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Sarkozy s’affaiblit : Gautier-Sauvagnac - MEDEF, EADS, L’Arche de Zoé, cheminots, RATP, Air France, Smart, 140%, ...








[Sarkozy, voulant montrer qu’il peut aller au front et au peuple, a rencontré des cheminots lors d’une "descente" annoncée peu à l’avance et bien encadrée à l’atelier de réparation de Saint-Denis, le vendredi 26 octobre. Il en est, d’après le Canard Enchaîné du 31 octobre, sorti "aussi sonné qu’à la descente d’un manège à sensations fortes de la Foire du Trône". Une partie des images et des enregistrements de cette "rencontre" sont d’ailleurs introuvables.]






La Lettre de Liaisons, Militant, 1er novembre 2007.


Sarkozy s’affaiblit.

Attention, bien entendu, il n’est nullement à terre, et il bénéficie encore du rapport de force résultant de son élection, et de la prolongation de ce rapport de force par l’auto-censure et l’auto-décomposition de l’opposition politique, concentrée dans la décomposition des sommets du Parti socialiste. Aujourd’hui, ceux-ci par la bouche de François Hollande viennent explicitement de faire savoir qu’ils laisseraient passer le "nouveau traité européen" dont Sarkozy revendique la paternité, et qui n’est qu’une version abrégée de ce qui a été repoussé par le peuple lors du référendum du 29 mai 2005. La source de la décomposition du PS est la pratique politique de la coalition avec Sarkozy, contenu réel, au fond, de la politique de ses dirigeants : Valls le dit, mais Hollande finit par le faire. Et la source de cette pratique politique, c’est l’orientation de la campagne Royal aux présidentielles, construite et conçue pour interdire que se reproduise jamais la rupture interne au PS qui avait permis au peuple de dire majoritairement Non en 2005, en brisant avec les racines sociales de ce parti, malgré et contre son propre électorat.

Le second tour des législatives a pourtant montré que la base électorale et sociale de ce parti et plus généralement de "la gauche" est toujours là , invaincue. C’est elle qui a fait le 18 octobre, transformant ce qui devait être une journée d’action sectorielle en un premier mouvement d’ensemble ayant valeur d’avertissement.

Voila donc pourquoi Sarkozy s’affaiblit. Comme si, avant les batailles décisives, un vent de peur, frôlant parfois la panique, parcourait les cercles du pouvoir et du capital, susceptibles de passer en quelques jours, quelques heures, quelques minutes, tels des indices boursiers, de la joie insolente des parvenus triomphant au Fouquet’s, à la tremblante de ceux qui se demandent si, finalement, ils vont y arriver, à imposer "la réforme" ... Et se rappelant la bonne vieille formule des Césars, que le fou du régime De Villepin leur sussure d’ailleurs avec insistance : "Il n’y a pas loin du Capitole à la Roche Tarpéïenne" !

Les militants ouvriers, eux, ne sont pas de cette veine là . Ils sont d’une autre trempe, de la classe exploitée qui compte les coups qu’elle prend, qui mesure les rapports de force, qui pleure et qui rit, mais qui toujours veut comprendre. Pour nous, ni panique, ni triomphalisme ne sont de mise.

Méditons d’ailleurs ces propos tenus, en première page, sur le site de l’Union des Industries et Métiers de la Métallurgie, l’UIMM, la première fédération du MEDEF dont le président est le célèbre Gautier-Sauvagnac. Pas un mot, ici, sur les "révélations" judiciaires le concernant. Il y a là , certes, une part de camouflage, de fraude sur la marchandise, de méthode Coué et de politique de l’autruche, mais ces lignes témoignent tout de même d’un refus froid du triomphalisme dans la tête du camp de nos ennemis, critique implicite des débordements de la camarilla hyper-présidentielle, qui ne manque pas d’intérêt pour nous :«  Si le match France-Angleterre était d’emblée qualifié de difficile, le match perdu contre l’Argentine nous démontre une fois de plus qu’il faut se méfier des certitudes. Or, nous pensions bien l’emporter. C’était oublier l’adresse et la volonté de l’équipe adverse. Nous avons d’assez belles certitudes aussi en matière économique et sociale, emportés que nous sommes par la pugnacité de notre « capitaine » : un Président nouvellement élu, et porteur d’un projet aussi novateur que mobilisateur. Malheureusement, un homme ne peut, à lui seul, venir à bout d’un mal qui revêt un caractère plus structurel que conjoncturel. C’est dire que le match qui vient de débuter après l’élection présidentielle est loin d’être terminé, et qu’il nous faudra, dans les mêlées et les touches, faire preuve de courage et de lucidité, si nous voulons que nos espoirs ne s’abîment pas sur le mur de nos erreurs passées.  »



Les "affaires".

