RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
22 
antisionisme / antisémitisme

Réponse à Mme Bleitrach.

On a porté à mon attention un article de Mme Bleitrach (*) dans lequel on peut lire :« Regardez, les chrétiens d’occident se taisent devant le martyre palestinien mais comme ils se sont tus toujours et partout devant les génocides de la colonisation, devant le nazisme, il y a eu les communistes pour sauver l’honneur comme le dit la prière d’Abraham devant Sodom, dix justes… Mais déjà certains cherchent les coupables de ce silence : Est-ce parce qu’ils seraient bloqués seulement par le souvenir de la Shoah ? C’est la thèse que soutient quelqu’un comme Bricmont, alors il faut les débloquer en insuflant [sic] la haine du juif…. »

Insuffler la haine du juif est, pour autant que je sache, un délit (je suis opposé à ces lois « antiracistes » en ce qui concerne la liberté d’expression, mais ces lois existent). Accuser quelqu’un d’un délit qu’il n’a pas commis est de la diffamation.

Je n’appelle évidemment pas à « insuffler la haine du juif » ; je voudrais bien voir ce qui, dans ce que j’ai réellement écrit, permet une telle affirmation. Je ne pense pas non plus que le silence relatif des non-juifs sur la Palestine soit dû au seul souvenir de la shoah (dont, après tout, les non-juifs actifs politiquement aujourd’hui, c’est-à -dire nés après la guerre ou enfants durant celle-ci, ne sont nullement responsables), mais bien à son instrumentalisation et, surtout, à la menace permanente d’accusation d’antisémitisme qui pèse sur tous les non-juifs qui osent s’exprimer sur ce sujet.

Pour ce qui est du fond de l’article, Mme Bleitrach s’en prend à un texte (disponible sur http://petras.lahaine.org/articulo.php?p=1768&more=1&c=1) de James Petras, sociologue américain très engagé à gauche et très critique de l’action du lobby sioniste aux Etats-Unis. Mme Bleitrach accuse James Petras de parler du « juif Obama » ; cette expression ridicule ne vient pas de Petras, mais d’un certain Abner Mikva, ancien conseiller de Bill Clinton, qui a dit que « Barack Obama est le premier président juif » . L’article de Petras est consacré à l’idée, mise en avant par certains milieux sionistes américains et illustrée par cette phrase, que ce sont eux qui ont « créé » Obama. L’idée vient de ces milieux (dont on appréciera au passage l’arrogance, non dénuée de racisme envers un Noir incapable de se « créer » lui-même) et non de Petras. Il me semble que les non-juifs ont encore le droit de citer des juifs, même lorsque ceux-ci disent des absurdités.

Quant au silence « toujours et partout » des « chrétiens d’Occident » (je suppose que cette expression désigne la majorité de la population de nos pays, même si celle-ci est loin de se définir avant tout comme chrétienne) devant les génocides et autres atrocités, l’insulte frôle le racisme (Las Casas était chrétien). Mais, laissant de côté le passé, on ne peut que constater aujourd’hui que le discours en Occident est rempli de dénonciations de génocides et d’atrocités « toujours et partout ». Les médias et les personalités politiques accablent de leurs critiques le Venezuela, Cuba, le Soudan, l’Iran, le Hesbollah, le Hamas, la Syrie, l’Islam, la Serbie, la Russie ou la Chine. On n’hésite pas même devant les plus grossières exagérations. Sauf sur Israël. Sur ce sujet, les médias, les hommes et les femmes politiques, les journalistes et les rédactions savent qu’il faut faire preuve de la plus extrême prudence, et surtout éviter toute critique trop « radicale » d’Israël.

Pourquoi ? Pour le savoir, prenons un journaliste, un homme politique ou un éditeur, enfermons-nous avec lui dans une pièce où il peut vérifier qu’il n’y a ni caméra cachée ni micro, et demandons-lui s’il dit publiquement tout ce qu’il pense vraiment d’Israël et, s’il ne le dit pas (à mon avis, la réponse la plus probable), pourquoi se tait-il ?
A-t-il peur de nuire aux intérêts des capitalistes en Cisjordanie ? D’affaiblir l’impérialisme américain ? Ou encore, de risquer d’affecter les cours ou les flux du pétrole ? Ou a-t-il au contraire peur des organisations sionistes, de leurs poursuites et de leurs calomnies ?

