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Venezuela : Analyse du débat citoyen sur le prochain plan de gouvernement (Correo del Orinoco)

Le Plan de la Nation pour la période 2013- 2019, proposé par Hugo Chavez aux électeurs durant la campagne présidentielle, fait aujourd’hui l’objet d’un débat citoyen dans tout le pays. L’idée est d’enrichir le programme en prenant en compte les contributions nées des expériences et des besoins de la collectivité. Reélu le 7 octobre dernier le Président Chavez a insisté à plusieurs reprises sur le fait que cette invitation à débattre est ouverte à tous les secteurs de la société, y compris aux forces de l’opposition. Cette initiative peut-elle vraiment renfocer la démocratie et le pouvoir populaire au Venezuela ? C’est la question que nous avons posée à Javier Biardeau (photo), professeur de sociologie à l’Université Centrale du Venezuela (UCV).

Hector Escalante : Comment jugez-vous l’actuelle discussion nationale sur le Plan de la Nation 2013-2019 ?

Javier Biardeau : J’y vois une avancée très positive si on compare avec les méthodes utilisées pour planifier et structurer les politiques publiques dans les démocraties représentatives libérales. En même temps ce n’est qu’un début, c’est un processus bref et limité qui a encore besoin de construire des canaux authentiques de débat qui permettent la reconnaissance du pluralisme politique et de la diversité des propositions mises sur la table.

Les discussions futures produiront une démocratie plus participative avec une plus grande densité de débat, en reconnaissant une multiplicité de voix, la diversité des courants révolutionnaires, l’équilibre entre les majorités et les minorités, et l’inclusion de tendances venant du gouvernement et des cercles de l’opposition.

Malheureusement l’opposition a fait preuve d’une capacité vraiment infantile de tirer avantage de ces espaces publics créés précisément pour alimenter un débat contradictoire, agonistique avec le gouvernement. Elle a échoué à faire des contre-propositions pour la discussion, ce qui démontre son manque total d’intérêt pour la tenue d’un véritable débat national.

Pour le dire plus simplement, l’opposition vénézuélienne cherche uniquement à agir comme voix et force de destruction dans la société. C’est regrettable, cette terrible habitude des cercles de l’opposition de dépeindre le gouvernement comme une « démocratie autoritaire ». cette zone grise empêche de générer une opposition constructive qui apporte sa contribution dans le champ social. Débattre avec le gouvernement reviendrait à collaborer avec un « régime totalitaire ou autocratique" . Ceux qui réfléchissent au sein de l’opposition, ceux qui pensent de manière critique, etc., le font sur la base de bagages idéologiques primitifs issus de la vision géopolitique états-unienne. Ils ne voient qu’un « totalitarisme démocratique" , un "fascisme" , un "nationalisme autoritaire », ou ce que certains d’entre eux appellent un "populisme radical" .

De sorte que la possibilité d’un débat constructif sur l’importance de planifier le développement économique et social reste prisonnière d’une polarisation sans issue. Leur positionnement limite les discussions sur les actions à mener, sur les ressources à assigner, sur les responsabilités parmi les acteurs, sur le contenu et les objectifs d’un plan ambitieux de construction du socialisme bolivarien du 21ème siècle qui permette de surmonter une fois pour toutes le capitalisme au Venezuela.

Le noeud du débat

Le débat actuel concerne la transformation du programme électoral en authentique démocratie participative et en méthode socialement inclusive de planifier l’État, pour produire une matrice de politiques publiques dans les différentes sphères politiques, nationale et internationale. Ce débat est très éloigné du néo-libéralisme et de son État minimaliste, et en même temps il n’a rien à voir avec le socialisme bureaucratique du vingtième siècle et son étatisme autoritaire. Il tente au contraire d’avancer vers un état démocratique et social basé sur les droits et la justice, sur la démocratie participative, sur l’exercice direct de la souveraineté populaire.

Ce type de débat aide les gens à sortir de la léthargie politique, il brise l’inertie et permet de surmonter la thèse que la révolution démocratique permanente est à présent achevée et que seule compte l’institutionnalité. Bref, le débat pousse chacun(e) à penser le thème du pouvoir, de l’efficacité de la gestion publique, de l’administration de la volonté populaire et du renforcement des voix et des visages du pouvoir démocratique.

Au Venezuela il y a aujourd’hui des tendances qui viennent du haut et du bas de la société et qui se retrouvent dans une impasse. Un des plus gros obstacles que nous avons devant nous est qu’une partie de la société dit "oui" à Chavez mais en même temps dit "non" pour donner suite à ses propositions. En faisant cela, elle isole le Président Chavez. Ce n’est pas un hasard si Chavez exprime souvent des sentiments de solitude, il dit souvent qu’il se sent comme Bolivar, seul.

Le pouvoir du peuple est le contrôle direct de la souveraineté. C’est le pouvoir de modifier des structures sociales qui ne servent qu’à maintenir l’inégalité et l’exclusion. Comme tel, le débat en cours fortifie les mouvements de travailleurs, d’étudiants, de paysans, d’indigènes, de scientifiques, de professionnels, etc. La mobilisation de ces secteurs sociaux rend service au collectif national dans son ensemble car ils représentent les bases de la démocratie vénézuélienne, les bases de notre transformation constitutionnelle.

Mais le coeur de l’affaire est que ce processus est lié à la modification du rapport de forces, au cadre politique existant et aux relations qui le construisent.

Dans les coulisses il y a des secteurs qui cherchent à assurer un pacte social et politique entre les différentes classes sociales, une sorte de dialogue social. Mais si on creuse un peu, on découvre les chocs entre des intérêts de toute sorte. Cette collision d’intérêts, tant économiques que sociaux, est la raison-clef pour laquelle le président Chavez a remis ce débat aux mains du pouvoir populaire. Et si le collectif national n’entreprend pas une analyse pointue de classe pour interpréter les enjeux du moment, les groupes engagés, etc.., nous ne réussirons jamais à comprendre ce qu’il y a au-delà du conflit permanent entre gouvernement et opposition.

Au Venezuela, il y a des classes dominantes dans les sphères de l’économie, de la politique, de l’idéologie et de la culture. La question à poser est : le pouvoir populaire va-t-il arracher le pouvoir à l’oligarchie de l’argent ? C’est précisément ce qu’il fait. C’est toute la question. Autrement nous serions en présence d’un simulacre du pouvoir populaire.

Interview réalisée par HECTOR ESCALANTE, 30 novembre 2012.

http://venezuelainfos.wordpress.com/2012/12/01/analyse-du-debat-citoyen-sur-le-prochain-plan-de-gouvernement-par-le-sociologue-javier-bardeau/

Traduction de l’anglais : Thierry Deronne

Source :
http://redaccion.correodelorinoco.gob.ve/wp-content/uploads/2012/11/COI137.pdf

EN COMPLEMENT

Programme du candidat Hugo Chavez 2013-2019. Texte intégral de la campagne électorale. Traduit par Manuel Colinas, Gaston Lopez et Françoise Lopez : programme-de-chavez-2013-2019-texte-integral

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