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Ivan Rioufol, Toulouse et les paras « d’origine musulmane » - (VARIAE)

On se demandait. On se demandait qui allait briser le couvercle qui résistait jusqu’alors, tant bien que mal, sur le chaudron de la bêtise humaine bouillonnant depuis lundi et les meurtres de Montauban puis Toulouse. La réponse est désormais connue : Ivan Rioufol, cet homme qui tient table ouverte dans les colonnes du plus grand site d’information français mais se réclame, dans son billet du jour, de la « majorité silencieuse ». Le ton est donné.

Parlons donc de son billet du jour. Il triomphe, l’ami Rioufol : l’identité djihadiste du forcené toulousain vient enfin donner raison - selon lui - à ceux qui - comme lui - criaient au choc des civilisations en préparation. Bon prétexte pour un feu d’artifice lexical faisant soudain ressembler Le Figaro à un mélange entre Le Nouveau Détective et une publication néoconservatrice : les moralistes qui « ont couvé un monstre », « barbare », « guerre contre l’Occident », « germes d’une guerre civile », « morale de pacotille », « idéologie totalitaire », « esprits fanatisés », « les masques tombent enfin », « suintant la haine ». La bave (à moins que ce ne soit la salive) aux lèvres, le procureur fait pleuvoir les coups sur tous ses ennemis, de SOS Racisme à François Bayrou, qui ont commis le crime odieux « d’accuser […] Marine Le Pen ». Scandale !

Tout le papier rioufolesque est frappé du sceau de la rhétorique pernicieuse, procédant par exagérations grandguignolesques, rapprochements abusifs et sophismes dits « de la pente glissante ». Ou comme disent les enfants : « marabout, bout de ficelle, selle de cheval ». Ainsi, d’un acte terroriste isolé Rioufol déduit les prémisses d’une « guerre civile ». Dans l’antiracisme il voit la volonté de ne pas critiquer les Musulmans, donc les Musulmans extrémistes, donc ceux qui passent à l’acte - bref, indignez-vous des polémiques sur le halal à la cantine, et vous cautionnerez par avance un attentat à la bombe. Cette logique, mue par des ressorts proches de la paranoïa (on constitue un tableau d’ensemble à partir de quelques éléments épars, et tordus dans le sens qui vous arrange) et empêchant par avance tout débat, permet à l’éditocrate éructant de placer dans la même phrase les mots « Bayrou » et « idéologie totalitaire », ce qui constitue un tour de force journalistique qu’il faut, tout de même, saluer au passage. C’est toujours cette « logique » délirante qui rend possible un point Godwin d’anthologie, Rioufol parvenant à introduire au bout de dix lignes le concept de « nazislamiste » et à rappeler l’alliance entre un grand mufti et Hitler - au cas où on le soupçonnerait, lui, d’accointances avec le second. Chapeau l’artiste ! Merci de ne pas lui signaler, pour ne pas le peiner, qu’avec le même type de raisonnement, on pourrait l’accuser de complicité avec Anders Breivik.

Mais rien ne résume mieux cette pratique de l’amalgame boutefeu que la toute première phrase de son éditorial. « L’assassin des trois enfants juifs, d’un jeune rabbin et de trois parachutistes d’origine musulmane (rajout : dont un de religion catholique) ayant combattu en Afghanistan », peut-on lire. Où l’on découvre un nouveau pays, la « Musulmanie », dont les habitants finissent parfois par rejoindre l’armée française, et même que de temps en temps, ils adoptent la religion catholique. Couleur de peau, nationalité, ethnie, religion, tout se mélange dans l’esprit de Rioufol, obsédé par la grande croisade à venir. On attend maintenant avec angoisse son analyse sur « l’origine » (d’appellation contrôlée ?) des policiers blessés du RAID, et sur « les Français innocents » [© Raymond Barre] qui auraient pu être tués nonobstant leur intervention.

Dans les moments que nous traversons, il y a deux attitudes possibles. La première : réaffirmer les valeurs de la République laïque, universaliste et émancipatrice, appeler ceux qui la défendent à faire front ensemble, dans le respect de son unité, contre ceux qui veulent la détruire. La seconde : attiser les feux de la haine, jouer sur les peurs, jeter à la vindicte populaire des noms, des communautés, pour pousser dans la sens du conflit que l’on appelle de ses voeux. Et empêcher tout débat sérieux et approfondi sur les problèmes de l’intégration ou des quartiers. J’ai relu attentivement le billet de Rioufol : dans cette longue litanie de coupables et de traitres désignés, le mot République, à la différence de « France » ou « d’identité nationale », n’apparaît pas une seule fois. Au moins, le message est clair, et les antirépublicains (et autres communautaristes) pas seulement là où on le croit.

(Source)

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