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Après la Tunisie, l’Egypte ? L’Occident retient son souffle…

Dans la succession d’informations qui déferlent à propos des évènements en Tunisie et en Egypte, tentons de voir clair :

1er constat : après Ben Ali et comme la plupart des dirigeants du monde arabe, l’autoritaire président Mubarak s’accroche à son trône de manière pathétique. Sa position n’a rien de surprenant et ne fait que confirmer que ceux-là n’ont toujours rien compris aux changements profonds qui secouent les sociétés de par le monde. Je l’ai dit et répété à plusieurs reprises : les moyens de communication modernes changent radicalement les données. Ne pas le voir, ne pas le comprendre révèlent l’incompétence de ceux qui se maintiennent et s’accrochent à leurs privilèges éhontés que désormais ne tolère plus la grande majorité des citoyens informés. Pris de panique par le déferlement populaire, la réaction de ces potentats dépassés n’a-t-elle pas été de couper les moyens de communication et de s’isoler un peu plus, pour tenter de faire régner sans témoin, l’ordre de la terreur ? Ramenant ainsi leur pays à des copies de la Corée du Nord ou de la Birmanie ?...

2è constat : à l’instar de l’ex-président Ben Ali, et ne comprenant décidément rien au profond bouleversement du pays, le vieux raïs n’a pas trouvé mieux que de licencier son précédent gouvernement pour en promettre un nouveau, et de nommer deux militaires pour l’entourer : Omar Suleiman, ancien compagnon d’armes et ancien chef des services de renseignements - passant plus de temps à Tel-Aviv qu’au Caire - comme vice-président ; et Ahmed Chafiq, ancien chef d’état-major de l’armée de l’air comme formateur du nouveau gouvernement. En outre, les milices qui pillent et dévastent le pays sont lâchées, afin de créer le chaos et d’effrayer le peuple. En d’autres mots, l’appel à Mubarak de certains leaders occidentaux à plus de démocratie se solde par un trium virat d’anciens militaires à la tête de l’Etat. Conséquence immédiate : le survol de la capitale par des hélicoptères et des avions de chasse à basse altitude. Dans quelles intentions : le régime va-t-il bombarder sa population !? Que ceux qui hésitent encore sur les objectifs de l’actuel président y trouvent un début de réponse… et ne s’étonnent pas que malgré le couvre-feu décrété par l’armée depuis trois jours, les Egyptiens, courageux, continuent à manifester. Mais le tyran Mubarak ne se laissera pas détrôner sans tenter le tout pour le tout. Et ce soir, d’après la chaîne Al Jazeera, sombre présage, un ex-colonel de la police et un militant des Droits de l’Homme alertent l’opinion qu’Israël aurait livré au pouvoir égyptien par trois avions via Chypre, du matériel sophistiqué : pistolets télescopiques pour snippers, pistolets à guidage laser, caisses de munitions, containers de bouteilles de gaz lacrymogène asphyxiant… et que la police serait de retour dans les rues du pays. Le pouvoir envisagerait-il l’usage de la force pour se maintenir en place, au risque d’un bain de sang ? Dans tous les cas, la préparation active à l’évacuation des ressortissants américains n’est pas de bon augure…

3è constat : les alliés du régime en place ne semblent pas vouloir comprendre ce qui se passe dans les sociétés arabes. Plutôt que d’écouter les récriminations et la volonté des peuples muselés depuis des décennies, les dirigeants de nos pays écoutent leurs conseillers et leur personnel diplomatique, ces « experts » encravatés qui manient la langue de bois et gèrent tout cela bien à l’abri, en bons technocrates surpayés que sont la plupart d’entre eux. Sans oublier que l’une ou l’autre capitale européenne, complices de ces régimes, abritent déjà des membres de la famille Mubarak en déroute. Résultat : les habituelles déclarations de nos ténors politiques vont de la « vive préoccupation » à la « demande de retenue » de la part des forces de l’ordre à l’égard des manifestants. En d’autres mots, quel courage face aux réalités sur le terrain ! Faut quand même être sacrément couillon pour penser que de telles exhortations vont influencer ou changer d’un iota le cours des choses !