L’affaiblissement de Sarkozy s’exprime dans la forme typique de la V° République : des scandales qui frôlent le président, dont chacun sait qu’en réalité il est directement concerné, sans oser encore le dire.

Gautier-Sauvagnac : de jour en jour le montant avoué de la caisse noire augmente, il en est à 600 millions d’euros. Elle avait, nous dit-on, deux fonctions : "fluidifier les relations sociales" (sic !) et aider des patrons confrontés à des grèves.

Ainsi donc, on nous raconte d’un côté que les grèves ne sont plus qu’un archaïsme de fonctionnaires et de cheminots privilégiés, mais on apprend de l’autre côté qu’il y a des caisses pour aider des patrons en difficulté à cause d’elles, parce que finalement c’est bien en interrompant la production qu’on frappe le capital, puisque sans production, pas de capital ....

Quand à la "fluidification" des relations sociales, c’est la corruption de négociateurs syndicaux. Soyons clairs : s’il est légitime de s’indigner de voir le patronat et les média tenter de convertir sa propre turpitude en attaques contre les organisations syndicales de salariés, le culot n’ayant évidemment aucune limite, il ne faut pas se raconter des histoires, toutes les centrales sont concernées par ces pratiques, car en laissant tomber la recherche de combats d’ensemble, non pas branches par branches, non pas entreprises par entreprises, parmi les salariés du privé et notamment dans les boîtes de la Métallurgie, on ouvre forcément la voie à ce genre de chose.

Ceci dit, le fait principal, c’est bien l’éclatement d’une formidable affaire de corruption active et passive ayant pour épicentre le lieu du pouvoir réel au sein du MEDEF, car Gautier-Sauvagnac et l’UIMM, c’est cela. Le fait que cela sorte maintenant pose des questions : conflit entre patronat financier, médiatique, représenté par Mme Parisot, et "vieux" patronat, ou plutôt lutte politique et personnelle dans les hautes sphères patronales ? Cela reste à éclaircir. Mme Parisot, qui a déclaré que "inconsciemment, nous savions"(!!!) aurait voulu, semble-t-il, que les chefs de l’UIMM fassent le ménage en vitesse et veut modifier les statuts du MEDEF et de chacune de ses fédérations pour que la "certification des comptes" y figure en toutes lettres (ah bon ! elle n’y figurait donc pas !!! .). Il faut remplacer les dessous de table et les caisses noires par des pratiques équivalentes mais légalisées, au besoin avec l’aide d’un droit des affaires réformé et allégé, en accord avec Sarkozy, un peu d’ailleurs comme lui quand il s’octroie une hausse de salaire présidentiel de 140%, ce qui peut à juste titre scandaliser mais qui doit avant tout être compris comme la volonté de légaliser et de banaliser des pratiques existantes.

Mais à l’UIMM, ce sont des coriaces, et question cordons de la Bourse, ils sont des experts. Dans n’importe quelle association ou syndicat, Gautier-Sauvagnac serait pour le moins en disgrâce et sans responsabilités, sans parler de la prison ... mais que fait la justice ? Justement, rien ! Et ceci aussi pourrait bien devenir une "affaire" ...

"DGS" reste en place et des bruits courent sur une éventuelle scission du MEDEF. Laurence Parisot explique par le canal des Echos qu’elle cherche à conjurer les risques de scission. C’est donc qu’il en est question. Le spectre de la scission dans le "syndicat" des patrons, cinq mois après l’élection de Sarkozy, ce n’est pas là un petit indice de crise au sommet !

