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10 commentaires

Réflexions sur l’importance de la liberté d’expression pour ceux qui ne la comprennent pas.

D’abord en partant de mon cas personnel puis en généralisant.

Depuis que j’ai écrit La République des censeurs (bientôt rééditée en version complétée), et même avant, j’ai été régulièrement censuré ou boycotté, par exemple pour parler de physique (à Nice en mai dernier) ou de philo des sciences (dans un département de physique il y a quelques années) ou à la fête de l’Huma en 2012, sur l’impérialisme humanitaire, sous pression de menaces physiques. Récemment un débat sur les médias en Belgique a été annulé faute de contradicteurs et un autre « débat » sur ce sujet aura lieu en février avec moi seul parce qu’il est impossible de me trouver un contradicteur.

Concernant mon séminaire de Physique annulé à Nice, une lettre de protestation a été rédigée par mon ami Alan Sokal et signée par diverses personnalités prestigieuses dont Noam Chomsky, Richard Dawkins, Steven Pinker, Steven Weinberg et, en France, par Gerald Bronner et Peggy Sastre. Sa publication a été refusée par Le Monde, Le Figaro, Le Point, Marianne et Mediapart. Pense-t-on sérieusement que cela se serait passé ainsi pour quelqu’un réprimé pour des opinions, disons, « islamophobes » ?

Si ce que je dis sur les médias (en gros, ce que disent Herman et Chomsky) est si horrible, ou idiot, pourquoi ne pas renforcer la crédibilité de ces médias (qui en ont bien besoin) en réfutant publiquement mes arguments ?

Des gens qui « luttent contre la haine » diffament ma page Facebook en prétendant qu’on y trouvait un lien à un chant antisémite, mis en commentaire (c’est-à-dire pas par moi) et qui ne s’y est même jamais trouvé. Si ma page est si monstrueuse, pourquoi ne pas se limiter à critiquer ce qui s’y trouve réellement ?

Toute cette censure est faite évidemment au nom de la « lutte » contre le fascisme ou le racisme ou l’antisémitisme.

Mes réflexions :

 D’abord je suis heureux d’apprendre (parfois de la bouche même de ceux qui me censurent) que je fais partie du « groupe dominant » dans la société : blanc, européen, mâle, hétéro, d’origine chrétienne. Mais, si nous sommes si dominants, comment se fait-il que nous ne pouvions pas nous exprimer même de façon marginale ? Je dis « nous » parce que je pourrais donner quantité d’autres exemples de gens de mon «  groupe » bien plus censurés que moi.

 Je défie quiconque de trouver dans ce que je dis ou écris une seule remarque sur les groupes humains (ethnie, religion etc.) en tant que tels et, a fortiori, d’incitations à la haine contre un groupe quelconque (or c’est là la justification de la censure). Je me limite à critiquer des idées, des politiques (principalement la propagande de guerre, la censure qui l’accompagne, la construction européenne, l’atlantisme etc.), et parfois des individus. Si certains individus se voient eux-mêmes comme membres d’un « groupe » et se sentent visés parce que je critique d’autres membres de leur groupe, c’est eux qui sont tribalistes, pas moi.

 Fondamentalement cette censure m’indiffère. Et mon but ici n’est pas de verser dans la pleurniche, si courante parmi ceux qui luttent contre le racisme ou l’antisémitisme. Je peux m’exprimer en anglais, par exemple sur RT international, ou en dehors de France et de Belgique, sur divers sujets. En plus, la politique est très marginale dans ma vie.

 Ce qui devient intéressant dans cette censure, c’est qu’elle s’attaque à quelqu’un qui n’est RIEN. Je n’ai aucune ambition politique, aucune organisation, et aucun parti ne voudrait de moi, sauf l’UPR, qui se situe au dessus de ces querelles absurdes.

 Mais supposons qu’au lieu d’être un physicien pensionné je sois un journaliste, un politicien ambitieux (pléonasme !) ou un « chercheur » dans les disciplines idéologiques : philo, histoire, sciences humaines. Pensez-vous que je dirais le tiers du quart de ce que je dis ?

  Et c’est bien ça le rôle et l’importance de la censure à mon égard (et de bien d’autres personnes ayant des opinions hétérodoxes) : si on peut écraser un petit Jean Bricmont qui n’est RIEN, que pensez-vous qui va vous arriver si vous voulez faire carrière dans le journalisme, la politique ou les universités ?

