les Forces militaires comme un atout occulte du gouvernement, ne sont pas combattus ou démantelés par cet Etat-même qui les a engendré, la paix ne sera pas possible car si dans les zones d’influence de ces paramilitaires, ils peuvent perdre leur pouvoir politique, ils n’hésiteront pas à agir contre le peuple, et ce peuple, avec ou sans Farc, avec ou sans Eln, n’hésitera pas à engendrer ses propres formes d’autodéfense populaire. Car le peuple colombien en a l’habitude, a appris et sait se défendre. Et tout ce qui viendra à partir de ce moment-là en matière de violence sera uniquement et de nouveau la faute et la responsabilité du gouvernement, de l’Etat et de l’oligarchie colombienne. J’espère me tromper et que le diable et l’oligarchie colombienne se bonifient !
Alors que les ateliers de pédagogie de paix et la socialisation des accords de La Havane avec les troupes des Farc-Ep et la société civile intéressée à en connaitre les détails, avancent à contretemps et avec les entraves imposées par le gouvernement, le traitement indigne, les provocations, la maltraitance physique et psychologique sur les prisonniers politiques et prisonniers de guerre de la part des gardiens de l’Inpec continuent. Comme par exemple ce qui est arrivé au prisonnier politique de guerre René Nariño à la prison de la Picota de Bogotá, à qui le caporal Reyes de la garde de la Compagnie Caldas a dit : « Ici, vous n’êtes tous que des voyous fils de pute et moi, je suis le gardien »… C’est là le pain quotidien des milliers de prisonniers politiques colombiens de qui on continue à nier les droits, dont l’attention médicale et les médicaments.
Alors que les Farc-Ep démontrent et exposent leur volonté de paix et de réintégration dans la vie civile à travers des flots de paix qui sortent par un tube de 2.5 mètres de diamètre, le gouvernement ne donne et ne montre son désir de paix que par un goutte à goutte d’où ne sort qu’une goutte chaque semaine et qui, en plus, est empoisonnée. Parce qu’une chose est la paix éthérée et bâillonnée des sépulcres, et autre chose la paix avec justice sociale.
Le gouvernement brutal et menaçant dit que les Farc-Ep et l’Eln ont leur quart d’heure pour faire la paix et s’intégrer à ce modèle de soumission et d’exploitation, mais le peuple colombien, dans sa sagesse, répond aussi au gouvernement que le quart d’heure de l’Etat pour accomplir la grande dette historique et sociale envers lui est arrivé et qu’il n’a plus l’excuse du conflit armé… et le temps courre ! Parce que seul le peuple sauve le peuple !
Eliécer Jiménez Julio
Journaliste, éxilé politique