4è constat : on a pu le lire et l’entendre à plus d’une reprise ces derniers jours : l’Egypte n’est pas la Tunisie ! Merci à tous ces éclairés de combler ainsi notre ignorance. C’est probablement la raison pour laquelle l’administration US hésite encore à lâcher le dictateur du Caire comme elle l’a fait avec celui de Tunis, empêtrée comme toujours dans son double langage. Et son poulain, Mohamed El Baradeï, ancien chef de l’AIEA (Agence Internationale pour l’Energie Atomique) n’est peut-être pas encore prêt pour prendre la relève - comprenez, il faut l’encadrer et lui assurer une équipe qui sera docile aux injonctions américaines. Une dérive incontrôlable d’un tel pays n’est pas acceptable pour les Etats-Unis qui feront tout pour y maintenir leur emprise. Nul doute que dans les prochains jours, des « experts » en communication vont nous préparer l’exemplaire biographie de cet opposant au régime actuel, pour nous le présenter, le cas échéant, en rédempteur de la patrie. Il en aura bien besoin, lui qui est plus connu à l’extérieur qu’à l’intérieur de son pays… Et où l’on peut comprendre qu’une fois de plus, ce qui se profile derrière tout cela, sont les intérêts de l’entité sioniste avec laquelle le président égyptien collabore allègrement depuis des années. La plus grande prudence est donc de mise. Parce que derrière les intérêts sionistes, il y a ceux des USA - et de l’Occident - pour lesquels une présence en pays arabes est indispensable vu les énergies fossiles considérables que ces pays renferment encore. Avant de lâcher Mubarak, les autorités US doivent donc cadenasser la relève et assurer la « transition » (terme utilisé par H. Clinton ce soir) de la manière la plus habile possible. L’on peut être certain que les communications entre Tel-Aviv et Washington sont nombreuses en ces heures cruciales…

5è constat : où sont donc nos habituels arrogants au verbe haut et la jactance acerbe dès qu’il s’agit de caricaturer ces populations considérées comme attardées et de les fustiger pour une exécution sommaire, eux qui soutiennent l’envoi de nos troupes dans nombre de ces pays, ne pipent mot sur les tortures pratiquées dans les prisons de Guantanamo et Abou Ghraïb, et préfèrent nos méthodes civilisées qui désintègrent ces anonymes par une technologie de pointe mortifère !? Où sont donc ces pédants suffisants dont les médias complices se font les relais complaisants pour nous aliéner à leurs mauvais procès !? Où se cachent-ils en ces heures décisives où il faudrait dénoncer l’extrême violence de ces régimes à l’encontre de leur peuple et le nombre dramatique de victimes que la répression policière provoque ? A moins qu’ils ne soient sidérés au point de ne rien comprendre à ce qui se joue-là et d’être ainsi réduits au silence par la rue arabe qui leur cloue le bec !? Si c’est le cas, certains pourront dorénavant être plus modestes dans leurs commentaires à l’égard des populations de ces pays qualifiés tellement souvent d’arriérés en réfléchissant à la leçon de courage et de dignité qu’ils nous donnent !

6è constat : on a pu lire aussi, dans l’exaltation de ces jours d’insurrection, que l’exemple tunisien allait se répandre telle une traînée de poudre au Maghreb, puis au Machreq… pour gagner peut-être tous les pays arabes et musulmans… comme si ceux-là étaient seuls à devoir se libérer d’une oligarchie qui les dominait… Et nous alors !? Même si comparaison n’est pas raison, qu’attendons-nous pour prendre exemple sur ces pays ? Allons-nous nous contenter d’assister à ces insurrections en espérant sans bouger, qu’elles gagnent nos capitales ? Car il est bien connu n’est-ce pas, que chez nous en Occident, nos manifestations se déroulent en chantant ou sur fond de musique branchée… avec les résultats que l’on connaît : les acquis sociaux s’amenuisent à vue d’oeil, et le caractère démocratique de nos Etats se réduit comme une peau de chagrin, ce qui nous renvoie à nous-mêmes et au courage dont nous sommes encore capables pour résister à ce dépeçage organisé. Dès lors : merci à la jeunesse de ces pays arabes de nous rappeler que face aux ploutocrates qui nous promènent de promesses non tenues en trahisons successives, la justice et l’égalité des droits pour chaque citoyen ne s’obtient JAMAIS sans lutte farouche et parfois même violente.

Qu’il me soit alors permis de conclure ce billet une fois de plus par l’entremise du philosophe André Conte-Sponville lorsqu’il écrit : « Combien n’ont rêvé la victoire que pour mieux fuir le combat ? »

Daniel Vanhove
Observateur civil
Auteur

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COMMENTAIRES  

31/01/2011 10:03 par Vladimir

des CRS qui contestent en France aux soldats egyptiens qui fraternisent, l’ordre mondial vacille ? :

La foule sur les chars, applaudie par les tankistes

31/01/2011 -

Comme on le sait, lorsque Robert Fisk est en reportage quelque part et qu’il fait les gros titres de son journal, The Independent, c’est qu’il se passe quelque chose d’important. Fisk est donc en Egypte, plus précisément juché sur un char de l’armée égyptienne, lequel char est couvert de graffitis anti-Moubarak en guise de camouflage. La foule est elle-même sur les chars, encouragée et accueillie par les tankistes.

Fisk nous donne des détails, ce 30 janvier 2011 dans The Independent, sur cette évolution capitale de la situation égyptienne. L’armée, venue pour renforcer la police contre les émeutiers, se retrouve souvent aux côtés des seconds et, dans certains cas, les défend contre les tirs de la police.

http://www.independent.co.uk/opinion/commentators/fisk/robert-fisk-egypt-death-throes-of-a-dictatorship-2198444.html

(Paul Woodward, le 29 janvier 2011 sur War in Context, donne un compte-rendu sur cet aspect de la situation qu’est le comportement de l’armée égyptienne, avec d’autres références.)