C’est le principe des « fusillés pour l’exemple ».

 Une fois qu’on comprend cela, il n’y a pas besoin d’invoquer les méchants capitalistes pour expliquer nos politiques étrangères absurdes : le flot constant d’argent des EU vers Israël, nos guerres sans fin au Moyen Orient, le fait de soutenir et d’armer les djihadistes qui nous tuent à Paris, Londres ou Bruxelles, le fait de recevoir Guaido qui n’est plus rien même au Venezuela, notre hostilité (carrément raciste en fait) par rapport aux Russes, aux Chinois etc.

 On remarquera que, sur la plupart des sujets que j’aborde et qui mènent à mon « infréquentabilité » , la gauche même radicale se tait ou est super-prudente, dans le meilleur des cas (par exemple en disant : « pas de guerre avec l’Iran » , mais sans jamais discuter du rôle d’Israël dans ce conflit) ou suit le discours dominant (pour les guerres en Libye ou en Syrie) dans le pire. Mais ainsi ils passent dans les médias.

 Ceci dit, je pense qu’en fait pas mal de politiciens ou d’intellectuels ou même de journalistes sont d’accord avec moi, en privé. Mais gare à celui qui osera le dire publiquement.

 Pour moi, c’est là qu’est le vrai déclin de l’Occident : ni les détails genre mariage pour tous comme le pense l’extrême-droite, ni les arnaques diverses de capitalises véreux comme le pense l’extrême-gauche, qui sont intrinsèques au système capitaliste, mais la suppression de l’esprit critique.

 C’est cet esprit qui a fait notre force dans le passé, pour le meilleur et pour le pire, et nous ne sortirons pas de notre déclin si nous ne le ressuscitons pas.

Jean Bricmont

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COMMENTAIRES  

28/01/2020 12:28 par François de Marseille

Débat annulé faute de contradicteur, je ne suis pas étonné.
J’ai vu une fois un débat sur RT entre François Bégaudeau et un contradicteur dont le nom m’échappe.
Plusieurs contradicteurs avaient été sollicité, seul un avait répondu. Il s’est fait roulé (gentiment) dans la farine.
Allez contredire un de ces deux là avec les arguments pipeau classique de maintien de l’ordre des dominant, vous n’allez pas tenir 1 minute. La raison en est simple : les faits sont têtu.

28/01/2020 12:59 par benallal

attention ne pas touché à Israël toutes actions, idées ou approches, qui incriminent israel est une apologie ; qui relie les dispositions de l antisionisme.oh ! pardon l antisémitisme. la merde, qui se fout au moyen orient. c’est bien israel pays colonisateur, que l on n ose pas prononcer, .pour mieux exproprier le patrimoine palestinien. ils utilisent le mensonge, la désinformation l’intoxication,les fakes news....et la sediction ( forme de division) ;pour mieux regner.. a voir les séquences malsaines des gaz chimiques, en syrie prefabriqués par les USA FRANCE ET GRANDE BRETAGNEisrael turquie ,et les arabosionistes pour mieux inculper la syrie ; qui dit vraie c’est a dire du montage honteux.. la verité apparaîtra tot ou tard, par des gens honnetes. Quand à l iran elle s’est constitué une force locale ; qui dit son mot vraie ,et fait peur aux autres.. enfin le monde est en train de changer ; la verité eclatera un jour, et le vrai resiste, et reste le mensonge ne dure jamais..

29/01/2020 00:58 par Renard

Texte remarquable mais Jean Bricmont se trompe sur un point : il n’est pas rien comme il le dit. Aujourd’hui la formation politique passe en premier leu par youtube (bien ou mal en tout cas ça se passe comme ça). Regardez comment Etienne Chouard est devenu le penseur des gilets jaunes grâce aux succès de ses vidéos.

Dans les vidéos où il apparaît, Jean Bricmont - dans la droite ligne de l’anarchisme ouvrier du 19e qu’il aime et explique dans une formidable vidéo - tient très exactement le genre de discours que le pouvoir ne veux pas que le peuple entende. (Et il aime gratter là où ça pique.). Puisque que ça ne se fait plus de briser un opposant dangereux physiquement, il faut le briser moralement, d’où la censure.

Non vous n’êtes pas rien Jean Bricmont, en réalité vous faites parti des quelques uns qui comptent.

