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Suivre le chemin de Mandela ou celui tracé par les mineurs de Marikana ?

Nelson Mandela, premier président de l’Afrique du Sud post-Apartheid, est décédé le 5 décembre à l’âge de quatre-vingt-quinze ans. Pour des dizaines de millions de travailleur-euse-s et de jeunes, en Afrique et au-delà, il a été l’un des symboles de la lutte contre le régime du racisme institutionnalisé qui a sévi en Afrique du Sud entre 1948 et 1991. Mais qu’en est-il réellement de ce combat alors qu’aujourd’hui les deux tiers de la population, notamment la grande majorité des Noirs, vit sous le seuil de pauvreté et que, un quart de siècle après la fin de l’Apartheid, l’Afrique du Sud est le second pays au monde où les inégalités sociales sont les plus criantes ? Qu’en est-il de cette ère post-Apartheid dont Mandela a été l’artisan, lorsque l’on sait que les habitants des townships et les travailleurs qui continuent à se battre pour leurs droits sont confrontés à une répression quasiment aussi dure que celle en vigueur dans les années 1970 et 1980 ?

Nelson Mandela est décédé à l’âge de 95 ans des suites de complications respiratoires liées à une tuberculose contractée au cours des vingt-sept années passées dans les geôles de l’Apartheid, entre 1963 et 1990. Pour des dizaines de millions de personnes en Afrique du Sud qui ont lutté contre l’Apartheid, pour ceux qui, partout dans le monde, ont manifesté dans les années 1970 et 1980 pour exiger la libération de celui qui était alors le prisonnier politique le plus connu de la planète, pour ceux qui avaient associé Mandela au combat contre ce système raciste, la tristesse est grande.

La lutte contre l’Apartheid et vingt-sept années de prison, à l’origine du symbole

Pour eux, Mandela était le symbole vivant de la lutte contre un régime de racisme institutionnalisé qui faisait des métis et des populations originaires du sous-continent indien des citoyens de seconde zone et des Noirs sud-africains une simple main-d’œuvre forcée à travailler dans une condition de quasi servitude pour les Blancs : dans les mines des grandes multinationales installées depuis un siècle et demi dans ce pays riche en minerais précieux, dans les maisons des Blancs, dans les quartiers qui leur étaient réservés, dans les grandes propriétés des fermiers blancs, qui depuis le début de la colonisation au XVIIème siècle et avec la « Loi sur les terres indigènes » de 1913 avaient exproprié les populations autochtones et volé aux Noirs 90% des terres du pays. Une fois leur journée de travail achevée ou leur contrat fini auprès des Blancs, les Noirs devaient retourner dans un township ou leur village, la ségrégation raciale étant la règle. En Afrique du Sud, de façon constitutionnelle, la segmentation raciale Noirs/Blancs recouvrait les divisions de classe entre prolétariat et propriétaires des moyens de production.

Qu’ils partagent ou non l’ensemble des choix qui ont été ceux de Mandela, notamment l’orientation qui a été la sienne à la suite des Accords CODESA en 1991 et durant les cinq années passées à la tête du pays entre 1994 et 1999, les travailleurs et les jeunes d’Afrique du Sud voient en lui celui qui, pour s’être opposé à l’Apartheid et avoir réclamé l’égalité des droits entre les Noirs, les métis, les populations d’origine indienne et les Blancs, a été arrêté en 1962 et condamné à la prison à perpétuité et aux travaux forcés en 1964. Pour ces années de détention dans des conditions inhumaines, pour avoir refusé de négocier sa propre libération tant que l’interdiction qui pesait sur son parti, le Congrés National Africain (ANC) n’était pas levé, Mandela ou Madiba, comme il se faisait appeler, a su gagner les cœurs et le respect de la grande majorité du prolétariat et de la jeunesse d’Afrique du Sud. Les jeunes et les travailleurs ont d’ailleurs sous leurs yeux le contraste saisissant entre Mandela et ses successeurs au gouvernement, à la tête de l’ANC et de la COSATU, la puissante confédération syndicale sud-africaine : la gestion des dirigeants actuels de l’Afrique du Sud, qui aujourd’hui se déchirent pour revendiquer l’héritage de Madiba, est entachée par le clientélisme, la corruption et la trahison ouverte de la rhétorique de justice sociale et raciale qui avait été celle de l’ANC après l’adoption de la Charte de la Liberté en 1955.