Pendant ce temps, les experts évaluent les possibilités que l’armée égyptienne joue un rôle favorable aux insurgés. Ces possibilités sont minces, selon les experts, tandis qu’ils disaient, il y a une semaine encore, que le régime Moubarak n’avait rien à craindre des troubles annoncées, dont ils ajoutaient (les experts) qu’il y avait de fortes possibilités pour qu’ils n’aient pas lieu......

http://www.dedefensa.org/article-la_foule_sur_les_chars_applaudie_par_les_tankistes_31_01_2011.html

Le meme constat des 2 cotés de l’Atlantique

La vague revolutionnaire, Tunisie, Egypte, Yemen,au tour de L’Occident ?

The Revolutionary Wave
Tunisia, Egypt, Yemen - is the West next ? 

http://original.antiwar.com/justin/2011/01/27/the-revolutionary-wave/

Outre les USA où les fonds de retraite privés sont dans un etat calamiteux ,

Ce sont au moins 5 pays européens dans lesquels les États sont en train de se servir de fonds mis de côté pour financer les retraites du futur pour financer leurs déficits présents.

France, Irlande : les fonds de réserve détournés

En France, en fin d’année dernière, l’État a vidé le fonds de réserve des retraites, certes insuffisamment doté, mais de 33 milliards tout de même, qui devait aider à passer le cap des années 2020-2040, pour combler un trou immédiat. Bon, ce n’était pas vraiment de l’épargne individuelle, la presse et la population n’y ont vu que du feu. [...]

Les 5 états sont : France, Bulgare, Pologne, Irlande, Hongrie

http://www.contrepoints.org/2011/01/10/10780-voler-lepargne-pour-sauver-letat-providence

d’où l’urgence du projet alternatif en elaboration :

FSM 2011/Les critiques de la globalisation se rencontrent à Dakar

Berne - Jusqu’à 60’000 personnes sont attendues dans la capitale du Sénégal, Dakar, pour la huitième édition du Forum social mondial (FSM). Contre-sommet du Forum économique mondial (WEF) de Davos, la grande réunion altermondialiste se déroule du 6 au 11 février.

Lors d’une centaine de rencontres et d’ateliers divers, les pourfendeurs de la mondialisation vont pouvoir discuter des questions politiques et économique actuelles. De nombreuses idées devraient apparaître, être affinées, développées pour proposer un monde plus juste. "Un autre monde est possible", proclame d’ailleurs la devise du FSM.

Des représentants d’organisations sociales, de syndicats, d’organisation non gouvernementales (ONG), et des parlementaires du monde entier sont attendus au FSM. Parmi les personnalités les plus connues figurent l’ex-président brésilien Inacio Lula da Silva, le chef de l’Etat bolivien Evo Morales et la socialiste Ségolène Royal, ancienne candidate à la présidence française.

Le FSM est un forum de discussions, et non pas un endroit où l’on prend des décisions concrètes - exactement comme le WEF. Seul son but est clairement formulé : le Forum social mondial a été crée en 2001 à Porto Alegre au Brésil pour faire pièce au Forum économique mondial de Davos.

A Davos, "ils essaient d’expliquer que le marché seul fait tourner le monde. Et nous, nous essayons de dire au monde que ce n’est pas le cas", explique Chico Whitaker, co-fondateur du FSM, dans son livre sur le forum.

La face sombre de la globalisation sera sur le tapis à Dakar. Car cette mondialisation capitaliste a généré des problèmes sociaux, géopolitiques, écologiques et idéologiques, écrivent les organisateurs sur leur site. C’est pourquoi des thèmes comme la pauvreté, les guerres, le changement climatique seront à l’ordre du jour du FSM.

Le forum s’ouvrira dimanche par une grande manifestation. Le lendemain sera réservé au continent du pays hôte. La journée sera consacrée à "la place de l’Afrique dans le monde" : diaspora africaine, migrations et passé colonial...

http://www.romandie.com/infos/news/201101310945140AWPCH.asp

31/01/2011 15:09 par fidelito

C’est bien, voire même très bien de renverser une dictature, mais :
ils devront ouvrir l’oeil, les deux yeux grands ouvert car il risque d’y avoir une ouverture aux terroristes. Ceux-ci sont certainement à l’affût pour infiltrer les rangs des révoltés, et sont très bien rodés pour y jouer un rôle néfaste. Il y à eu l’Algérie, maintenant il y a la Tunisie et l’Egypte, à qui le suivant et le Magreb sera pourri.

31/01/2011 18:26 par kounet

C’est vrai, à entendre nos idiots inutiles sur les ondes, nous serions en démocratie et nos dirigeants seraient à notre écoute !!!
Rappelons-nous : 2005, le peuple a dit non au traité factieux Européen et le peuple a dit non pour le départ à la retraite plus tard !
Il me semble que dans les deux cas, ils se sont fichus du peuple !
Ils feraient bien de se taire et nous ferions bien de nous énerver au lieu d’aller consommer leurs poisons dans les supermarchés !

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