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"Tout est perdu" - Porochenko après Minsk-2 (FortRuss)

Lors des négociations de Minsk, Kiev a eu la possibilité de sauver la face avant de rendre son dernier souffle.

Imaginez-vous dans la peau de Petro Porochenko pendant une minute : vous arrivez en avion à une réunion, et vous découvrez que tout le monde est contre vous, les Européens, les Russes, et même le malin Biélorusse avec son petit sourire. Le protecteur et allié est loin, très loin, quelque part de l’autre côté de l’océan. Vous devez courir au téléphone pour recevoir ses instructions. Les gens se moquent ouvertement de vous quand vous leur dites que vos troupes ne sont pas encerclées à Debaltsevo. Ils vous demandent même de quitter la salle pour que Poutine, Merkel et Hollande puissent discuter entre eux. Vous ne pouvez pas croire à l’issue des négociations, et vous dites même aux médias que "tout est perdu." C’est la catastrophe.

Mais vous vous souvenez quand même que votre victoire peut facilement se transformer en trahison et que vous pouvez vous-même être privé du pouvoir et même de la vie. Vous devez sauver la face, puisque vous n’êtes pas indépendant et que vous n’avez pas de pouvoir véritable. Votre concurrent a déjà ouvert un état-major parallèle à Dnepropetrovsk, et vos efforts pour démanteler le bataillon Aidar ont complètement échoué. Vous avez même détruit la coalition lorsque vous avez essayé de nommer votre ami/parrain Procureur Général.

Sans accord, Il vaut mieux pour vous ne pas rentrer du tout. Et même sans un accord avantageux. Mais il n’y en a pas. Parce qu’ils ont placé devant vous un compromis et que vous avez dû le signer.

Hollande et Merkel rayonnent, parce que leur plan a fonctionné et qu’ils croient qu’il sera appliqué.

Mais seulement Loukachenko, Poutine et les représentants des Républiques Populaires de Donetsk et de Lougansk comprennent ce qui se passe réellement.

Et comment Porochenko va-t-il faire pour donner des ordres aux troupes de Debaltsevo alors que beaucoup de ses officiers se sont déjà enfuis ? Même si Poltorak dit qu’elles ne sont pas encerclées. Comment les soldats ukrainiens vont-ils faire pour revenir sur la ligne de démarcation s’ils sont encerclés ? Sortir du chaudron- signifie violer le cessez-le-feu, rester sur place signifie la mort et la capitulation.

Vous violez le-cessez-le-feu et Minsk-2 s’effondre. Mais examinons ensembles comment ces mesures peuvent être mises en œuvre.

Un. Les radicaux vont-ils accepter de payer des salaires aux "partisans du terrorisme" du Donbass ? Pour eux, le non-paiement des salaires est une victoire sur Poutine.

Deux. Comment pourront-ils ressusciter la loi sur le statut spécial du Donbass, après qu’elle ait été annulée par les radicaux à la Rada ?

Trois. Comment Porochenko va-t-il commander aux les bataillons territoriaux et aux bataillons de volontaires qui ne sont pas sous son contrôle ?

Quatre. Comment va-t-il forcer ses artilleurs à cesser de pilonner les villes du Donbass ?

Cinq. Comment Porochenko va-t-il justifier le retrait des troupes ?

La réponse est simple. Il ne se passera rien de tout cela. Les dispositions de l’accord de Minsk sont impossibles à appliquer.

Incidemment, ni Kiev ni les républiques ne prévoient d’annuler les mobilisations. Les unités vont reprendre des forces, et la mobilisation des républiques se porte mieux que celle de Kiev. La guerre continuera inévitablement, mais les républiques sont dans une meilleure position de départ de Kiev.

Par conséquent, voilà ce qui va se passer : le cessez le feu est transitoire et va être violé. Il ne sert qu’à rallonger l’agonie du régime de Kiev et de l’Ukraine en tant qu’Etat.

Commentaire de J.Hawk (traducteur du russe à l’anglais) : Lizan décrit très bien le dilemme de Porochenko, mais en fait, la situation est encore pire pour lui.

