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Réflexion d’un communiste québécois à la veille de la tenue du congrès du PC chinois

« Je ne perds pas confiance dans ce que représente le communisme comme source d’inspiration pour la résolution de conflits qui a amené jusqu’à aujourd’hui des bouleversements dans les structures de pouvoir à l’intérieure même des nations de ce monde. Le Printemps arabe n’en étant que la dernière illustration. »

A la veille de l’ouverture d’un nouveau congrès du Parti communiste chinois, un événement qui ne manquera pas d’être largement commenté dans la presse internationale à cause de l’influence grandissante de la Chine dans le monde, je voudrais soumettre ici une explication qui se veut d’inspiration communiste de ce qui peut se passer en Chine, de même que dans d’autres pays comme à Cuba ou au Venezuela. Tout un chacun a son point de vue sur la Chine ou sur Cuba. Comme on dit à Radio-Canada pour les questions délicates, c’est « un sujet controversé ». De multiples observateurs, peu préoccupés de ce que les Chinois ou de ce que les Cubains disent d’eux-mêmes, soumettent au débat public leur vision particulière de ces deux pays.

Précisons tout de suite qu’il est pratiquement impossible de comprendre la situation de la Chine et de Cuba en les isolant de celle du monde moderne et de leur évolution au cours du XXe et du XXIe siècle.

Pour avoir moi-même été inspiré par la Chine de Mao dans ma jeunesse, comme bien d’autres, il peut paraître incongru que Fidel Castro ait finalement décoré le dernier leader chinois à se rendre à Cuba d’une médaille honorifique de l’État cubain. C’est pourtant bien arrivé il y a quelques années. Et cela est passé complètement inaperçu dans l’actualité et parmi les milieux de gauche. Déjà , on s’attardait à autre chose que l’instable conjoncture mondiale. A une certaine époque, cela aurait pourtant suscité pas mal plus de discussions.

J’ignore si nous serons plusieurs à voir dans cette anecdote apparente un drôle de paradoxe : un pays socialiste, jadis qualifié d’« agent du social-impérialisme soviétique », Cuba reconnaît de la valeur au représentant des communistes chinois alors que ceux-ci étaient pourtant traités, à cette même époque, de « petits bourgeois gauchistes ». Il s’agit, à n’en pas douter, d’une réconciliation plutôt surprenante.

Pour moi, cela annonce surtout du nouveau dans la manière socialiste d’exercer son influence dans le monde. Si ce n’est pas tout au moins dans la manière d’exercer le pouvoir dans ces pays.

Bien des gens ont tendance à esquiver ce genre de questionnement et préfèrent se cantonner, en lieu et place, dans leurs vieux préjugés concernant les régimes socialistes, lesquels sont vus le plus souvent comme étant des sociétés complètement sclérosées. Du même coup, on monte en épingle les vertus des démocraties libérales et on se plaît en même temps à croire que celles-ci sont toujours la meilleure solution à tous nos problèmes. Dans la tête de ces gens, il suffirait juste d’un « dégel » ou d’un petit peu plus de volonté pour tout régler. Ce n’est pas si simple.

Ceux qui verraient dans le rapprochement de Cuba et de la Chine une forme de solidarité Sud-Sud ne s’y tromperaient guère. Il y a sûrement de cela dans deux pays qui sont en train de triturer toute la conception même de Tiers-Monde.

L’un d’entre eux, la Chine, tente présentement de se développer en jouant la carte du potentiel de sa main-d’oeuvre ouvrière encore bon marché. Elle a procuré à des millions de paysans pauvres le statut d’ouvriers, ces fossoyeurs du capitalisme. Se colle à ce transfert gigantesque d’une classe à une autre un projet de société, qui ne prétend en aucun cas servir de modèle unique, mais qui semble néanmoins avoir gagné l’appui d’une masse critique de Chinois et continuerait encore de le faire.

La modernisation s’y est accélérée sous l’impulsion des sciences de toutes sortes, exactes ou humaines, y compris celles les plus pointues de la planète. Même la répression des révoltes publicisées dans nos pays, ne semblent pas, en même temps, avoir ébranlé la confiance d’une majorité de Chinois dans la forme de gouvernement que le Parti communiste chinois continue toujours d’exercer et que ces Chinois plus jeunes peuvent comparer à d’autres dans le monde tout à leur aise à l’université. Un tout récent reportage de Radio-Canada sur ce que ces jeunes chinois pouvaient justement apprendre du monde, durant la campagne électorale étasunienne en faisait foi.

L’autre, Cuba, tente, de son côté, de s’appuyer sur les ressources internes d’une société qui demeure toujours très attachée, selon des valeurs socialistes, à l’éducation massive de son peuple. Il est maintenant reconnu que la présence, dans les campagnes cubaines, de plusieurs personnes instruites, a largement contribué à ce que ce pays passe à travers la « période spéciale » à la suite de la disparition de l’URSS. C’est un fait maintenant largement reconnu que les Cubains ont traversé cette épreuve avec une ingéniosité assez impressionnante et que cela leur a en plus permis d’entreprendre une révolution écologique dans tous les domaines, de l’agriculture jusqu’à une utilisation plus économique de l’énergie.

Ces deux régimes, issus de révolutions dont le caractère se voulait socialiste à plusieurs égards, ont eu une histoire assez singulière et originale, en même temps qu’assez tourmentée. Qu’ils aient pu se moderniser, sous la direction avouée d’un parti communiste ne sera contredit que par ceux qui ne peuvent concevoir la révolution autrement que comme devant nécessairement finir par un retour inévitable au point de départ de la société capitaliste qu’elle voulait pourtant anéantir. En appelant la population à engager le combat pour une société post-capitaliste, ces observateurs partisans partent du point de vue que l’histoire des communistes se déroule inévitablement en droite ligne vers une faillite annoncée … par Marx lui-même !