29/01/2020 16:17 par Harmonie

Comme d’habitude, à lire ou à entendre, les paroles de Jean Bricmont (comme celle d’E.Chouard, de M. Collon ...), j’y retrouve ma respiration, peut être parce qu’il y entre par là l’air libre de la "vraie" Démocratie, celle où tous les échanges peuvent se tenir, en particulier si l’on n’est pas d’accord. Et là, on y respire vraiment mieux ! Je suis de Nice et par hasard j’ai eu entre les mains le courrier de celui qui, au travers de son association "Tous Citoyens", a fait interdire la conférence de J. Bricmont, l’accusant de "complotiste, nationaliste, ... de soutenir plusieurs négationnistes" et ajoutant "Nous avons joué notre rôle de vigie citoyenne nous pouvons nous en réjouir. Pour autant, il est très inquiétant que l’université ait eu besoin de notre intervention ...". J’aurais aimé joindre copie de ce courrier (ainsi que ma réponse) car il est intéressant par ce qu’il révèle de dissimulation. Cette même personne fait à présent partie de la liste qui se présente à l’élection municipale prochaine sous le nom de "Viva, Démocratie, Ecologie, Solidarité" s’infiltrant dans ce groupe qui réunit PCF, Ensemble, Générations et La F.I.. Tout cela discrètement sous le couvert de la démocratie. Intéressant ... Il vaut mieux le savoir n’est-ce pas ?

01/02/2020 11:35 par alexis

Merci d’avoir publié ça. Il y a pas mal de points sur lesquels on peut critiquer Bricmont (à mon humble avis) mais c’est seulement sur là où il a raison qu il a des problèmes. Ceci est intéressant aussi

https://electronicintifada.net/blogs/asa-winstanley/we-slaughtered-jeremy-corbyn-says-israel-lobbyist

01/02/2020 12:16 par legrandsoir

Repéré. Une traduction serait la bienvenue... (clin d’oeil)

02/02/2020 15:04 par alexis

Merci deepL (je suis repassé sur la traduction pour vérifier et éclaircir)
— 
Nous avons "massacré" Jeremy Corbyn, dit un lobbyiste israélien
Par Asa Winstanley (Electronic Intifada)

Un éminent lobbyiste israélien au Royaume-Uni a revendiqué la défaite électorale du mois dernier du parti travailliste dirigé par Jeremy Corbyn.
"La bête est tuée", s’est réjoui Joe Glasman - Corbyn a été "massacré".
Il s’est réjoui du fait que "nous l’avons battu" lors de l’élection. "Ils ont essayé de nous tuer", a-t-il déclaré, mais "nous avons gagné".
Glasman dirige l’"équipe d’enquêtes politiques" de la Campaign Against Antisemitism, ou CAA – un influent groupe de pression anti-palestinien.
Il a fait ses commentaires dans une étrange diatribe vidéo adressée à son équipe de supporters qu’il a mise en ligne pendant les vacances.
La vidéo a rapidement été mise en mode privé.
Mais des militants de l’aile gauche du Labour ont réussi à en télécharger une copie et l’ont publiée sur la page Facebook du groupe Momentum de Barnet.
Dans la vidéo, Glasman affirme que lui et ses partisans ont battu Corbyn grâce à une campagne coordonnée utilisant des méthodes incluant "nos espions et nos renseignements".
Mais il a dit que son groupe n’était "pas des espions secrets du Mossad, ce sont juste des gens ordinaires".
La vidéo est rapidement devenue une source d’embarras. D’autres copies mises en ligne ont été retirées à la suite de revendications de droits d’auteur par Glasman.
Electronic Intifada a posté l’intégralité de la vidéo sur notre chaîne YouTube à des fins de reportage.

La "charité" partisane

Après avoir fait l’objet d’une chasse aux sorcières de quatre ans visant la gauche et les militants de la solidarité avec la Palestine pour un prétendu "antisémitisme travailliste", Corbyn a perdu les élections générales du mois dernier.
La « Campaign Against Antisemitism » (CAA) a été fondée en 2014 pendant la guerre d’Israël contre les civils palestiniens dans la bande de Gaza, pour contrer les critiques croissantes à l’égard d’Israël. Elle l’a fait principalement en diffamant les critiques comme étant antisémites.
Elle a été l’un des groupes sionistes de droite les plus actifs à promouvoir la fausse idée que le Parti travailliste est devenu un parti antisémite après la victoire de Jeremy Corbyn à la tête du parti en 2015.
Mais comme l’a récemment déclaré Tony Greenstein, le militant antisioniste de la solidarité avec la Palestine : "La seule chose que la CAA ne fait pas, c’est de faire campagne contre l’antisémitisme".

