RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

MEXIQUE, journalistes assassinés, journalisme assassin

Le 25 mars dernier, l’Unesco publiait un rapport inquiétant sur les meurtres de journalistes dans le monde. Il y apparaissait que le Mexique, depuis des années, a ravi à la Colombie la deuxième place, peu enviée, dans ces macabres décomptes. Tout juste derrière l’Irak, où, comme dirait un président bling bling, des reporters imprudents se font canarder par un tank américain, à la fenêtre de leur hôtel...

Pour celui qui ne lit plus guère que la presse dite «  alternative », il est difficile de savoir si les «  grands » journaux ont beaucoup fait état de ce rapport.

Pour celui qui suit l’actualité mexicaine et latinoaméricaine depuis des années, les choses sont assez claires : les journalistes assassinés appartiennent pratiquement toujours à de petites feuilles locales, et ils sont tués parce qu’ils ont enquêté de trop près sur les agissements d’hommes politiques mafieux, de multinationales vertueuses, porteuses d’un «  progrès » détruisant le cadre de vie de communautés entières , ou de bandes dont on ne sait jamais très bien si elles appartiennent au «  crime organisé », ou aux «  forces de l’ordre », ou aux deux à la fois.

Mais il est une catégorie de journalistes qui, eux, ne prennent pas beaucoup de risques. Sinon celui de manquer gravement à la déontologie du métier. Une déontologie dont on imagine que la vérification des informations que l’on livre au lecteur fait partie des devoirs élémentaires de ce que l’on appelle l’honnêteté intellectuelle.

Deux jours après la sortie du rapport de l’Unesco, le journal mexicain Reforma offrait sur huit colonnes un pseudo reportage sur un prétendu déserteur de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN), lequel aurait révélé, en vrac, le véritable visage du sous-commandant Marcos, celui de membres de l’ETA en action dans le «  camp d’entraînement zapatiste de La Garrucha », et enfin, le financement de l’EZLN par l’organisation indépendantiste basque.

Cette «  information » pourrait prêter à rire. Le Marcos de la photo est un activiste italien solidaire des communautés zapatistes, Leuccio Rizzo. Des centaines de personnes ont immédiatement reconnu le jeune homme, et celui-ci réclame en vain une rectification de la part de Reforma. Les «  terroristes de l’ETA » sont de jeunes femmes, espagnoles et française, qui participaient l’été dernier à un chantier international (rassemblant paysans zapatistes et membres de la société civile mexicaine, nord-américaine et européenne) pour la construction du futur local de la Junta de Buen Gobierno (Conseil de Bon Gouvernement, dont les membres sont désignés par leur communauté pour gouverner leur région, dans un système de rotation et de non-rémunération qui ferait pâlir d’envie -ou d’effroi- plus d’un chantre de la «  démocratie participative »).

Quant au financement de l’EZLN par l’ETA, il suffirait, pour le plus débutant et mal informé des journalistes novices, de jeter un coup d’oeil sur les condamnations incendiaires exprimées par les porte-parole des zapatistes (1), pour se dire qu’il y a, au minimum, matière à prudence et à vérification des dire du soit-disant déserteur.

Mais c’est probablement trop demander à une presse dont le rôle est précisément de mentir et de manipuler l’opinion.

La journaliste indépendante Gloria Muñoz rappelle, dans La Jornada du 3 avril, qu’un précédent montage sur l’identité de Marcos avait été suivie de l’invasion des communautés zapatistes par des milliers de militaires mexicains.

Celle-ci, au-delà de son caractère grotesque, s’inscrit parfaitement dans le cadre de la recrudescence de la guerre de basse intensité que dénoncent les zapatistes, et qui se traduit en ces premiers mois de 2010 par une multiplication sans prédédent des agressions et provocations, d’un harcèlement épuisant et meurtrier, perpétrés par des groupes paramilitaires et parapoliciers. Le rôle de ces derniers, totalement instrumentalisés par les pouvoirs fédéral et locaux, est de pousser les zapatistes à une réaction violente, qui justifierait une intervention militaire massive, visant à exterminer les communautés en résistance, à liquider toute forme d’autonomie et à mettre la main sur les ressources naturelles et humaines de la région.

Il appartient aux individus qui composons ce que l’on appelle, un peu niaisement, «  l’opinion publique internationale », de nous tenir informés, vigilants et prêts à réagir à une nouvelle escalade. Car elle se prépare.

Une des réactions possibles, et pas des moins salutaires, est de nous défier clairement de médias qui, comme le Monde et des centaines d’autres organes de la presse internationale, se sont empressés de reproduire tout ou partie de cette manipulation, sans daigner publier les indispensables rectificatifs.

Une réflexion en vue de préparer un appel large au boycott du tourisme vers le Mexique (si madame Alliot- Marie veut bien accepter de comprendre qu’un tel appel n’a rien de raciste, ni d’antisémite, et qu’il ne vise ni les blancs, ni les métis, ni les indigènes) en serait une autre.

Jean-Pierre Petit-Gras

(1) Lire par exemple La Jornada du 15 janvier 2003. Les textes sont accessibles sur l’internet.

URL de cet article 10360
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Thème
La Nuit de Tlatelolco, histoires orales d’un massacre d’Etat.
Elena Poniatowska
« Pour le Mexique, 1968 se résume à un seul nom, à une seule date : Tlatelolco, 2 octobre. » Elena Poniatowska Alors que le monde pliait sous la fronde d’une jeunesse rebelle, le Mexique aussi connaissait un imposant mouvement étudiant. Dix jours avant le début des Jeux olympiques de Mexico, sous les yeux de la presse internationale, l’armée assassina plusieurs centaines de manifestants. Cette histoire sociale est racontée oralement par celles et ceux qui avaient l’espoir de changer le Mexique. (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Le journalisme véritablement objectif non seulement rapporte correctement les faits, mais en tire leur véritable signification. Il résiste à l’épreuve du temps. Il est validé non seulement par des "sources sûres", mais aussi par le déroulement de l’Histoire. C’est un journalisme qui, dix, vingt ou cinquante ans après les faits, tient encore la route et donne un compte-rendu honnête et intelligent des évènements.

T.D. Allman (dans un hommage à Wilfred Burchett)

Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Ces villes gérées par l’extrême-droite.
(L’article est suivi d’un « Complément » : « Le FN et les droits des travailleurs » avec une belle photo du beau château des Le Pen). LGS Des électeurs : « On va voter Front National. Ce sont les seuls qu’on n’a jamais essayés ». Faux ! Sans aller chercher dans un passé lointain, voyons comment le FN a géré les villes que les électeurs français lui ont confiées ces dernières années pour en faire ce qu’il appelait fièrement « des laboratoires du FN ». Arrêtons-nous à ce qu’il advint à Vitrolles, (...)
40 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.