Mercredi 12 novembre 2014
« Georges Ibrahim Abdallah estime qu’il faisait partie de la révolution libanaise, qu’il était en lutte contre Israël et les Etats-Unis, et pour cela il n’est pas question d’émettre de regret [1] ».
Arrêté à Lyon en 1984, il est condamné, trois ans plus tard, sans preuve à la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité dans les assassinats d’un attaché militaire américain et d’un diplomate israélien, en France en 1982. Il est libérable depuis 1999.
Le montage policier et judiciaire qui a permis sa condamnation a depuis été dénoncé par de hauts personnages de l’État. L’ancien chef [2] des services secrets français de l’époque a ainsi jugé « anormal et scandaleux » le fait de le maintenir encore emprisonné, parlant de « vengeance d’État ». Cet aveu, tout comme la condamnation sans preuve, ouvrait la possibilité d’une demande de révision.
En 2003, la juridiction de Pau autorise sa libération, mais sur ordre du ministre de la Justice, suite à une intervention des États-Unis – « Les Américains [3], partie civile, s’opposent et s’opposeront toujours à sa libération »-, cette libération est annulée.
En 2009, la cour d’appel rejette une nouvelle fois une demande de libération conditionnelle.
En novembre 2012, le tribunal d’application des peines émet un avis favorable à sa libération, le parquet fait appel qui, cette fois, est rejeté. Georges Ibrahim Abdallah n’attend plus que son arrêté d’expulsion. C’était sans compter avec l’intervention du gouvernement américain qui, par la voix de sa porte-parole, donne le ton « Nous avons des inquiétudes légitimes quant au danger qu’un M. Abdallah libre représenterait pour la communauté internationale".
Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, bloque la décision des juges en refusant de prendre l’arrêté d’expulsion et agit, de facto, contre la décision des juges. Ce passage en force du ministre de l’Intérieur n’aurait-il pas dû donner lieu à une sérieuse remise en cause ?
Une demande de libération conditionnelle pourrait-elle être demandée avec un arrangement portant sur sa présence sur le territoire français, entre 6 et 12mois, sur la prise en charge de sa sécurité et de son hébergement qui pourraient, éventuellement, être assurés par l’ambassade du Liban, en attendant un départ définitif vers le Liban, ce qui éviterait de repasser par une procédure incluant un arrêté d’expulsion qui risque, une fois encore, d’être refusé ?
Le Liban attend Georges Ibrahim Abdallah ; en visite officielle à Paris en février 2012, le Premier Ministre libanais, avait demandé la libération de Georges Ibrahim Abdallah, qui pour lui était un « prisonnier politique » et assuré au gouvernement français que les autorités de Beyrouth s’engageaient à le prendre en charge et à le ramener au Liban.
Le 4 avril 2013, après trois ajournements, deux appels et un recours en cassation, la demande de libération est déclarée irrecevable.
En septembre 2014, Georges Ibrahim Abdallah a déposé une nouvelle demande de libération : l’audience a eu lieu le 30, la décision du tribunal est attendue pour le 5 novembre.
Son avocat, Jean Louis Chalanset, comprend difficilement cet acharnement alors qu’il y a eu « (...) un précédent : en Allemagne, une ancienne de la Fraction armée rouge condamnée pour avoir tué un diplomate américain a été libérée, espérons que la France fasse pareil ».
Son maintien en détention, alors qu’il est libérable depuis 1999, ne s’apparente –t-il pas à une détention arbitraire ? Cette privation de liberté ne viole-t-elle pas certaines normes internationales pertinentes énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme ou dans les instruments internationaux pertinents ratifiés par l’État français ?
Il reste à Georges Ibrahim Abdallah, si sa demande était encore refusée, de saisir le Comité des droits de l’Homme ou la Cour Européenne des droits de l’homme au titre des articles 6 [4] et 5 [5].
N’y a-t-il pas eu, pendant le procès, une inobservation, totale ou partielle, des normes internationales relatives au droit à un procès équitable, énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans les instruments internationaux pertinents ? Cela n’est-il pas d’une gravité telle que cette privation de liberté qu’il subit depuis 1999 prend un caractère arbitraire ?