Étonnant pour ces révolutions, dont Marx était pourtant l’inspirateur, et l’Octobre 1917 des Bolchéviques, le préalable.

Le XXIe siècle se présente toujours comme celui des défis auxquels l’humanité aura à faire face de façon inédite. C’est un siècle de profonds bouleversements dans les structures de pouvoir de différents pays, dont le Québec. Indépendamment les unes des autres, mais se reconnaissant une parenté de destin commun, les différentes nations du monde, incluant bien sûr un Québec indépendant, seront placées devant une conjoncture qui appelle à mettre en oeuvre tout le potentiel libérateur d’un projet révolutionnaire qui leur soit propre et qui est le plus souvent celui des classes subalternes.

Ces changements urgents s’imposent à nous comme une exigence planétaire pour la survie humaine.

Dans les années 70-80, de vastes mouvements populaires à travers le monde ont revendiqué le désarmement nucléaire. A cette occasion, plusieurs activistes de la communauté militante internationale, dont j’étais, ont été interpellés pour participer, tout en accompagnant d’historiques mobilisations qui peuvent se comparer à celles des étudiants québécois du Printemps érable, à une réflexion sur la résolution de conflits par des moyens pacifiques dont le désarmement devait annoncer l’émergence. Il peut sembler que nous en soyons bien loin à voir la façon dont ont évolué depuis l’humanité et ses institutions politiques. Mais même soumises à la pire oppression militaire, de multiples nations ont riposté aux conditions contraignantes que le néocolonialisme voulait leur imposer.

La guerre continue d’être l’arme des puissants, mais il se pourrait bien qu’elle fasse tellement de dégâts sur la planète que son endiguement devienne à nouveau une priorité pour bien des peuples " comme les Québécois" priorité qui pourrait alors mettre l’impérialisme en péril là où il manifeste en même temps sa plus cruelle perfidie.

Obama a qualifié de « pacifique » la réélection de Chavez, neutralisant par le fait même les appels des plus réactionnaires étasuniens à l’étouffement d’une révolution bolivarienne résolument pacifique et qui inaugure peut-être une suite de ce genre aux transformations dans d’autres pays. Peut-être Allende ne sera-t-il pas mort en vain finalement.

Il faut en même temps noter les liens de plus en plus étroits qui unissent, non seulement Cuba et le Venezuela, mais aussi ce dernier pays avec la Chine. Cela se produit alors même où les approches en matière de développement interne diffèrent aussi, de l’un à l’autre.

Reste encore la durable persistance des problèmes non résolus et demandant à tous ceux se reconnaissant comme communistes, socialistes ou progressistes, une fois de plus, de maintenir une volonté commune d’unir le plus grand nombre avec des objectifs émancipateurs : l’accès aux soins de santé gratuits plutôt que la militarisation, l’opportunité d’être instruits gratuitement au mieux de ses capacités au lieu de subir un endoctrinement religieux, l’indépendance reconnue de chaque nation du monde capable de trouver en elles-mêmes les moyens propres à leur culture et à la liberté conquise pour contribuer au mieux à l’évolution, toujours fébrilement attendue par les peuples, de l’humanité comme la famille commune des habitants de notre petite planète.

Sans nier tous les problèmes que le socialisme ait connus, la proximité d’intérêts entre la Chine, Cuba, et le Venezuela, en ce début de XXIe siècle, me semble être prometteuse de ce qui caractérise ces régimes politiques. Ils me paraissent offrir à la planète des formes de gouvernements inédites que ces nations se sont données pour contribuer, selon leurs principes, à ce qu’une forme nouvelle de solidarité internationale s’affirment davantage devant les périls qui guettent la race commune de l’humanité la moins favorisée.

Je ne perds pas confiance dans ce que représente le communisme comme source d’inspiration pour la résolution de conflits qui a amené jusqu’à aujourd’hui des bouleversements dans les structures de pouvoir à l’intérieure même des nations de ce monde. Le printemps arabe n’en étant que la dernière illustration. Non que les communistes dirigent ces révolutions, mais que les vagues populaires qui sont apparues confirment l’affirmation du début du Manifeste [du Parti communiste] selon lequel l’histoire humaine est bien celle « de la lutte des opprimés contre leurs oppresseurs ».

Pour avoir contribué à l’édification du Parti communiste du Québec (PCQ), je garde confiance que nous pouvons trouver, avec tous nos alliés, des solutions programmatiques aux problèmes du Québec, à son indépendance et à celles qu’annonce le projet socialiste pour notre pays tant souhaité.

En conclusion de cette réflexion, il faut bien admettre que pour comprendre la réalité passée et contemporaine, il faut continuer d’envisager ce monde d’un point de vue révolutionnaire car ce serait une forme d’aveuglement ridicule que de le penser immuable, comme Bush en parlait. Et puis, demandons-nous honnêtement si les communistes cubains ou chinois, ou encore les dirigeants du Venezuela, n’usaient pas de la réforme avec plus de doigté, de résolution et d’audace que nos tièdes sociaux-démocrates ? Il est sans doute controversé de tenir ce genre discours au coeur d’une société elle-même presque acquise à ce courant politique, mais nous ne serions pas communistes si nous nous cantonnions au seul « droit de nous taire » (1).

Guy Roy

Co-porte parole du Parti Communiste Québecois

(1) « Le Droit de se taire. Histoire des communistes au Québec, de la Première Guerre mondiale à la Révolution tranquille ». Robert Comeau, VLB Éditeur, Collection Études québécoises. 1989, 545 pp.

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