EADS : il était sans doute impossible de cacher ad vitam aeternam les gros profits effectués par le clan Lagardère, très proche du président, et la mafia des cadres supérieurs du groupe construit à coup de privatisations et de fusions à l’échelle européenne à la fin des années 1990 dans le secteur de ventes d’armes et de l’aéronautique. Ces messieurs ont donc vendu leurs titres juste avant qu’ils ne baissent suite à l’annonce des retards de l’Airbus A 380 et du plan "Power 8" de suppressions massives d’emplois dans le groupe ; ils sont, de plus, soupçonnés d’avoir pour leurs petites opérations de l’aide de la Caisse des Dépôts et Consignation, donc du ministère des Finances et du gouvernement dont étaient membre, à cette date comme ministère de l’Intérieur, N. Sarkozy [1].

L’Arche de Zoé : un nom pareil, ça ne s’invente pas. Cette sympathique ONG fut fondée, voyez-vous ça, par des amateurs de 4 X 4 suite au tsunami en Asie. Charity business dans le sillage des manoeuvres de Sarkozy, Kouchner et leur ami Khadafi autour du Darfour. Encore mieux que l’innocence de la Caisse des dépôts dans les opérations boursières des petits copains d’EADS, l’innocence de l’armée française qui n’est pas au courant qu’elle a affrété des avions pour embarquer en masse des enfants vendus à des familles souhaitant les adopter et, selon toute probabilité, kidnappés à la faveur des désordres et massacres menés au Darfour et de leurs prolongement dans les camps de réfugiés et la zone frontière tchadiennes. Le potentat tchadien, Idriss Déby, qui doit beaucoup aux militaires français, a donc choisi de monter une petite épreuve de force avec ses parrains en saisissant cette occasion, sans doute parce que l’amplification actuelle du statut réel du Tchad de base arrière des manoeuvres françaises vers le Soudan, et aussi vers le Niger et ses gisements d’uranium, finit par le mettre lui-même en péril.

A qui fera-t-on croire que ces opérations sordides sont sans lien ni information du côté des militaires et de la diplomatie française, dans une région qui est au coeur des manigances du président qui avait même choisi d’y faire jouer un rôle officiel à sa future ex-épouse, laquelle semble s’imaginer réellement que c’est elle qui a fait libérer les infirmières bulgares en Libye ? A qui fera-t-on croire que Kouchner n’a rien à voir avec tout ça, lui dont "le Darfour" est un slogan perpétuel pour justifier ingérences militaires et alignement sur Washington ?

Notons que pendant ce temps, les atteintes aux droits de l’homme au Darfour, ou le grand massacre a eu lieu dés 2003 avec l’accord de la "communauté internationale, pur prétexte de toutes ces manoeuvres dont une facette ridicule et sordide vient d’être exposée au grand jour, ", continuent [2].

Toutes ces affaires convergent vers l’Elysée. Nous n’en sommes pas au point ou la présidence apparaît ouvertement touchée, mais nous en sommes déjà au point où une série d’affaires cernent l’institution, dans des délais remarquablement rapides -moins de cinq mois après l’élection de Sarkozy. S’y ajoutent les affaires "pipoles" qui sont toutes politiques elles aussi, Cécilia, la traînée louche du nouveau ministre Laporte, les diplômes de Madame Dati ... S’y ajoutent les affaires du (et des !) quinquennat et septennats précédents, affaire de la Chiraquie qui ont permis à Sarkozy de tétaniser ses ennemis internes mais précisément parce qu’il était bien placé, très bien placé, pour en connaître ... (...)


Grèves 1 : Smart, Air France ...

Parmi d’autres : du 4 au 8 octobre dernier, les employés de l’usine automobile Smart de Hambach en Moselle ont débrayé et bloqué le ronds-points qui donne accès à l’usine et à plusieurs sous-traitants, revendiquant une hausse de 110 euros pour tous et l’embauche en CDI de 40 CDD ou contrats d’intérim. Abderamahne, 30 ans, "opérateur" (ce qui veut dire "ouvrier", mais on ne doit plus le dire !), déclare à la presse : "La direction répète qu’il faut faire des efforts pour le bien de l’entreprise, mais le bien de l’entreprise ne nous apporte rien." Reprise du travail sur une incontestable victoire partielle : 75 euros de hausse des salaires, embauche de 25 personnes parmi les précaires, "engagement" de ne pas faire de licenciements économiques d’ici 2009.