Face à un tel contraste, assimilant le parcours de Mandela et ses années de prison à leur propre lutte contre l’Apartheid et pour une vie meilleure, on ne peut que comprendre et respecter la tristesse qui est celle du prolétariat et de la jeunesse noirs et des militants populaires sud-africains aujourd’hui.

L’hypocrisie des dirigeants impérialistes

En revanche, les condoléances envoyées par les différentes présidences et chancelleries des pays impérialistes n’en sont que plus scandaleuses. En effet, ces hommages sont émis par les héritiers ou ceux-là mêmes qui ont été du côté du capitalisme sud-africain blanc ségrégationniste pendant des décennies, qui l’ont soutenu et ont parfois combattu directement l’ANC et les secteurs les plus radicalisés du camp anti-Apartheid.

Le plus hypocrite de tous est très certainement le Premier-ministre de l’ancienne puissance coloniale britannique, David Cameron. Il s’est fendu d’une lettre de condoléances alors qu’en 1989 il s’était rendu en Afrique du Sud pour demander sur place la levée des sanctions internationales qui pesaient alors contre le régime de l’Apartheid. Quelques années plus tôt, ses amis de la Fédération des Etudiants Conservateurs britanniques avaient fait campagne pour exiger « la pendaison de Nelson Mandela », considéré comme un terroriste par Margaret Thatcher ou encore Ronald Reagan.

Pour ce qui est de l’impérialisme étasunien, la CIA n’a retiré Mandela de sa liste des « terroristes internationaux » qu’en 2008. Barack Obama, depuis la Maison Blanche, en est allé de sa déclaration d’hommage sans rien dire bien entendu de ses prédécesseurs qui n’ont eu de cesse d’appuyer plus ou moins ouvertement ou en sous-main le régime sud-africain, à travers l’arrestation de Mandela en 1962, des dix-neuf membres nationalistes et communistes de la direction de l’ANC l’année suivante, à Rivonia, ou encore en soutenant Pretoria au cours de sa guerre contre l’Angola indépendante après 1975 et en Namibie, au nom de la « lutte contre le communisme ».

François Hollande, pour sa part, en est même arrivé à utiliser le décès de Mandela pour justifier la cinquantième intervention impérialiste française sur le continent africain depuis un demi-siècle, en Centrafrique cette fois-ci. Aucun mot, en revanche, pour les services secrets français qui n’ont jamais hésité à travailler avec leurs homologues sud-africains de l’Apartheid, que ce soit lors de l’assassinat du militant Henri Curiel en 1978 à Paris ou ailleurs, en Afrique, pour mener une sale guerre contre les réseaux de l’ANC ainsi que leurs appuis.

Ces dirigeants, et d’autres essaieront d’être en première ligne des cinquante trois chefs d’Etat qui ont prévu d’être aux obsèques de Mandela ou à l’hommage qui lui sera rendu au Soccer Stadium de Soweto pour tirer la couverture à eux et faire rejaillir sur leur personne un peu du prestige considérable dont a joui Madiba jusqu’à la fin de sa vie. Mais comme le disait Steve Biko, combattant anti-Apartheid assassiné par la police sud-africaine en 1978, « être noir n’est pas une question de pigmentation de la peau, c’est une question d’attitude mentale » ; et « l’attitude mentale » des charognards impérialistes, des bureaucrates de l’ANC ou de la COSATU qui essaient d’utiliser la dépouille de Mandela pour redorer leur blason ou faire oublier leurs erreurs, c’est celle d’être des chiens de garde du capital.

Un combat politique visant à obtenir l’égalité formelle des droits mais avant tout à éviter la révolution en Afrique du Sud

Il y a une autre raison à l’unanimité de l’hommage qui est rendu à Mandela et qui va au-delà du pragmatisme hypocrite de certains. Mandela a en effet rendu un fier service à l’impérialisme ; à ses multinationales qui ont fait et continuent à faire de juteux bénéfices, dans le secteur minier notamment mais pas seulement ; sans oublier bien entendu à la bourgeoisie sud-africaine, le patronat blanc, tout comme à la bourgeoisie noire, métisse et indienne, qui aspirait à participer elle aussi aux affaires, qui en était empêchée par le système ségrégationniste et qui a été intégrée en tant qu’associé subalterne au capital local pour prendre part à l’exploitation du prolétariat qui reste, dans son écrasante majorité, noir.

