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Rétrospective française sur Gaza

« Ne pas importer chez nous le conflit du Proche Orient » est devenu un leitmotiv répété en choeur par les ministres, les hommes politiques différents, les médias des grands journaux télévisés… arguant bien entendu la complexité du problème et la difficulté à être objectif. Pour ne pas importer le conflit, il faudrait être « neutre » afin de ne pas « heurter les sensibilités » de tout bord ; ce qui signifie pour certains médias renvoyer dos à dos l’agresseur et ses victimes ou à la limite ne pas trop s’étaler sur le sujet et évoquer encore moins le drame humanitaire ni le calvaire quotidien de ces malheureux palestiniens.

Le débat organisé à l’Assemblée nationale sur le conflit à Gaza a réuni moins de quarante députés dans l’hémicycle où les leaders sont restés muets et où seuls trois ministres étaient présents. C’est croire que l’actualité est somme toute terne et banale !

Dans ce débat Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, a assuré que « les contours d’un cessez-le-feu commencent à se dessiner » à Gaza. « Une dynamique est lancée, des contacts se poursuivent quotidiennement… J’ai la conviction que nos efforts vont aboutir… » a insisté l’hôte du Quai d’Orsay. Le ministre a distingué « les manifestations légitimes », qui « témoignent d’une vitalité démocratique » tout en réprouvant les propos et les actes « antisémites » ou « racistes ». Pourtant ce promoteur du « droit d’ingérence » s’était engagé à l’appliquer partout. Après la Somalie et le Kosovo, Bernard Kouchner appelle de toutes ses forces à une intervention au Darfour « aux côtés de ceux qui souffrent ». Mais on ne nous dit pas que ce « droit d’ingérence » a un caractère très sélectif, qu’il ne s’applique qu’en fonction d’intérêts et d’objectifs bien précis… « Je veux mettre en garde contre toute importation du conflit en France », a-t-il conclu.

Au nom des députés socialistes, Jean-Christophe Cambadélis (Paris) a rappelé que
« ce n’est pas en proposant au peuple juif le cercueil ou les valises que les Palestiniens obtiendront un État ». Il a toutefois ajouté que le Hamas « croit pouvoir réactiver Septembre noir ».

Martine Billard (Verts, Paris) a eu le courage de qualifier Gaza de « camp d’internement à ciel ouvert » puisque « la population n’a aucune possibilité de fuir l’horreur des bombardements ».

Pour l’orateur du groupe (qualifiée de virulente par Le Figaro ) qui réunit les députés communistes et Verts, Israël veut créer des « bantoustans » pour les Palestiniens. Et ces députés ont ajouté dans un communiqué qu’une action judiciaire était possible en France pour sanctionner « les violations du droit humanitaire perpétrées par l’armée israélienne ». Les députés communistes et Verts ont estimé que « les Palestiniens de Gaza de nationalité française ont le droit de saisir un juge français » à cet effet.

Le président de la commission des Affaires étrangères, Axel Poniatowski (UMP, Val d’Oise), a affirmé que « les torts sont incontestablement partagés » entre le Hamas et Israël dans cette crise. Et il a appelé de ses voeux « l’envoi d’une force internationale » à Gaza, comparable à la Finul au Liban. Puis le débat fut clos, et aucune suite ne sera envisagée.

Quant aux journaux, on qualifie souvent de « conflit du Proche Orient », de « crise du Proche Orient » ou pire d’ « opérations israéliennes » pour décrire la situation à Gaza (le nombre de morts et de blessés est rapidement évoqué). Les massacres sont communément étiquetés « dommages collatéraux ». L’information est donnée de manière furtive et bien sûr laconique, afin bien entendu de… « Ne pas importer chez nous le conflit du Proche Orient » !

Mais le plus inquiétant, sont les éditoriaux des grands hebdomadaires de cette semaine qui interprètent de manière bien singulière ce leitmotiv en couvrant les exactions et les atrocités commises à Gaza. Ils utilisent pour justifier l’agression, des arguments racistes puisés dans leur fond de commerce : l’islamophobie.