Ne pourrait-il pas être fait référence à la décision de la Cour interaméricaine des Droits de l’Homme qui, confrontée à une affaire [6] de détention arbitraire en contravention de l’article 7 de la Convention américaine des droits de l’homme, a conclu, après révision de la preuve, que la victime, soumise à un enfermement excessif, a souffert de violences psychologiques durant sa détention. Or, la vulnérabilité exacerbée de l’individu placé dans une telle situation engendre “ a real risk that his other rights, such as the right to humane treatment and to be treated with dignity, will be violated ”.
Ainsi, le confinement d’un individu, même pour une courte période, crée une souffrance psychologique équivalant à la torture dont la pratique est interdite [7].
Le fait de passer quinze ans supplémentaires en prison, alors que Georges Ibrahim Abdallah était « légalement » libérable, ne s’apparente-t-il pas à de la torture ? La Cour étasunienne des droits de l’homme affirme, après avoir passé en revue les instruments internationaux et régionaux relatifs à l’interdiction de la torture ainsi que les pratiques des systèmes onusien et européen, « that torture is strictly prohibited by international human rights law. The prohibition of torture is absolute and non-derogable, even in the most difficult circumstances, such a war, the threat of war, the fight against terrorism, and any other crime, martial law or state of emergency, civil war or commotion, suspension of constitutional guarantees, internal political instability, or any other public disaster or emergency [8]”.
Le droit à l’intégrité personnelle de Georges Ibrahim Abdallah ainsi que celle de ses proches est-il garanti alors qu’il est toujours en prison, sans preuves et qu’il aurait dû être libéré depuis quinze longues années ?
Le cas de Georges Ibrahim Abdallah est exemplaire sur deux plans, d’une part, celui de la difficulté à cerner la procédure la plus à même de le faire sortir d’un emprisonnement qui se prolonge de manière injustifiée et de la politisation excessive de son procès au détriment de la procédure et d’autre part, celui de l’articulation de son cas avec, au moment des faits, de l’occupation du Liban et de la Palestine, de la politique étrangère française et plus généralement de la déstructuration des relations internationales entraînant la dérégulation de l’ensemble des normes impératives du droit international, auxquels s’ajoutent aujourd’hui la xénophobie et de l’islamophobie développées à l’égard des Arabes et des musulmans.
Au fil des ans, le sort de Georges Ibrahim Abdallah a mobilisé de nombreux militants, dont Alain Pojolat pour qui « Georges Ibrahim Abdallah est un militant de la cause palestinienne, de la libération du Liban, et la France, en particulier les forces politiques de gauche, l’ont abandonné. On peut comparer sa détention à celle de Nelson Mandela ».
Il est aujourd’hui le plus ancien prisonnier politique en France et en Europe, après trente et un ans d’enfermement. Triste record pour un pays dont les dirigeants n’hésitent pas à donner des leçons sur les droits humains au reste du monde. L’acharnement de certains politiques à le maintenir sous les verrous montre le caractère inacceptable de la vengeance politique par des Etats étrangers qui dictent leur loi.
Le paroxysme d’indécence est atteint avec la saisine du tribunal administratif par la Préfecture de Seine-Saint-Denis pour essayer de casser la délibération de la ville de Bagnolet, attribuant la qualité de citoyen d’honneur à George Ibrahim Abdallah.
Cette initiative absurde est à mettre en perspective avec l’hommage de la Ville de Paris à un soldat d’une armée d’invasion coloniale...
Alors même que les autorités ont toujours détourné le regard devant les auteurs de crimes de masse de Sabra et Chatila, la France officielle se déshonore en maintenant en prison un homme qui s’est dressé contre l’arbitraire et l’injustice, tout comme elle s’est déshonorée cet été lorsque le président de la République a apporté son soutien au massacre commis dans la Bande de Gaza au prétexte que l’Etat d’Israël a le droit de se protéger.
Nombre de pays occidentaux, la France en tête, n’ont toujours pas émis la moindre condamnation du terrorisme d’Etat israélien, planifié et exécuté depuis les plus hautes instances de l’Etat, y compris par la mise en place de la torture comme méthode et pratique systématique à l’égard des prisonniers politiques palestiniens, oubliés du reste du monde.
L’Etat d’Israël a violé depuis sa création et continue de violer toutes les normes impératives du droit international malgré les nombreuses résolutions de l’ONU ; dont celle du 27 janvier 2007 [9], émanant de l’Assemblée générale, qui énumère les nombreuses violations des normes du droit humanitaire international et du droit international et précise que toutes ces violations légitiment le droit du peuple palestinien à demander réparation (...) au regard des nombreuses mesures illégales prises par Israël, puissance occupante, dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est.