Plusieurs de ces caractéristiques se retrouvent dans la récente grève des personnels commerciaux grève d’Air France, stewards et hôtesses, alors qu’il s’agit d’un secteur très différent, mieux payé, mieux "considéré", moins précarisé. Mais le ras-le-bol était profond et il a imposé une unité totale des personnels pendant 5 jours. 5 jours pendant lesquels "l’entreprise" a beaucoup perdu : c’est fait pour ça, une grève. 5 jours pendant lesquels la direction et les média de manière délibérée ont organisé la désinformation des passagers pour tenter de faire monter leur exaspération.

Après le 18 octobre, ils ont voulu faire un test en prévision de mouvements dans les transports : chercher à dresser les "usagers" contre les grévistes, multiplier les reportages sous l’angle exclusif de la grève-qui-gène, et attaquer sur le terrain juridique. En effet (voir le site Droit de grève ) la direction a assigné en justice trois syndicats, FO, le SNPNC et l’UNSA, leur réclamant 14 millions chacun, 15 pour l’UNSA, rien que ça, pour les "pertes matérielles" occasionnées par la grève. Pourquoi ces trois syndicats là  et pas les autres qui appelaient à la même grève et avaient déposé des préavis, dont CGT, CFTC, SUD Aérien ? Parce que ces trois là avaient signé un accord "de veille sociale, préalable à tout déclenchement de grève".

Belle leçon : voila à quoi ça sert de signer des accords de "dialogue social". Cet accord, signé en juin dernier, ressemble furieusement à la loi anti-grève dans les transports terrestres de voyageurs que Sarkozy a fait voter par ses députés cet été : avant de déposer le préavis proprement dit (et alors même que, comme à Air France, c’était la direction qui ne voulait pas négocier !), il faut faire un préavis du préavis pour implorer des "négociations" et pendant la durée de tous ces préavis, interdit de faire grève !

Si la "veille sociale" avait été respectée à Air France, il n’y aurait pas eu de grève ou il y aurait eu division, confusion, et la direction n’aurait pas été contrainte d’ouvrir de vraies négociations, pas les pseudo négociations à la Sarkozy-Parisot qu’on a partout, mais des négociations sur la base d’un rapport de force dans lesquelles doit être abordée le motif le plus grave de mécontentement des hôtesses et stewards : le non paiement des heures supplémentaires de fait lorsqu’un contretemps, une panne, etc., les bloque sur un aéroport.

Alors même que Sarkozy nous a bassinés avec son "travailler plus pour gagner plus", le refus du travail supplémentaire gratuit, pratique patronale massive (et c’est logique, puisque l’extraction de la plus-value qui fait les profits, c’est cela même !) est au motif d’un nombre croissant de grèves, ici à Air France, dés juin chez Kronenbourg, ou encore chez les ambulanciers.

La grève à Air France, partiellement victorieuse sur ses revendications immédiates, victorieuse sur le plan moral et politique, a pris appui sur la puissance du salariat exprimée le 18 octobre, et explique pourquoi Sarkozy peut, en effet, s’inquiéter.


Grèves 2 : l’appel à la grève à partir du 13 novembre à la SNCF.

Vers quel mois de novembre allons-nous ?

Prises entre le caractère impossible des "négociations" du gouvernement auxquelles elles cherchent pourtant à participer, et la poussée des cheminots qui ont eu le moral gonflé par leur unité du 18 octobre et la présence de la majorité de l’encadrement dans leur grève, les fédérations de cheminots, réunies à l’exception de la FGAAC le 31 octobre, ont fait une déclaration qui apparaît comme la menace d’une grève reconductible à compter du mardi 13 novembre.

Sarkozy, voulant montrer qu’il peut aller au front et au peuple, a rencontré des cheminots lors d’une "descente" annoncée peu à l’avance et bien encadrée à l’atelier de réparation de Saint-Denis, le vendredi 26 octobre. Il en est, d’après le Canard Enchaîné du 31 octobre, sorti "aussi sonné qu’à la descente d’un manège à sensations fortes de la Foire du Trône". Une partie des images et des enregistrements de cette "rencontre" sont d’ailleurs introuvables.