En fait, Greenstein a affirmé sur son blog que "l’antisémitisme traditionnel est pratiquement ignoré, mais le [faux] « antisémitisme » de type antisioniste ou pro-palestinien le préoccupe beaucoup".
Bien qu’elle soit officiellement une organisation caritative enregistrée, et donc en principe non partisane, la CAA a ouvertement fait campagne contre le Labour et contre Corbyn.
Elle a organisé des manifestations contre le Parti travailliste, notamment un jour avant les élections générales du mois dernier. Greenstein s’est plaint à la Charity Commission, demandant à l’autorité de régulation de supprimer le statut d’exonération fiscale du groupe.

Agenda anti-palestinien

La CAA s’en prend habituellement aux Palestiniens et à leurs partisans.
En 2017, elle a attaqué Malaka Shwaikh, une Palestinienne de Gaza qui se présentait alors aux élections étudiantes à Exeter. Ces attaques ont déclenché un tir de barrage, des menaces et du harcèlement à son encontre.
Aujourd’hui professeur à l’université de Leeds, Shwaikh a déclaré à l’époque à Electronic Intifada : "Le droit à la liberté d’expression sur le campus a été menacé".

02/02/2020 16:21 par Autrement

Très intéressant en effet le texte de The electronic Intifada !
Un exemple de plus du rôle d’Israël, puissance colonialiste, raciste jusqu’à l’apartheid, et meurtrière, devenue aussi l’émule et l’alliée de Washington pour l’espionnage, les intrigues et les pressions politiques dans des pays de plus en plus nombreux, et dans des cas de plus en plus variés. L’aspiration à la dictature mondiale, à la suprématie dominatrice et manipulatrice dans toutes les régions de la planète, est désormais la caractéristique principale de l’impérialisme US et Israëlien : pensons aussi à leur collusion anti-Cuba chaque fois qu’il s’agit à l’ONU de voter contre le blocus. Leurs antennes et leurs relais locaux cultivent le mensonge, le déguisement en justes causes, l’étouffoir idéologique et les mauvais coups. Le cas de Jeremy Corbyn et la jubilation des lobbyistes israëliens, qui se montre dans le texte publié par The electronic Intifada, - même si l’échec des Travaillistes a aussi d’autres causes -, révèle le degré d’organisation et d’efficacité de ces officines qui pèsent de tout leur poids sur l’information, et qui font de plus en plus obstacle à la libre expression et à la libre décision des citoyens. Et c’est en fait d’ingérence ce qu’il y a de plus sournois.

02/02/2020 17:58 par Bricmont

Merci à Harmonie pour l’info concernant David Nakache de "Tous Citoyens". Je ne suis pas surpris.

02/02/2020 22:15 par chb

A propos de la CCA et la vidéo de Glasman (toujours visible sur le blog Barnett Momentum) : des travaillistes espèrent faire retirer à la "Campagne Contre l’Antisémitisme" son agrément de "charity" et les subventions liées, puisqu’elle a ostensiblement mené campagne contre J. Corbyn.
Au Canada, la Loi interdit expressément à tout organisme de bienfaisance enregistré de se livrer à une activité politique partisane. En G-B, c’est moins catégorique, puisque des prises de position / critiques politiques, élaborées dans le champ d’intervention de l’association, sont tolérées si elles correspondent à l’intérêt de sa cause. Pour autant, de nombreux organismes de bienfaisance de gauche auraient perdu leur financement, et auraient été rayés de la carte, pour avoir osé s’exprimer en faisant connaître le terrible bilan humain de ce gouvernement conservateur.
Avant même de passer la vidéo en mode privé, le sinistrement jubilant Glasman y précisait (précaution ?) qu’il ne s’exprimait "pas en tant que responsable de la CCA" ! Les milliers de personnes rassemblées contre "l’antisémitisme au Labour" sont pourtant venues à l’appel de la CCA.
On ne peut pas s’empêcher de penser que chez nous, plutôt que les juifs de France, le Crif représente et promeut le sionisme d’apartheid, et agite lui aussi pour cela le chiffon rouge de l’anti-sémitisme dès qu’il décèle une opposition à la politique d’Israël. Malheureusement, il accumule les soutiens au sein du pouvoir et continue à se réserver le statut de victime exclusive du nazisme.

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