A vous de juger…

Claude Imbert, dans Le Point du 16/01, avec le titre choquant : « L’horreur et après ? » parle d’un « escadron des sorcières (qui) attise contre Israël un autre peuple errant… Souvenez-vous que l’Autorité palestinienne - celle jadis d’Arafat et qui donna l’espérance fallacieuse d’un pouvoir apte à négocier- s’est trouvée débordée, dévaluée, puis combattue par la dissidence de ses jusqu’au-boutistes. Contre elle, le Hamas … veut la mort d’Israël, … le Hezbollah se rengorge (de lui) avoir résisté en 2006 … Enfin le président iranien Ahmadinejad jette de l’huile sur le feu en appelant, lui aussi, à la fin de l’Etat juif », poursuit l’éditorialiste. « En France, les quartiers sensibles bougent. Des juifs cachent leur kippa et certains, déjà , déménagent. Une foule de plus de cent mille personnes s’exaltait, à Paris, l’autre jour, contre Israël… l’antisionisme se mue en antisémitisme déclaré. Une très sale pente ! »

Jusqu’à quand tous ces mensonges ?

Christophe Barbier, dans l’Express du 16/01, défend Israël qui « a raison de mener cette guerre et (qui) le fait aussi pour notre tranquillité ». « Le Hamas est un mouvement terroriste », explique-t-il. « … le nimber de nationalisme et l’oindre de démocratie, c’est ruser avec le vrai : il n’y a pas de terrorisme légitime … Affirmer que la chute du Hamas laisserait la place à des mouvements plus intégristes encore, et qu’il vaut mieux traiter avec celui-ci qu’affronter ceux-là , c’est raisonner comme un poltron. Au grand jeu de la reculade et du marchandage, l’Occident a perdu trop gros. En matière d’islamisme, si elles acceptent le choléra pour éviter la peste, les démocraties mourront du choléra, tout simplement », prévient-il enfin.

Jean Daniel dans le Nouvel Observateur titre pour sa part son éditorial : « La contagion de la haine ». Il dit « L’idée que (la France), pays d’Europe où communautés juives et musulmanes sont les plus importantes, pût rester à l’abri des retombées du conflit au Proche-Orient était tout simplement absurde. Et le fait de n’avoir pas pensé à cette éventualité est simplement irresponsable….. Les représentants des grandes religions, de leur côté, viennent de prendre enfin l’initiative d’inciter ensemble leurs fidèles à renoncer à toute violence. Les intellectuels ont un rôle considérable à jouer dans cette épreuve. Ce rôle est clair : il s’agit de montrer à l’opinion arabe qu’il y a de très nombreux Français juifs hostiles à l’intervention israélienne à Gaza et de montrer à ces derniers qu’il y a de nombreux Français musulmans qui exècrent le Hamas. »

Quant à l’inamovible B.H. Levy, il veut simplement « Libérer les Palestiniens du Hamas » dans le même Le Point. Il dit « Aucun gouvernement au monde, aucun autre pays que cet Israël vilipendé, traîné dans la boue, diabolisé, ne tolérerait de voir des milliers d’obus tomber, pendant des années, sur ses villes : le plus remarquable dans l’affaire, le vrai sujet d’étonnement, ce n’est pas la "brutalité" d’Israël " c’est, à la lettre, sa longue retenue. » Si la longue retenue se limite par un massacre de 1300 gazaouis et de 5500 bléssés. Faudrait-t il en plus remercier Israël que le massacre soit si insignifiant et que le drame humanitaire soit si anodin ? Il poursuit « N’étant pas un expert militaire, je m’abstiendrai de juger si les bombardements israéliens sur Gaza auraient pu être mieux ciblés, moins intenses. » Faut il vraiment être expert pour constater l’ampleur des dégâts, de dénombrer les morts et blessés et, de voir que les cibles sont essentiellement des civils (habitations, écoles, hôpital, sièges de l’URNWA,…). Quel cynisme de la part de ce grand penseur !

Maintenant le sujet tendrait-il à devenir tabou au point que celui qui ose exprimer une opinion différente, dénoncer les crimes atroces commis à Gaza, et au minimum oser s’apitoyer sur le sort des malheureux serait vite accusé d’anathème : « vouloir importer le conflit chez nous » !

En agissant de cette sorte, les valeurs de droits et de justice s’en trouvent aujourd’hui fort altérées.

On est en droit de s’inquiéter : ou est passée la conscience de la patrie des droits de l’homme ? Emile Zola, René Cassin et tous les autres : au secours !

Abd Raouf Chouikha
Maitre de conferences
Université Paris 13

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