Le pays était le cadre dans les années 1970-1980 d’un conflit social et racial intense, un processus révolutionnaire qui avait à sa tête la classe ouvrière noire et qui menaçait à tout moment de déboucher sur une guerre civile contre le pouvoir blanc. Ni la répression de l’armée et de la police ni l’état d’urgence décrété entre 1985 et 1990 n’étaient arrivés à mettre un terme à cette situation intenable. Le coût du maintien d’un régime raciste d’un autre âge pour défendre les intérêts des Blancs était beaucoup trop élevé, avant tout à l’intérieur du pays mais également au niveau international, les soutiens de l’Apartheid se faisant de plus en plus discrets. Face à l’impossibilité d’imposer au moyen d’une contre-révolution sanglante la suprématie des Blancs et du capital, ligne dure incarnée par le Président Pieter Botha (1984-1989), la fraction la plus lucide de la bourgeoisie blanche, emmenée par Frederik de Klerk, a préféré opter pour une contre-révolution démocratique que d’aucuns appellent « une transition douce » ou une « transition démocratique » : renoncer à la suprématie blanche et à l’Apartheid pour mieux sauver le système capitaliste et le patronat blanc en réarticulant l’échiquier politique en cédant la place à l’ANC et à sa courroie de transmission dans le mouvement ouvrier, la COSATU. C’est ainsi qu’est née la bien mal nommée « nation arc-en-ciel » qui reste aujourd’hui le deuxième pays le plus inégalitaire au monde.

Cette dynamique s’est faite en deux temps : d’une part, lorsque Mandela et la direction de l’ANC ont renoncé, au cours des négociations avec le gouvernement sud-africain à partir de la fin des années 1980, à l’ensemble du programme social et nationaliste qui avait été la marque de fabrique du parti, puis, dans un second temps, une fois au pouvoir, en étant l’agent direct de l’application des programmes néolibéraux, de privatisations et de maintien en l’état de la grande propriété foncière blanche. Tout ce processus de renoncements et de reniements s’est fait grâce au prestige acquis au cours des années de prison et de lutte clandestine, la COSATU s’attelant à se faire le relais de cette orientation auprès des couches populaires et du mouvement ouvrier.

De la lutte armée à la négociation avec de Klerk

En intégrant l’ANC à la fin des années 1940, Mandela et ses jeunes compagnons, noirs mais aussi blancs, issus ou proches très souvent du Parti Communiste Sud-africain, sont face à une sorte de petit lobby conservateur dont la seule perspective est de quémander, d’abord auprès de sa Majesté Elisabeth II puis auprès des autorités blanches de l’Afrique du Sud indépendante, la reconnaissance des droits des Noirs et des minorités raciales. Mandela et les siens savent que pour faire de l’ANC un puissant instrument capable de mettre à bas le système de l’Apartheid, il leur faut l’appui des masses populaires et un programme aussi radical que l’est celui des Blancs au pouvoir à Pretoria. C’est pour cela qu’ils vont révolutionner le parti, en le dotant d’une Charte de la Liberté, adoptée en 1955 et élaborée à la base, chez les travailleurs, dans les fermes et les townships, et qui exige « le gouvernement du peuple », des changements démocratiques, sociaux et économiques, une réforme agraire, etc. Ils vont également fonder une organisation politico-militaire, la « Sagaie de la Nation » ou « Umkhonto we Sizwe », dont Mandela prend la tête. Mais la répression s’abat durement sur un mouvement qui a considérablement grossi. Mais entre 1962 et 1964, Pretoria réussit à décapiter la quasi-totalité de la direction de l’ANC, affaiblissant considérablement ses capacités opérationnelles et politiques.

Cela ne veut pas dire que c’est la fin de la lutte contre l’Apartheid, bien au contraire. Les années 1970 correspondent tout d’abord à une phase de poussée ouvrière et populaire au niveau international. C’est également l’époque des mouvements de libération en Afrique australe, que ce soit au Mozambique, en Angola ou encore en Rhodésie, l’actuel Zimbabwe. Très souvent en marge de l’ANC, dont l’appareil s’est replié à l’extérieur, le mouvement ouvrier et populaire sud-africain reprend le combat.

Les premières grosses grèves recommencent en 1973, dans tous les secteurs, mais surtout les mines. Certains débrayages sont durement réprimés, peu sont victorieux ; mais c’est au travers de ces actions que le prolétariat sud-africain commence à mettre sur pied une puissante organisation de coordination syndicale. En 1976, c’est la révolte généralisée de Soweto, menée par de très jeunes lycéens qui revendiquent un même droit à l’éducation pour tous les jeunes sud-africains. Jamais plus par la suite le régime de l’Apartheid pourra reprendre totalement la main à l’instar de ce qu’il avait osé après le massacre de Sharpeville en 1960 : assassiner impunément 69 manifestants, emprisonner 18.000 militants et activistes et interdire toute forme d’organisation politique, à commencer par l’ANC. En 1982, c’est la grande grève de 100.000 travailleurs industriels qui commence à marquer le début de la fin du régime de l’Apartheid, également mis à mal par la défaite de son armée face aux troupes angolaises et cubaines en Angola.