Pour commencer, Porochenko s’attendait clairement à ce que la réunion Minsk soit composée des leaders du monde libre (Porochenko inclus) déterminés à venir à bout de "l’agression de Putler (Poutine)"

Au contraire, pauvre Porochenko s’est retrouvé aux prises avec Vlad et ses amis. Il suffisait simplement d’observer l’expression de son visage et le langage de son corps, pour se rendre compte qu’il était l’objet de sérieuses pressions. Le commentaire de M. Lavrov comme quoi les négociations allaient "mieux que super » était une première indication que Porochenko était victime d’une embuscade. Quel but avait cette l’embuscade ?

Il semblerait que les amis de Vlad veulent que Porochenko se montre ferme avec le Parti de la guerre à Kiev. Merkel et Hollande doivent s’être rendus compte (bien que ce dernier le soupçonnait probablement déjà) que le plan de survie de la junte de Kiev consiste uniquement à provoquer un conflit à grande échelle avec la Russie qui déclencherait une nouvelle guerre froide sur le continent européen, et ferait de l’Ukraine un "poste avancé de la civilisation occidentale", un Israël de l’Europe de l’Est en quelque sorte, ce qui à son tour signifierait des milliards et des milliards de dollars d’aide économique et militaire. Et la junte n’a pas d’autre plan. Elle n’a jamais eu d’autre plan. Son objectif dès le départ était de pousser la Russie à réagir (en commençant par les "snipers du FSB* sur le Maidan" et le projet de transfert de la base navale de Sébastopol à l’US Navy).

Eh bien, ils ont réussi. La Russie "a réagi". C’est alors seulement qu’ils ont découvert leur erreur de calcul – l’Occident n’a pas des milliards à refiler aux cleptocrates ukrainiens qui ont la folie des grandeurs. Imperturbable, Kiev a continué d’aggraver la situation jusqu’à ce que les Européens décident finalement d’intervenir, de peur qu’une guerre à grande échelle et de grande puissance n’éclate sur le continent européen. Apparemment ils ont d’abord réussi à convaincre l’administration Biden d’avoir la bonté d’exclure catégoriquement les livraisons d’armes à l’Ukraine. Puis ils ont mis la pression sur Kiev.

"La mission impossible", imposée à Porochenko par Hollande et Merkel, est de freiner le « parti de la guerre" à Kiev par tous les moyens possibles et ensuite de continuer à détruire, pardon, à réformer l’économie ukrainienne, à la mode grecque. Ce n’est plus sûr du tout que toutes les violations du cessez-le-feu seront automatiquement imputées à la Novorussie ou à la Russie, comme par le passé. Il est tout à fait clair qu’aucun prêt du FMI ne sera accordé à Porochenko à moins qu’il ne se décide à agir de manière responsable. En outre, compte-tenu des conditions qui sont toujours attachées aux crédits du FMI, la capacité de l’Ukraine à faire la guerre diminuera probablement rapidement en raison des compressions budgétaires draconiennes. Quoique ce soit que Iatseniouk ait prévu pour cette année, cela sera probablement considérablement réduit si Yaresko doit convaincre les bailleurs de fonds occidentaux que l’Ukraine a sérieusement l’intention de réduire les dépenses du gouvernement, et en ce moment la plus grande partie de l’argent va à la défense.

Alors oui, c’est vraiment le moment d’essayer de se mettre à la place de Porochenko. Sa meilleure chance est de convaincre le "parti de la guerre" que leur meilleure chance est de l’aider à rester au pouvoir. Cet argument a l’avantage d’être de poids, parce que si le Secteur Droit/Tourtchinov/qui que ce soit renversait Porochenko, la nouvelle junte pourrait-elle compter sur le soutien de l’Occident ?

Sans doute pas, mais Yarosh et Tourtchinov le réalisent-ils ? Le pari que Porochenko et d’autres sponsors du Maidan avaient fait en lâchant les néo-nazis sur la scène politique de l’Ukraine, était que les milliards de dollars d’aide occidentale amélioreraient la situation dans le pays à un tel point tel que ces mouvements seraient privés de soutien populaire. Au lieu de cela, en raison de la détérioration de la situation et des deux campagnes militaires perdues, ils ont gagné en force et leur principal ennemi ne se trouve plus dans le Donbass.

Ivan Lizan

Note :
*Successeur du KGB

Traduction de l’anglais au français : Dominique Muselet

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