Voici le communiqué des fédérations :

Les Fédérations Syndicales des cheminots se sont réunies le mercredi 31 octobre 2007 pour analyser la situation à la SNCF et les réponses du Gouvernement à l’issue des bilatérales sur la réforme des régimes spéciaux de retraite.

Sur la réforme des retraites, comme sur les dossiers touchant à l’avenir du Service Public SNCF, aucune réponse n’a été apportée par le Gouvernement et la Direction SNCF.

En refusant d’entendre le message délivré lors du mouvement du 18 octobre dernier par 75, 6% des cheminots, Gouvernement et Direction SNCF font le choix d’un conflit plus long. Ils en portent l’entière responsabilité.

Les cheminots rejettent massivement cette réforme qui se traduirait par un allongement du temps de cotisation et une baisse du niveau des pensions, c’est travailler plus longtemps pour gagner moins en retraite. Qui peut l’accepter ?

En effet, avec cette réforme c’est l’instauration d’une double peine :

- avec le système de décote, la pension à terme sera diminuée de 25% pour une même durée de travail ;

- avec la désindexation des pensions sur les salaires, (cette mesure appliquée au régime général, a engendré en 15 ans un écart de 20% entre l’augmentation du pouvoir d’achat des actifs et des retraités) ;

- avec la mise en place d’un double statut pour les nouveaux embauchés, le gouvernement joue la division des anciens contre les jeunes.

Les cheminots exigent le maintien et l’amélioration de leur régime spécial de retraite et de ses droits. L’augmentation du pouvoir d’achat et le développement de l’emploi à statut sont étroitement liés à cette exigence.

Notre action est convergente avec celles des autres salariés des régimes spéciaux. Elle s’inscrit aussi dans la défense du régime de retraite par répartition de tous pour lequel le Gouvernement annonce déjà l’allongement à 41 ans de la durée de la cotisation. Sur le Fret SNCF, le Gouvernement et la Direction restent sourds aux revendications des cheminots et de la population.

Gouvernement et Direction SNCF doivent arrêter la casse du Fret SNCF qui va à l’opposé des ambitions affichées pour le ferroviaire dans le grenelle de l’environnement. Ils doivent donner les moyens pour maintenir et développer les infrastructures, les gares, les emplois s’y attachant.

Au regard du refus du Gouvernement et de la Direction SNCF de répondre aux revendications des cheminots, les Fédérations CGT - CFDT - FO - CFTC - SUD.Rail - UNSA - CFE-CGC ont décidé d’appeler à nouveau les cheminots à la mobilisation conformément à leur engagement lors de l’interfédérale du 22 octobre dernier.

Dans ce cadre, les fédérations CGT- FO - CFTC - SUD Rail - UNSA - CFE-CGC déposent un préavis national de grève, pour une durée illimitée reconductible par période de 24h00, à partir du mardi 13 novembre 2007 à 20h00. D’autre part la Fédération CFDT, après avoir délibéré avec ses instances, n’exclue pas le principe de rejoindre l’appel commun.

Paris, le 31 octobre 2007.


Remarques

Les mêmes fédérations moins la CFDT ont déposé un préavis de grève conforme à cette déclaration commune, auprès de Mme Idrac, présidente de la SNCF.

Quelques précisions s’imposent :

1°) Sur le régime de retraite, la revendication de maintien et d’amélioration du régime spécial ne peut s’entendre que comme reposant sur le maintien du droit au départ en retraite au bout de 37,5 annuités, ce qui est actuellement encore le cas pour les cheminots, les électriciens, les gaziers, les mineurs, les agents de la RATP notamment. L’absence de cette précision est d’autant plus ennuyeuse que, sur le plan interprofessionnel, la CGT s’oppose aujourd’hui, au niveau confédéral (et au niveau des unions départementales, locales, des fédérations et des syndicats pour autant que la consigne est reprise), au seul mot d’ordre qui combat réellement la manoeuvre d’isolement des salariés à régimes spéciaux : le retour aux 37,5 annuités pour tous. Bien entendu, ce mot d’ordre implique la remise en cause de l’ensemble des lois anti-sociales en matière de retraites et de salaire socialisé -l’ordonnance Balladur de 1993, le plan Juppé de 1995, la loi Fillon de 2003.