C’est le moment où une fraction de la bourgeoisie sud-africaine commence à faire le choix d’une intégration de l’aile la plus modérée et réformiste du mouvement anti-Apartheid pour éviter la révolution ou, au bas mot, une guerre civile ouverte que les Blancs étaient loin d’être certains de gagner. C’est le début, en 1985, des « discussions au sujet d’une possible négociation », à Dakar, sous l’égide des hommes-liges de l’impérialisme français et de l’Internationale « socialiste » en Afrique, Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf, puis avec le transfert de Mandela du bagne de Robben Island à la prison de Pollsmoor, où des contacts officiels sont établis. Cela ne veut pas dire que la séquence 1985-1991, date de la fin de l’Apartheid, soit une retraite ordonnée du régime blanc. Le camp des racistes est traversé par de multiples divisions, notamment entre le camp des négociateurs, incarné par de Klerk, et la ligne dure de Botha qui multiplie les attentats, allant même jusqu’à commanditer l’assassinat en 1993 de Chris Hani, secrétaire général du PC Sud-africain et chef de la branche militaire de l’ANC. Les Blancs essaient aussi de jouer sur le tribalisme, en favorisant le nationalisme zoulou et laissant libre-cours au déchainement des bandes armées de l’Inkhata Freedom Party contre les militants ouvriers et populaires et l’ANC. Une fois acquise la certitude du renoncement de Mandela et des siens à tout ce qui faisait le programme historique de l’ANC, réformiste certes, mais inacceptable pour le patronat blanc, la contre-révolution démocratique s’est mise en marche, l’interdiction qui pesait sur l’ANC a été levée et Mandela libéré en 1990.

L’imposition de l’afro-néolibéralisme sous l’égide de l’ANC

Au cours des différentes Conventions pour une Afrique du Sud Démocratique (CODESA) qui ont encadré cette transition en 1991-1992 et à la suite de l’accession de Madiba à la présidence avec 62% des voix aux présidentielles de 1994, l’ANC et Mandela ont renoncé à leur programme pour « éviter la guerre civile » et « assurer la réconciliation ». Ils ont effectivement sauvé le capitalisme blanc de la révolution.

Ce qui ressemble à première vue à un retournement politique des années 1980 plonge en fait ses racines dans la stratégie politique étapiste qu’a toujours défendue l’ANC, fortement influencée de ce point de vue par le PC Sud-africain. La priorité pour la direction de l’ANC était de lutter d’abord pour une Afrique du Sud libérée de l’Apartheid, liant ce programme à un certain nombre de revendications démocratiques, comme la réforme agraire, et sociales, pour améliorer les conditions de vie de la majorité noire, renvoyant à plus tard la mise en place de mesures anticapitalistes et la perspective d’une véritable révolution. Lorsque des ouvertures ont été faites du côté de l’aile modérée du Parti National, non seulement l’ANC a définitivement enterré la seconde étape de son programme mais a même bradé son premier volet. Renonçant même à une perspective démocratique élémentaire, qui aurait été l’instauration d’une République de la majorité noire et de la « Black rule », au sens d’une république complètement libérée de l’Apartheid, les négociations entre Mandela et de Klerk à la toute fin des années 1980 et début 1990 prévoyait le conditionnement de la transition, l’intégration des politiciens blancs du PN et des tueurs de l’Inkhata, leurs alliés objectifs, au premier gouvernement post-Apartheid. La trahison de la revendication élémentaire d’une République de la majorité noire a été la première de la liste. Les autres ont suivi.

Les nationalisations et la politique interventionniste étatique de création d’emplois prévues dans la Charte de la Liberté ont cédé la place à la mise en œuvre des politiques néolibérales dictées par le FMI et la Banque Mondiale.

Une loi agraire n’a réparé qu’à la marge les injustices liées à la dépossession des Noirs par les fermiers blancs qui ont conservé leurs terres.

Aucune des grandes multinationales qui avaient amassé des fortunes colossales sous le régime de l’Apartheid et joué un rôle actif dans la répression des mouvements de grève n’ont eu de comptes à rendre.