La communauté internationale aurait-elle oublié que les Etats, petits ou grands, ne doivent subir aucune discrimination et être traités avec égalité ? Aurait-elle oublié ou feint-elle d’oublier que la SDN [10], en 1919, avait bien donné à la Palestine le statut d’Etat dont l’indépendance aurait dû être déclarée ultérieurement. Il ne sert à rien de réécrire l’histoire, tout comme il ne sert à rien de reconnaître aux Israéliens le droit de se défendre et de ne reconnaître aux Palestiniens, et particulièrement à ceux vivant dans la Bande de Gaza, que le droit de mourir.
Cette communauté montre jusqu’où elle est capable d’aller dans le cynisme et l’ignominie en acceptant que les Américains imputent, en toute indécence, la responsabilité de la situation à la victime.
Coupés du monde, emprisonnés à ciel ouvert, privés de l’ensemble de leurs droits économiques, sociaux et culturels, de leur droit à la vie et du droit à la dignité humaine, soumis aux diktats israéliens et désignés par les bien-pensants de l’Axe du bien comme « terroristes », les Gazaouis sont les victimes d’une guerre qui ne cherche même plus à cacher qu’elle s’est donné comme ennemis tous les hommes et les femmes de religion musulmane. Les Arabes sont, aujourd’hui, devenus, dans leur ensemble, les ennemis de l’Occident.
On peut dès lors comprendre que Georges Ibrahim Abdallah, entrant, pour être plus précis, dans une double catégorie –terroriste et arabe-, est ciblé par une communauté internationale qui répond, sans aucun état âme, aux diktats des impérialistes américains.
Pour cela, elle s’accommode facilement de mensonges.
N’avait-elle pas accepté le même mensonge en 2006, lors de l’agression contre le Liban, en 2009, en 2012 et en 2014 contre Gaza ? Ainsi elle contrevient gravement à ses obligations qui l’obligent à ne pas utiliser [11] la force ou à ne pas autoriser l’usage de la force ou la menace de l’usage de la force, ainsi que cela est précisé dans l’article 2§4 de la Charte des Nations Unies.
Toutes les limites de l’indécence sont franchies de la part d’une élite amnésique qui assume principalement, qu’elle le veuille ou non, l’héritage des génocides européens et dont la conséquence inique est le sort aberrant réservé au peuple de Palestine.
Plus que le droit de se défendre, l’Etat d’Israël a d’abord l’obligation de cesser tout crime international, tout acte de terrorisme d’Etat, de se retirer de manière inconditionnelle et immédiate de l’ensemble des territoires palestiniens, de laisser l’ensemble des réfugiés reprendre possession des terres et des biens qui leur ont été volés, de cesser de commettre des actes d’agression contre les Palestiniens, de lever inconditionnellement le blocus illégal de Gaza et de répondre de ses crimes de guerre devant la Cour pénale internationale.
Les Palestiniens ont le droit légitime de résister à la domination coloniale, à l’occupation et aux forces occupantes, l’Etat d’Israël commettant les pires violations du droit international en ne respectant ni les Conventions de Genève ni les autres règles découlant des conventions tels que les deux pactes de 1966 ; dès lors, les actes de résistance sont des actes licites et légitimes.
Il est nécessaire de rappeler que, selon le droit international, tous les peuples occupés ont le droit légitime de résister à la domination coloniale, à l’occupation et aux forces occupantes.
On doit faire référence au principe inaliénable du droit des peuples à disposer d’eux‑mêmes consacré par la Charte des Nations Unies et réaffirmé par la résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale –qui fait partie du droit coutumier-, « tout Etat a le devoir de s’abstenir de recourir à toute mesure de coercition qui priverait de leur droit à l’autodétermination ... les peuples mentionnés.... ». L’article 1er commun aux deux pactes internationaux relatifs, l’un aux droits économiques, sociaux et culturels et l’autre, aux droits civils et politiques, réaffirme le droit de tous les peuples à disposer d’eux‑mêmes et fait obligation aux Etats parties de faciliter la réalisation de ce droit et de le respecter, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies.
Les pays occidentaux agissent de manière radicalement incompatible avec le droit international et les normes de protection des droits humains. Ainsi de l’Etat français qui, ayant apporté aide et assistance à deux entreprises françaises dans la construction du tramway de Jérusalem, a manqué à son obligation de diligence ; les activités de ces entreprises allant à l’encontre du droit international ; dès lors, sa responsabilité internationale se trouve engagée.