La question n’est pas comptable, ni même économique : contrairement à ce que l’intoxication ambiante peut faire croire, le retour aux 37,5 annuités pour tous n’aurait pas un coût extraordinaire. Le très officiel Conseil d’Orientation des Retraites avait évalué ce coût à 0,3% points du produit intérieur brut, c’est tout.

2) La question n’a donc rien d’économique, elle est politique : Sarkozy l’a dit, cette soit disante "équité" est le coeur de sa "réforme". C’est donc notamment sur ce point que les cheminots feront grève et que les salariés de tous les secteurs les soutiendront.

S’il disparaît des plates-formes syndicales, non seulement des appels interfédéraux ou interprofessionnels au 18 octobre mais même, comme c’est le cas ici, des appels des seules fédérations de cheminots, on peut craindre que ce ne soit pas non plus pour des raisons inexistantes d’impossibilité économique à obtenir satisfaction, mais pour une raison politique : chercher à éviter la vraie confrontation entre la classe salariale et la présidence de la V° République et ne pas aller vers le Tous ensemble.

Mais est-il responsable d’appeler les cheminots au combat si l’on a peur de ce qu’implique ce combat ?

3) La défense du fret est la seconde revendication de l’appel commun, mais elle est plus développée dans le préavis de grève que la défense du régime de retraite.

Le préavis revendique à ce sujet un moratoire du plan fret (qui signifie, rappelons-le, 8000 suppressions d’emplois et qui, au moment où on ne cause que "Grenelle de l’environnement", fait le jeu des entreprises de poids lourds), un programme d’investissement dans le parc de locomotives et de wagons, un programme de recrutement de cheminots au cadre permanent, et l’arrêt des détachements d’agents SNCF dans les filiales de transport ferroviaire.

Tout cela est tout à fait justifié mais est incompatible avec la politique de transports suivie depuis plusieurs années par les gouvernements successifs, en particulier la séparation de la SNCF et de RFF (réseau ferré de France) opérée par le ministre PCF Gayssot, dans le gouvernement de cohabitation Chirac-Jospin, car il sera dangereux d’investir dans de nouvelles locomotives sur des voies obsolètes laissées à l’abandon, comme les Régions en font actuellement l’expérience ...

4) Un tel préavis sera-t-il encore possible après le 1er janvier 2008 en cas d’application pleine et entière de la loi du 22 août contre le droit de grève dans les transports terrestres de voyageurs ? Pour le moins, elle imposera une notification d’intention de préavis, imposant des "négociations" (où les syndicats seront tenus d’aller) pendant 8 jours, suivie du préavis proprement dit, de 5 jours minimum. De plus, elle obligerait les agents à déclarer 48 heures à l’avance s’ils feront grève ou non le mardi 13 novembre et, interprétée littéralement (mais cette interprétation est tout à fait logique) elle leur interdirait de rejoindre le mouvement reconductible une fois celui-ci commencé ! L’article 3 de la loi [3]interdit tout dépôt d’un nouveau préavis par la ou les mêmes organisations tant que le préavis précédent court encore ; dans l’exposé des motifs du projet de loi, fait par le gouvernement, cet article est présenté comme visant à "interdire la pratique dite des « préavis glissants », qui est de nature à perturber gravement le fonctionnement du service public."

En examinant la chose, nous découvrons ici de nouvelles imprécisions juridiques volontaires dans la loi anti-grève. Elles sont nombreuses.

Et d’une : si l’on dépose un préavis sur un autre sujet que celui que concerne le préavis en cours, tombe-t-on sous le coup de la loi ?

Et de deux : l’article 3 ne risque-t-il pas de s’appliquer y compris dans la période couverte non par le préavis, mais par la notification des motifs du futur préavis ou "préavis du préavis" ? La loi interprétée à la lettre voudrait que non, mais ...

Et de trois : surtout, tout le monde a bien compris que ce sont précisément les grèves reconductibles et illimitées qui sont visées par cet article 3, pourtant très lapidaire car il n’ose pas le dire ouvertement. Donc : sera-t-il légal de dire qu’on sera en grève à partir de telle date, sans limite fixée ?

