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En défense de l’Histoire et de Gilad Atzmon (Palestine Chronicle)

"Nous avons le droit de dire ce que nous voulons"

Hérodote est un historien qui nous forme au fur et à mesure qu’on le lit. On est conduit à se poser des questions, faire des recherches, récolter de l’information, douter, lutter, faire des tests, blâmer et par dessus tout s’émerveiller des choses étranges que font les humains. Anne Carson, poète et traducteur de grec ancien, Nox (2011)

L’expédition intellectuelle de Gilad Atzmon sur le terrain difficile des politiques de l’identité juive a toujours soulevé une tempête de controverses. Pourtant quand j’ai rencontré Gilad pour la première fois, il était difficile de croire qu’il n’exagérait pas lorsqu’il racontait ce que lui faisaient subir divers groupes de pression anglais. D’abord on a du mal à croire qu’on puisse accuser de "racisme" une personne qui parcourt le monde avec un violoniste tsigane, un batteur noir, un bassiste juif et un anglais blanc symbolique au piano. Cependant, au fur et à mesure que je me familiarisais avec la complexité des arguments de Gilad —il a fallu que je désapprenne autant que j’apprenne— j’ai dû accepter la réalité à contre coeur. Et cela m’a horrifiée de prendre toute la mesure de la haine pathologique qui était déversée sur lui, et dont une partie m’a aussi éclaboussée.

Après l’assaut israélien de 2009 contre Gaza, j’ai organisé un concert pour "Aide médicale aux Palestiniens" avec le violoniste célèbre Nigel Kennedy. Une campagne implacable s’est déclenchée, en provenance de tous les camps — la droite, la gauche, les Sionistes et les anti-Sionistes — individuellement et collectivement, pour forcer le propriétaire de la salle, le directeur de "Aide médicale aux Palestiniens" et moi-même à annuler la soirée. Certains nous ont même accusés de nous servir de l’art pour financer des attaques de roquettes contre les Juifs. J’étais profondément choquée, perturbée et je me sentais coupable d’avoir entraîné l’ami auquel appartenait le club dans une affaire aussi scabreuse.

Après le concert (qui a été une grande réussite) on m’a qualifiée de négationniste de l’Holocauste. Cette accusation n’était pas seulement ridicule et sans fondement, mais elle pouvait me nuire énormément. Il est clair que dans notre culture on peut remettre en question le Holodomor*, la Nakba et l’annihilation des Indiens d’Amérique sans faire la moindre vague, mais faire la même chose avec la mort des Juifs au cours de la seconde guerre mondiale équivaut à un suicide professionnel. Mon avocat m’a conseillé de faire enlever l’accusation de l’Internet mais je pense que c’est mieux de la laisser servir de petit monument cybernétique de la fange abjecte et méprisable dans laquelle certaines personnes se complaisent.

Plus récemment, la cacophonie hystérique qui nous assourdit depuis que l’ouvrage polémique de Gilad "The wandering who" l’a porté sur le devant de la scène, a dépassé l’échelle de Richter. Gilad la supporte jour après jour. Hier la Jewish Chronicle a demandé que le Arts Counsel of Britain refuse de financer le Festival Raise Your Banner où nous devons jouer ensemble le 25 novembre. Ils n’ont bien sûr pas obtenu satisfaction mais maintenant ils se sont mis, dans un autre texte, à comparer tout simplement Gilad à un pédophile. Moi aussi j’ai été inondée de commentaires hostiles sur Youtube, de messages et Emails agressifs qui soit insistent pour que j’arrête de me produire avec Gilad, soit me reprochent mes opinions.

Ils m’ont donné l’envie de faire exactement le contraire et de dire clairement combien j’admire et soutiens le travail de Gilad Atzmon à la fois en tant qu’artiste et en tant qu’humaniste, et combien je tiens à la liberté de la pensée et de l’expression ; j’affirme que le jour où je me retirerai d’un festival parce que quelques militants menacent de détruire ma réputation, n’est pas près d’arriver. Nous sommes des artistes. Nous avons le droit de nous exprimer comme nous le souhaitons, nous avons le droit de chanter, de poser des questions, de danser, d’écrire et de réfléchir.

Ce serait mieux pour les opposants de Gilad, s’il était, comme ils le prétendent, un banal déterministe biologique qui déteste simplement les gens en fonction de la loterie de leur ADN. Si c’était le cas, je suis sûre qu’ils auraient plus de chance d’interdire nos concerts et d’empêcher Gilad de parler. Malheureusement pour eux, trop de gens comprennent que Gilad est en quête de vérité. Selon l’historien grec Hérodote, que j’ai cité plus haut, c’est la meilleure chose qu’un être humain peut jamais espérer faire. On ne peut pas nous empêcher de jouer, d’écrire et de "nous demander qui" nous sommes. Au cas où on l’aurait oublié le mot "Histoire" vient d’un verbe grec qui signifie "poser des questions".

Alors, tant pis pour vous, chers agitateurs, même si nous mourions subitement demain, quelqu’un quelque part écouterait encore nos albums et lirait encore le livre de Gilad. Je crains bien que même si la bataille continue, la guerre ne soit déjà gagnée.

Sarah Gillespie

Sarah Gillespie est une chanteuse compositrice basée à Londres. Elle parlera du rôle de la politique dans la musique dans l’émission "start the week" sur BBC radio 4, le lundi 21 novembre. Ecoutez How The Might Fall sur son site : www.sarahgillespie.com.

Pour consulter l’original : http://www.palestinechronicle.com/view_article_details.php?id=17266

Traduction : Dominique Muselet

Note :

*Le terme Holodomor (ukrainien : гоР»Ð¾Ð´Ð¾Ð¼Ð¾Ì Ñ€, littéralement « extermination par la faim ») désigne la grande famine qui eut lieu en Ukraine et dans le Kouban en 1932 et 1933 et qui fit, selon les estimations des historiens, entre 2,6[1] et 5 millions de victimes.

La question de savoir si le Holodomor constitue ou non un génocide reste âprement débattue. Fin 2006, l’Ukraine a officiellement qualifié le Holodomor de génocide, qualification reconnue par un certain nombre de pays dont les États-Unis.

Pour le Parlement européen, le Holodomor est une famine provoquée, qu’il qualifie de « crime contre le peuple ukrainien et contre l’humanité ». Le terme même de « Holodomor », qui semble avoir commencé à être employé à la fin des années 1970, suggère le caractère intentionnel de la famine. Extraits de Wikipedia.

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