Enfin, l’institution entre 1996 et 1998 d’une bien mal nommée « Commission vérité et réconciliation » sous l’égide de l’Archevêque Desmond Tutu (autre grand nom emblématique célébré par les politiques de tous bords au nom de la « non-violence » et de la « défense des droits humains »), a tout simplement permis l’amnistie des criminels et des génocidaires de l’armée, de la police et des gouvernement sud-africains depuis 1948.

Les successeurs de Mandela à la tête du pays, Thabo Mbeki et Jacob Zuma, n’ont fait qu’approfondir cette orientation mais en l’associant à des pratiques de corruption et de clientélisme généralisées. Les bureaucrates de la COSATU, après avoir servi le gouvernement, se sont partiellement associés au patronat, à l’image de son président, S’dumo Dlamini.

Pendant ce temps, la majorité de la population vit sans assistance médicale. Elle s’entasse dans des townships qui se trouvent dans des conditions pires encore parfois que sous l’Apartheid. Tous les mouvements d’occupation de terres urbaines et rurales sont réprimés par la police « arc-en-ciel ». Les deux-tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté et le chômage qui touche officiellement un quart des Sud-africains en âge de travailler avoisine plutôt les 50%.

Tout le combat pour en finir avec le racisme, ancien et nouveau, la pauvreté et l’oppression, reste plus que jamais d’actualité. Il sera victorieux lorsque les travailleurs sud-africains, les paysans, les pauvres des villes, pourront le mener en toute indépendance de classe, indépendamment de ce qu’ils ont longtemps considéré comme « leur » parti, l’ANC, mais qui n’a jamais été, en dernière instance, que celui de la négociation avec la bourgeoisie blanche. Ce combat, pour être victorieux, sera celui d’une révolution, ouvrière et socialiste, avant tout noire et associant tou-te-s celles et ceux qui veulent en finir réellement avec le capitalisme qui, même lorsqu’il garantit formellement l’égalité des droits, n’est jamais qu’un monstrueux apartheid social et racial.

Les mineurs de Marikana, qui sont le symbole de l’aile marchante du mouvement ouvrier et populaire sud-africain et ont payé un lourd tribut à la répression en août 2012, ont montré qu’il fallait encore lutter, cette fois-ci non plus contre les patrons blancs mais également contre le gouvernement de l’ANC et les bureaucrates de la COSATU [1]. Ils ont également commencé à indiquer qu’il était possible d’avancer sur la voie de l’indépendance de classe. C’est en ce sens que les révolutionnaires internationalistes que nous sommes choisissent, aujourd’hui, pour rendre hommage à la lutte du peuple sud-africain contre l’Apartheid, de suivre le chemin qu’ont tracé les mineurs de la Province du Nord-Ouest, et non celui de Mandela.

Nous ne sommes pas des enfants de Mandela, mais des camarades des mineurs de Marikana !

Autant nous comprenons la tristesse des masses sud-africaines, autant nous refusons de nous reconnaître dans le discours de ceux qui, de bonne foi ou avec une certaine dose d’hypocrisie, voudraient que nous soyons tous des enfants et des héritiers de Mandela.

En tant que militant-e-s communistes révolutionnaires, nous sommes les sœurs et les frères de Steve Biko, des jeunes sud-africains de la révolte de Soweto de 1976, de celles et ceux qui n’ont pas cessé un seul instant, même après la fin « officielle » de l’Apartheid, de lutter contre l’exploitation et l’oppression. Contre le parti de Mandela, empêtré dans des querelles internes entre différentes factions qui défendent toutes les intérêts du patronat, nous sommes du côté des mineurs de Marikana et de leurs familles, du côté des métallos sud-africains dont les délégués devraient retirer, lors de leur prochain Congrès prévu les 13 et 14 décembre, leur appui à l’ANC.

Contre le néolibéralisme afro-capitaliste de Mandela, Mbeki et Zuma, la soif de retour au pouvoir du Parti National ou le repli communautaire et tribal sur lequel jouent certains politicien, ce sont les ouvrier-e-s, les jeunes, les habitant-e-s des townships qui portent la mémoire de la lutte contre l’Apartheid, une lutte qu’a trahie et dévoyée l’ANC, une lutte qui n’a pas cessé et qui triomphera avec la révolution ouvrière, paysanne, populaire et noire en Afrique du Sud. La semaine de deuil national pour Mandela pourra faire passer au second plan, pendant un temps, ce combat. Tôt ou tard il va reprendre avec plus de vigueur encore qu’avant, et c’est de ce côté-là que se trouve l’espoir.

08/12/13.

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