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La guerre juste d’un pays à l’avant-garde (il manifesto)





il manifesto, mercredi 8 juin 2005.


La Bolivie existe-t-elle vraiment ? On a de temps en temps des nouvelles de son existence : quand on tua le Che Guevara à La Higuera, à l’occasion d’un golpe (mais pas tant que ça, d’ailleurs, s’il y en a eu 191 en 180 années d’indépendance), quand on parle de la coca... Par certains côtés, on en viendrait à dire qu’elle n’existe pas. Dans la lointaine année 1870, le président bolivien de l’époque, Mariano Melgarejo, un ex-sergent golpiste un peu rustre, irrité par l’ambassadeur anglais à La Paz, le fit enduire de chocolat et faire un tour de ville monté en croupe à l’envers sur une mule. Quand l’incident parvint à Londres, la reine Victoria donna l’ordre de bombarder La Paz ; et quand le premier ministre Gladstone lui indiqua que La Paz était à 500 kilomètres de la mer, la reine se fit porter une carte géographique et, après avoir découvert où se trouvait le pays, elle l’effaça d’un trait de plume en déclarant : « La Bolivie n’existe pas ».

Peut-être l’épisode ne s’est-il pas déroulé exactement comme ça ; mais ce geste et ces paroles d’arrogance impériale résument bien les histoires tourmentées que la Bolivie traîne avec elle aujourd’hui encore. Si pour la reine Victoria -le Bush de l’époque- la Bolivie avait cessé d’exister, elle avait existé, et elle continue à exister pour les hordes de conquistadores qui l’ont rongée jusqu’à l’os pendant des centaines d’années.

C’est le pays le plus pauvre d’Amérique latine, après l’insurpassable Haïti. Le plus indio, avec ses 60% de quechua et ayamara, qui deviennent 80-90% avec les cholos (les métis). Le plus isolé, depuis que le Chili lui a pris ses ports et son littoral avec la guerre du Pacifique en 1879. Le plus saccagé : l’argent aux espagnols, la potasse aux anglais, le cuivre aux chiliens, l’étain aux trois barons boliviens Patiño-Hochscild-Aramayo qui n’ont laissé en Bolivie que les trous des mines et les cimetières des mineurs ; l’eau, c’est les nord-américains de Bechtel et les français de Suez-Lyonnaise des Eaux qui voulaient la prendre pour eux, le gaz - dernière ressource de valeur- une vingtaine de compagnies multinationales avec tous les noms du gotha de l’économie globale : les anglais de British gaz, les français de Total, les nord-américains de Mobil et Enron, les espagnols de Repsol, les brésiliens de Petrobras...

Même les derniers épisodes de l’histoire de la Bolivie, ceux qui ont conduit d’abord à la démission et fuite (à Miami) du président néo-libéral et proaméricain Sanchez de Lozada, en octobre 2003, et maintenant à la démission (sans fuite et sans morts, soit dit à son honneur) de Carlos Mesa, pourraient être lus et « effacés » comme des convulsions négligeables d’un pays qui n’existe pas. Et au contraire, non, qu’on le regarde à l’échelle latino-américaine ou à une échelle plus vaste. Globale, justement.

L’Amérique latine est plus que jamais « le continent de l’espoir », comme disait le pape polonais en pensant à son troupeau. Mais aujourd’hui, cet espoir, au-delà des latino-américains, est le « notre », même si les nouvelles vagues de présidents sont en général et tout au plus social démocrates. L’Amérique latine est peut-être le seul endroit au monde qui est en train de se rebeller contre le néo-libéralisme et contre la globalisation american (and european) style. Les indigènes, d’élément résiduel de l’histoire de la « civilisation », sont passés de la résistance à l’offensive, à un « réveil » que d’aucuns se risquent à appeler « Intifada india ». Les populations - des indiens en Bolivie et en Equateur, aux blancs en Argentine- ont dit basta au saccage, basta à un système qui engraisse les comptes des oligarchies locales et les bilans des banques des pays riches, mais n’apporte que misère, violence et mort à tous les autres.

C’est pour cela qu’en Amérique latine les présidents, même élus démocratiquement, mais tous ou presque avec l’estampille néo-libérale, tombent comme des quilles. Ils sont déjà 11 depuis 1992 : le brésilien Collor, le vénézuélien Andres Perez, les équatoriens Bucaram, Mahuad et Guttierez, le paraguayen Cubas, le péruvien Fujimori, l’argentin De la Rua, l’haïtien Aristide (même si la c’est, au moins en partie, une autre histoire), les boliviens Sanchez de Loada et Mesa. Et au moins deux autres - le péruvien Toledo et le nicaraguayen Bolaños- sont à risques.

Beaucoup, à chaque chute et fuite, ont pleuré pour la démocratie. Mais il n’y a pas à pleurer parce qu’elle n’était - n’est - qu’une sous-espèce de démocratie formelle, qui s’épuise avec les élections. Comment se fait-il que des journaux comme le New York Times et l’Economist, écrivant sur l’Argentine de Menem ou la Bolivie de Sanchez de Lozada, définissaient ces gouvernements, dont les résultats coûtent cher aujourd’hui, comme des « world class success stories »  ?

La « guerre de l’eau » d’abord, et la « guerre du gaz » maintenant - qui est la vraie raison du conflit - font de la Bolivie un des pays les plus existants au monde. Un pays très moderne et d’avant-garde. Parce que c’est là que se joue la partie entre la mondialisation néo-libérale et la mondialisation des droits et des ressources humaines. Etant données les forces en présence - matérielles et médiatiques-, et même si la raison induit au pessimisme quant à la fin de l’histoire (même) du gaz bolivien, voilà , oui, une guerre qui est juste. Pas seulement en Bolivie.

Maurizio Matteuzzi

- Source : http://abbonati.ilmanifesto.it

- Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio


Bolivie : la Révolution en marche, par Luis Bilbao - Aporrera.

Une nouvelle vague révolutionnaire traverse la Bolivie, par Jorge Martin.


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