L’Assemblée générale de l’ONU ne s’est pas privée de proclamer « le désir passionné de liberté de tous les peuples dépendants et le rôle décisif de ces peuples dans leur accession à l’indépendance [12] ».
De plus, rappelons que devant la domination coloniale et la violence exercée sur les peuples colonisés- et aujourd’hui encore sur le peuple palestinien- l’Assemblée générale a également manifesté sa conviction que « ...le processus de libération est irrésistible et irréversible et que, pour éviter des graves crises, il faut mettre fin au colonialisme et à toutes les pratiques de ségrégation et de discrimination... ». Cela s’applique pour la lutte du peuple palestinien en vue de son autodétermination et de sa totale souveraineté. Il est opportun de préciser à l’Etat d’Israël et aux pays occidentaux qui cautionnent la politique d’apartheid et de domination coloniale du peuple palestinien, que cette même Résolution [13] affirme que « ...la sujétion des peuples à une subjugation, à une domination et à une exploitation étrangères constitue un déni des droits fondamentaux de l’homme, est contraire à la charte des Nations Unies et compromet la cause de la paix et de la coopération internationales.... ».
Signalons aux pays occidentaux qui appuient la politique israélienne de violations spécialement graves du droit international, constantes, permanentes, systématiques, comprenant la domination coloniale israélienne, l’occupation et le vol des ressources du peuple palestinien que « ....tous les Etats doivent observer fidèlement et strictement les dispositions de la Charte des Nations Unies, de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de la présente Déclaration, sur la base de l’égalité, de la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats et du respect des droits souverains et de l’intégrité territoriale de tous les peules.... ». Les pays européens sont, dès lors, dans l’obligation d’appuyer la lutte légitime et licite des Palestiniens en quête de se libérer de la domination coloniale. C’est la seule politique possible qui prend en compte le respect des droits humains, la lutte contre les crimes internationaux et le respect de la Charte des Nations Unies.
Au contraire, le silence complice et prolongé marque une volonté de garantir aux responsables israéliens l’impunité la plus totale mieux encore, une impunité institutionnalisée, contribuant ainsi à la violation grave des droits humains et du statut de Rome, ce qui n’est pas sans incidence sur tout l’arsenal des normes impératives du droit international et du droit international humanitaire.
A ce titre, le combat mené par Georges Ibrahim Abdallah n’appelle, de sa part, aucun regret. Il assume son devoir d’être au monde, ses responsabilités d’homme engagé et son droit à résister. Les moyens de la résistance peuvent être discutés, mais il ne peut être oublié que face à une occupation exerçant une extrême violence, les occupés ne peuvent que répondre à cette violence ?
Georges Ibrahim Abdallah, en refusant de prononcer des excuses ou de d’exprimer des regrets, assume l’affirmation de Frantz Fanon pour qui « chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, l’accomplir ou la trahir [14] ».
Dès lors, Georges Ibrahim Abdallah, l’ensemble des prisonniers politiques palestiniens, mais aussi Oçalan, Mumia Abu Jamal, Leonard Peltier, Ameer Makhoul et combien d’autres encore anonymes parce qu’enfermés par des pouvoirs prédateurs, est devenu un ennemi à maintenir dans le silence étouffant d’une prison. Surtout ne pas le libérer, il pourrait être fêté lors de son retour au Liban et devenir un héros. Surtout les museler ne pas leur donner la parole et si par hasard, ils sont trop populaires, les réduire au silence, les isoler. C’est ce qui vient de se passer pour Mumia Abu Jamal.
Invité par des étudiants du Goddard College pour prononcer le discours inaugural de leur rentrée universitaire, Mumia Abu Jamal a déchaîné une campagne menée par le principal syndicat policier d’extrême droite, l’Ordre fraternel de la police, dont était membre le policier William Faulkner qu’il est supposé avoir tué [15]. Ce syndicat a obtenu du Sénat de l’Etat de Philadelphie, en procédure d’urgence, le vote à l’unanimité d’un projet de Loi « Relief Act Revictimisation » privant les prisonniers de Pennsylvanie de leur droit d’expression.
Cette loi liberticide, inconstitutionnelle, violant le 1er amendement [16], a pour seul objectif de bâillonner Mumia Abu-Jamal au détriment des droits de tous les autres prisonniers, on peut affirmer que le législateur veut en fait disposer de tous les pouvoirs pour interdire la parole qu’il n’aime pas.