Ma conviction, après des dizaines de discussions avec des personnes d’origine non-juive, est que la bonne réponse (la dernière) est évidente. On tait ce qu’on pense de l’Etat qui se dit "Etat juif" de peur d’ëtre traité d’anti-juif et d’être assimilé aux antisémites du passé. Et cette crainte est renforçée lorsqu’un certain nombre de personnes de gauche anti-sionistes d’origine juive, comme Mme Bleitrach, poussent la "vigilance" jusqu’à la calomnie et participent ainsi au mécanisme d’intimidation. Les non-juifs critiques d’Israël ne savent plus alors à quel saint se vouer (cette expression étant utilisée dans un sens métaphorique et non comme signe d’attachement au christianisme occidental).

Il me semble évident que la libération de la Palestine (quelle que soit la forme qu’elle prenne) dépend de la libération de la parole non-juive sur Israël et sur son traitement du peuple palestinien. Les antisionistes juifs à eux seuls, même les plus dévoués, n’arrivent pas à contrebalancer le poids des organisations sionistes qui exercent une influence considérable dans les pays occidentaux, en brandissant constamment l’accusation d’antisémitisme.

Il est certain qu’aucune personne d’origine juive ne doit être victime de l’antisémitisme. Mais il est tout aussi vrai que les personnes qui ne sont pas d’origine juive ne doivent pas se sentir sans cesse menacées par cette épée de Damoclès qu’est l’accusation d’antisémitisme. Les accusations sans fondement, comme celles lancées ici, surtout quand elles proviennent de juifs antisionistes, renforcent la menace et, par conséquent, le "silence" que prétend déplorer Mme Bleitrach. Au moment où le peuple martyr de Palestine souffre d’agressions sionistes redoublées, il me semble qu’il y a plus urgent à faire que de traquer "l’antisémitisme", surtout là où il n’y en a pas.

Jean Bricmont

(*) voir http://www.toutsaufsarkozy.com/cc/article04/EkFpkEAFZVRNjiEzYJ.shtml


référence rajoutée par le Grand Soir le 2 janv.

Blog de Mme Bleitrach "Changement de Société"
http://socio13.wordpress.com

URL de cet article 7699
  

Même Auteur
Impérialisme humanitaire. Droits de l’homme, droit d’ingérence, droit du plus fort ?
Jean BRICMONT
Jean Bricmont est professeur de physique théorique à l’Université de Louvain (Belgique). Il a notamment publié « Impostures intellectuelles », avec Alan Sokal, (Odile Jacob, 1997 / LGF, 1999) et « A l’ombre des Lumières », avec Régis Debray, (Odile Jacob, 2003). Présentation de l’ouvrage Une des caractéristiques du discours politique, de la droite à la gauche, est qu’il est aujourd’hui entièrement dominé par ce qu’on pourrait appeler l’impératif d’ingérence. Nous sommes constamment appelés à défendre les (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

« Citoyens,

Ne perdez pas de vue que les hommes qui vous serviront le mieux sont ceux que vous choisirez parmi vous, vivant votre vie, souffrant des mêmes maux. Défiez-vous autant des ambitieux que des parvenus ; les uns comme les autres ne consultent que leur propre intérêt et finissent toujours par se considérer comme indispensables. Défiez-vous également des parleurs, incapables de passer à l’action ; ils sacrifieront tout à un beau discours, à un effet oratoire ou à mot spirituel. Evitez également ceux que la fortune a trop favorisés, car trop rarement celui qui possède la fortune est disposé à regarder le travailleur comme un frère. Enfin, cherchez des hommes aux convictions sincères, des hommes du peuple, résolus, actifs, ayant un sens droit et une honnêteté reconnue. Portez vos préférences sur ceux qui ne brigueront pas vos suffrages ; le véritable mérite est modeste, et c’est aux électeurs à choisir leurs hommes, et non à ceux-ci de se présenter. Citoyens, Nous sommes convaincus que si vous tenez compte de ces observations, vous aurez enfin inauguré la véritable représentation populaire, vous aurez trouvé des mandataires qui ne se considèrent jamais comme vos maîtres.

Le Comité Central de la Garde Nationale »

Texte de l’affiche apposée avant l’élection de la Commune de Paris, 25 mars 1871.

Ces villes gérées par l’extrême-droite.
(L’article est suivi d’un « Complément » : « Le FN et les droits des travailleurs » avec une belle photo du beau château des Le Pen). LGS Des électeurs : « On va voter Front National. Ce sont les seuls qu’on n’a jamais essayés ». Faux ! Sans aller chercher dans un passé lointain, voyons comment le FN a géré les villes que les électeurs français lui ont confiées ces dernières années pour en faire ce qu’il appelait fièrement « des laboratoires du FN ». Arrêtons-nous à ce qu’il advint à Vitrolles, (...)
40 
La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.