RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

OTAN : à qui profite le crime ?

Ces 20 et 21 novembre, les Etats européens membres de l’OTAN, réunis en sommet à Lisbonne autour de leur protecteur d’outre-Atlantique, ont décidé de financer la construction d’un « bouclier antimissiles » sensé protéger l’Europe d’une éventuelle attaque nucléaire, chimique ou biologique. Il s’agit, dans un premier temps, d’assurer le repérage des missiles ennemis, au moyen de stations d’observation. Ces dernières existent déjà et devront simplement être coordonnées, ce qui n’engendrera pas de dépenses exceptionnelles. Dans un second temps, il s’agit de détruire ces missiles, avant qu’ils n’atteignent leurs cibles, par le lancement de contre-missiles. C’est ce dispositif qui devrait coûter fort cher. Mais face à quel ennemi ?

Ce projet, imaginé sous la présidence de George Bush jr., concernait initialement la Russie, qui s’en était émue et avait menacé de relancer son programme d’armement nucléaire si l’OTAN persistait à vouloir déployer ce nouvel armement. Le projet avait toutefois été combattu par Barak Obama, qui avait promis d’y mettre un terme s’il était élu président. Tout au contraire, cependant, le nouveau président des Etats-Unis a revu les perspectives à la hausse et réorienté le projet vers l’Iran.

Très sérieusement, ce « bouclier antimissiles » est-il réellement utile, voire prioritaire en temps de crise économique grave ? Qui peut vraiment croire que la Russie ou, à présent, l’Iran aurait l’intention d’attaquer l’Union européenne ?

Pourtant, tous les membres de l’OTAN vont mettre la main à la poche ; et ce sont ainsi plusieurs millions d’euros qui vont prochainement quitter les fonds publics de la plupart des Etats européens pour aller grossir les caisses des sociétés privées nord-américaines et soutenir l’industrie d’armement états-unienne. La Belgique, quant à elle, versera la modique somme de trois millions et demi d’euros.

On comprendra sans peine l’intérêt du gouvernement états-unien à défendre la réalisation de ce vaste projet, surtout si l’on considère que l’industrie d’armement et les nombreuses entreprises qui en dépendent génèrent une très large part du produit national brut des Etats-Unis : si l’industrie nord-américaine cessait de produire des armes, l’économie états-unienne s’effondrerait irrémédiablement.

En revanche, que vont y gagner les Etats européens et leurs contribuables, qui participeront au financement de ce « bouclier antimissiles » ? Que recevront-ils en échange ? A bien y réfléchir, il semble que la réponse soit simple : rien. Curieux marché de dupe, là accepté par les dirigeants politiques de l’Union européenne…

Mais, au-delà de ce petit calcul, c’est l’existence même de l’OTAN qui repose question : créé en 1949 pour faire face à la « menace soviétique », l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, depuis la chute du Mur et l’effondrement de l’URSS, n’a objectivement plus de raison d’être. Pire : le maintien de cette organisation continue de lier la défense européenne aux structures militaires états-uniennes et, même, dans une certaine mesure, de l’y subordonner. Et les armées européennes de servir parfois de troupes auxiliaires dans les opérations commanditées par le Pentagone, comme en Afghanistan, par exemple…

Ainsi, une nouvelle fois, la question qui dérange : qu’attendent les chefs d’Etat de l’Union européenne pour créer une force de défense européenne ne dépendant que de l’Union et capable d’enfin faire entendre plus fermement la voix de l’Europe dans le monde ? A quand une « Europe européenne » ?

Charles de Gaulle ne s’y était pas trompé : « au fond, le fait que l’Europe, n’ayant pas de politique, resterait soumise à celle qui lui viendrait de l’autre bord de l’Atlantique paraît, aujourd’hui encore, normal et satisfaisant ». Cinquante ans plus tard, sa conclusion n’a pas pris une ride.

Pierre PICCININ

(professeur d’histoire et sciences politiques - Ecole européenne de Bruxelles I)

URL de cet article 12083
  

Même Thème
Libye, OTAN et médiamensonges
Michel COLLON
Les « armes de destruction massive », ça n’a pas suffi ? Le martyre de l’Irak, frappé d’abord par les médiamensonges et ensuite par les bombes, on n’en a pas tiré les leçons ? Non, on n’en a pas tiré les leçons. On sait que les Etats-Unis ont menti sur le Vietnam, l’Irak, la Yougoslavie, l’Afghanistan et Gaza, mais on croit que cette fois-ci, sur la Libye, ils disent la vérité. Etrange. La majorité de nos concitoyens croient encore ce que l’Otan a raconté sur la Libye. Y compris les Arabes car cette fois, (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Lorsque l’on tente, comme ce fut le cas récemment en France, d’obliger une femme à quitter la Burqa plutôt que de créer les conditions où elle aurait le choix, ce n’est pas une question de libération mais de déshabillage. Cela devient un acte d’humiliation et d’impérialisme culturel. Ce n’est pas une question de Burqa. C’est une question de coercition. Contraindre une femme à quitter une Burqa est autant un acte de coercition que l’obliger à la porter. Considérer le genre sous cet angle, débarrassé de tout contexte social, politique ou économique, c’est le transformer en une question d’identité, une bataille d’accessoires et de costumes. C’est ce qui a permis au gouvernement des Etats-Unis de faire appel à des groupes féministes pour servir de caution morale à l’invasion de l’Afghanistan en 2001. Sous les Talibans, les femmes afghanes étaient (et sont) dans une situation très difficile. Mais larguer des "faucheuses de marguerites" (bombes particulièrement meurtrières) n’allait pas résoudre leurs problèmes.

Arundhati Roy - Capitalism : A Ghost Story (2014), p. 37

Le DECODEX Alternatif (méfiez-vous des imitations)
(mise à jour le 19/02/2017) Le Grand Soir, toujours à l’écoute de ses lecteurs (réguliers, occasionnels ou accidentels) vous offre le DECODEX ALTERNATIF, un vrai DECODEX rédigé par de vrais gens dotés d’une véritable expérience. Ces analyses ne sont basées ni sur une vague impression après un survol rapide, ni sur un coup de fil à « Conspiracywatch », mais sur l’expérience de militants/bénévoles chevronnés de « l’information alternative ». Contrairement à d’autres DECODEX de bas de gamme qui circulent sur le (...)
103 
La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.