Pour mieux contrôler afin de mieux dominer, les démocraties vont introduire, étape par étape, dans l’inconscient collectif l’idée que le terrorisme est partout ; pour ce faire, elles ont besoin de se construire une idéologie imposant l’idée que le terrorisme menace absolument toutes les sphères de la société, particulièrement lorsque des hommes et des femmes revendiquent leurs droits fondamentaux, dont celui à leur souveraineté et à leur terre mais aussi lorsque d’autres hommes et d’autres femmes se lèvent pour affirmer leur solidarité du côté des opprimés, des damnés de la terre. Il est dès lors facile pour ces pouvoirs de délégitimer toute personne s’affirmant solidaire de tous ceux qui luttent pour leur droit à l’autodétermination. C’est bien ce qui est arrivé à Alain Pojolat et à ceux qui se sont montrés solidaires des migrants en assumant leur responsabilité.
Les démocraties, dans leur ensemble, sont promptes à produire de nouvelles lois pour lutter contre un terrorisme dont elles portent elles-mêmes la responsabilité et à chercher des boucs émissaires. N’est-ce pas ainsi qu’a fonctionné l’Affaire de Tarnac ? On peut trouver des cas similaires au Chili, où le jeune Montoya [17] a passé 15 mois en détention préventive à partir de preuves totalement fabriquées ? Il avait été déclaré « dangereux terroriste ». Combien d’autres encore !
Pour lutter contre le terrorisme, sans toutefois questionner ou lutter contre le terrorisme d’Etat, les Etats préfèrent favoriser des lois liberticides.
Souvenons-nous en 2007, en plein été, l’Assemblée nationale a voté le « traité multilatéral pour renforcer la coopération transfrontalière, en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale ». Ce traité s’ajoutait aux lois contre le terrorisme de 1999, 2005 et de 2006 et visait à imposer l’idée que le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale devaient être poursuivis et sanctionnés ; et cela sans aucune distinction de fond et, de plus, avec la même intensité. Cet amalgame suit la ligne et l’idéologie de ce que Jerôme Valuy [18] appelle « un phénomène d’institutionnalisation de la xénophobie [19] ».
Avec ces instruments, le droit, que ce soit interne ou international, apparaît nettement avec la fonction, non de changer les régimes juridiques ou de les améliorer, mais d’être utilisé, de plus en plus, comme un instrument de répression politico-idéologique et de remise en cause des droits politiques et civils et peu importe qu’une atteinte frontale aux règles fondamentales de protection des droits humains en soit le prix à payer. Il s’agit de criminaliser tout type d’activité, y compris celles qui ont pour base la motivation politique, le plus urgent étant de réduire les libertés publiques pour mieux contrôler, encadrer la société civile afin de permettre toute liberté aux dérégulations économiques sociales, culturelles, civiles et politiques de façon à laisser le champ libre aux capitaux financiers et aux entreprises transnationales.
En septembre dernier, à cet arsenal déjà impressionnant, a été ajoutée une nouvelle loi « antiterrorisme », adoptée en procédure d’urgence et qui, par bien des aspects est redondante avec les instruments existants mais une fois encore. Elle constitue à la fois une défaite supplémentaire pour les valeurs et les principes de la démocratie mais aussi, d’une certaine manière, une victoire pour le terrorisme.
Il aurait été plus pertinent de s’attaquer à démanteler les réseaux du financement du terrorisme qui utilisent les rouages de la mondialisation des marchés financiers et de planifier des mesures de rétorsion contre les États identifiés comme source de financement de ces réseaux.
Mais les Etats faillis préfèrent les instrumentalisations de ce qui constitue le droit mais aussi les manipulations du droit et plus généralement des droits au profit d’une idéologie qui veut légaliser des pratiques liberticides, contraires à toutes les normes internationales de protection des droits humains et à tout état démocratique.
Dès lors, il est facile de comprendre que les prisonniers politiques, où que ce soit, sont une des données de la répression et un des moyens trouvés par les dominants pour imposer un nouvel ordre mondial qui lutte contre l’ensemble des peuples pour assurer sa survie par la marchandisation et la financiarisation du monde. C’est bien pour cela que les démocraties répressives cherchent à pénaliser et criminaliser toute forme de résistance et de solidarité.
24/10/2014