Notons que, si l’on se base sur la lettre de la loi, il y aurait paradoxalement une plus grande sécurité juridique à déposer un préavis pour une grève illimitée que pour une grève reconductible, la notion de reconduction pouvant être interprétée de manière tendancieuse comme signifiant nouvelle grève chaque jour, donc nouveau préavis,auquel cas ce nouveau préavis est exclu par la loi puisqu’il a forcément dû être déposé alors que le délais du précédent courrait encore, et à plus forte raison s’il n’existe pas, alors ... alors l’interprétation totale et jusqu’au-boutiste de la loi serait l’illégalité de toute grève de plus d’un jour dans les transports terrestres !

Tout cela veut dire que l’application de cette loi dépendra totalement du rapport de force. Il ne s’agit pas ici de spéculations : quand les patrons d’Air France veulent extorquer des millions et des millions d’euros à certains syndicats, en choisissant de taper sur les plus modérés puisque ce sont ceux là mêmes qui avaient signé l’accord de "veille sociale", on voit quelles sont les ardeurs belliqueuses réelles de ces messieurs [4].

Bien sur, il y aura loin pour eux de la coupe aux lèvres. Mais faisons attention : en Grande-Bretagne, sous Thatcher, ils y sont arrivés. "Faire attention" devrait ici signifier, pour le moins, que l’abrogation de la loi anti-grève dans les transports terrestres figure dans les appels et dans le préavis des fédérations de cheminots. D’ailleurs les "négociations" à la SNCF sur la mise en oeuvre de cette loi devaient officiellement démarrer en octobre. Nous sommes le 1° novembre et elles n’ont pas démarré.


Grèves 3 : discussion sur le mois de novembre qui s’annonce.

Outre l’appel des fédérations de cheminots, il y a pour novembre :

- l’appel de la CGT et de FO à la grève le mercredi 14 novembre à EDF et GDF, le lendemain donc du démarrage de la grève des cheminots (on doit savoir le 6 novembre si les fédérations CFDT, CFTC et CGC se joignent à cette appel).

- l’appel de toutes les fédérations de fonctionnaires à la grève le mardi 20 novembre, pour les salaires et la défense du service public. Cette grève de la fonction publique en novembre avait été annoncée début octobre par les fédérations de fonctionnaires contre la réalisation du Tous ensemble le 18 octobre. Mais la modification de la situation induite par ce que des secteurs du salariat ont réalisé le 18 octobre donne à la grève du 20 novembre toutes les chances d’être massive ...

- le 23 octobre la commission exécutive de la fédération CGT de la Construction (bâtiment et travaux publics) a décidé d’appeler dans son secteur à la grève le même 20 novembre, sur les revendications suivantes : régime spécial de retraite pour les salariés concernés par la pénibilité dans la construction avec la retraite à 55 ans à taux plein, hausse des salaires avec plancher à 1500 euros bruts, 14° mois pour tous et suppression des franchises médicales. Notons que la formulation de la fédération du bâtiment sur les retraites, consistant à la lettre à revendiquer un "régime spécial", devrait sembler aller encore plus à contre-courant du discours officiel que la défense des 37,5 annuités pour tous. Cela n’empêche pas la fédération de revendiquer, de dire que pour leur branche, le besoin des ouvriers, c’est de partir à 55 ans, et aussi de refuser de signer un accord salarial qui soit en dessous de la hausse de 20% des salaires réels à laquelle ils estiment avoir droit.

- dans le même temps les assemblées générales, qui ne regroupent pas encore la masse des étudiants loin de là , mais qui sont significatives, se multiplient dans les facultés contre la loi Pécresse.

Nous avons une accumulation d’appels branches par branches qui posent la question du Tous ensemble dont la majorité des militants ont compris qu’il est indispensable.

A la réunion des signataires de l’appel Le droit de grève n’est pas négociable du dimanche 21 octobre à Paris, la discussion a principalement porté sur l’opportunité de former des comités appelant à préparer la grève générale. Soit il s’agit de "préparer la grève générale" ... en général, auquel cas former des comités sur ce thème n’a pas de sens politique, soit il s’agit de la rechercher effectivement dans les semaines qui viennent.

En ce qui concerne les camarades présents du Militant et de Liaisons (dont le regroupement était en train de se faire), il nous semble que l’objectif absolu ainsi formulé de "préparer la grève générale" dresse un mur devant les militants, car d’une part ils sont confrontés à l’opposition pratique des directions syndicales au Tous ensemble, d’autre part à la question du débouché politique car la grève générale, cela signifie en clair chasser Sarkozy. Aucun appel à la lutte ne peut se substituer à la question de l’issue politique qui demande organisation et débat de toute urgence entre militants.

Car il y a actuellement une montée gréviste, une poussée contre le gouvernement, mais qui ne se fait pas en dehors des réalités politiques ; au contraire elle en tient compte en revêtant une certaine lenteur et en cherchant avant tout à surmonter la fragmentation branches par branches, voire entreprises par entreprises -c’est d’ailleurs cela, le mouvement réel vers la grève générale.

D’autre part, il ne saurait être question de faire porter aux seuls cheminots le poids de la lutte d’ensemble, ni de jouer à se faire croire qu’à eux seuls ils peuvent l’emporter sur leurs revendications.

D’ici au 13 novembre, l’heure est au regroupement par delà les branches et les entreprises et dans l’unité, sur des revendications claires : abrogation de la loi anti-grève, hausse des salaires, arrêt de la casse des services publics, retraite à 60 ans à taux plein et départ avec 37,5 annuités pour tous, notamment.

Agir ainsi, c’est contribuer à renforcer les cheminots dans une éventuelle grève illimitée. Si celle-ci se déclenche effectivement le 13 novembre, son succès dépend du Tous ensemble.

La question d’un appel interprofessionnel à la grève dans tous les secteurs, public et privé, doit donc être mise en discussion partout où nous intervenons. Ce ne serait pas une simple "journée d’action’, mais un formidable coup de boutoir contre Sarkozy et les patrons, ce serait une étape réelle vers l’affrontement social central pour en découdre, que Sarkozy cherche puisqu’il est mandaté par les patrons pour cela, mais une étape dans laquelle et par laquelle la classe ouvrière se préparerait à gagner, dans laquelle les regroupements et les discussions politiques pourraient se faire dans d’autre conditions que la décomposition induite par les sommets qui prévaut actuellement.

Mais répétons-le, la fidélité dans les revendications est ici déterminante, car un accord a minima bradant, par exemple, les 37,5 annuités, après avoir lancé les cheminots dans la bagarre, ne serait pas acceptable.

Il est donc essentiel que les militants ouvriers, les responsables syndicaux, tous les travailleurs, s’emparent eux-mêmes de ces questions !

Vincent Présumey
La Lettre de Liaisons, Militant




Médecine du travail : l’autre caisse noire du Medef, par David Servenay.




Régimes spéciaux : une bataille décisive - « c’est la plus difficile des réformes, puisqu’elle concerne ceux qui ont le pouvoir de blocage le plus fort. Si elle réussit, le reste suivra. », La Riposte.




Cheminots profiteurs. Classement des 500 premières fortunes de France.




Traque des étrangers : le préfet vire les psys pour expulser sans contraintes, par Anne Diatkine.









[1On lira avec intérêt l’article de François Ruffin dans le Monde Diplomatique de ce mois de novembre, expliquant comment les salariés d’EADS ont été paralysés par l’orientation de leurs syndicats, notamment la forte section FO, qui défend la "culture d’entreprise" et la solidarité avec l’ "entreprise" soit disant "française", au détriment de la solidarité de classe des travailleurs.

[2On appréciera à sa juste valeur la phrase que Sarkozy a bien été obligé de pondre sur cette affaire : "Il faut faire en sorte que chacun puisse s’en sortir la tête haute."

[3Voir le texte de la loi sur le site du Militant ou sur le site Droit de grève.

[4Dans l’art de cogner sur les plus modérés pour faire un exemple, les patrons d’Air France ont un illustre modèle : Reagan lorsqu’il a brisé par le licenciement et l’emploi de militaires la grève des contrôleurs aériens en 1983. Leur syndicat qui avait un taux d’adhésion de 100% venait d’appeler à voter pour lui aux élections ...


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