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Stefano Chiarini : Sa passion pour les causes perdues (Il Manifesto)

Le bateau Italie Hollande Allemagne Suisse Malaisie a été nommé Stefano Chiarini, du nom du journaliste italien (salarié au manifesto), mort en février 2007, spécialiste du Moyen-Orient, qui a écrit des centaines d’articles (d’informations et analyses autrement plus fiables que ceux de certains journalistes qui partent maintenant), grâce à son engagement politique et à un véritable réseau qu’il avait constitué sur le terrain, y compris en pleines guerres du Liban et Irak. Il avait aussi fondé à Beyrouth l’association "Per non dimenticare Sabra e Chatyla" ("Pour ne pas oublier Sabra et Chatyla"), toujours active aujourd’hui (et dont certains membres sont sur le bateau).

Une mule. Stefano était une adorable, inamovible, irritante, inflexible mule. Je me souviens de quand il est arrivé au Manifesto, ça devait être entre la fin des années 70 et les premières années 80, il s’occupait de l’Ira irlandaise qui voulait détacher l’Ulster de l’Angleterre et de je ne sais plus quels rebelles philippins qui se battaient pour renverser Marcos. A cette époque déjà , il était irrésistiblement attiré par les causes perdues. Son attraction fatale pour la Palestine et pour le Moyen-Orient plus généralement, fut quasiment naturelle. Une passion qui n’allait plus le quitter. Il commença à voyager, à recouper, à écrire et aussi, comme éditeur, à publier des livres, en général sur des arguments moyen-orientaux. Mais, comme ce fut inévitable, sa Gamberetti editore (Editions Crevettes) eut une vie misérable et courte, qui lui laissa, en plus des dettes, le pseudonyme avec lequel il signait parfois sur notre journal : Steve Shrimps, Stefano Crevettes.

Dans sa vision et description de la lutte palestinienne et des situations au Moyen-Orient, Stefano suscitait de grandes amours et de grandes haines, pas qu’à l’extérieur du Manifesto. Il ne se laissait pas ébranler - jamais - par les tentations et sollicitations pour adoucir une vision souvent jugée trop radicale. Il était obstiné dans ses convictions et dans ses articles mais c’était une obstination qui lui venait du fait de connaître comme peu de gens - généralement beaucoup plus et mieux - les arguments dont il parlait et qu’il écrivait. Beaucoup l’accusaient d’être trop « extrémiste » et trop « sensible » à l’intégrisme musulman. Et être « extrémiste » sur des thèmes comme Israël et la Palestine, l’Irak de Saddam et le Liban des Hezbollah, le fondamentalisme musulman et le terrorisme, ne lui a pas rendu la vie facile. Même s’il répondait par un certain rire et en déversant connaissance et données qu’il soutenait avec ses articles en tant qu’envoyé spécial et avec le soin maniaque d’une documentation qu’il sortait de son incontournable sac à dos qu’il avait tout le temps sur lui, plein et lourd comme une valise ou un puits de san patrizio. Obstiné comme une mule, quand il se jetait sur un sujet il ne le lâchait plus, que ce soit au journal ou à l’extérieur. Les manifestations qu’il organisait au nom du Comitato Palestina suscitaient de furieuses polémiques, qui cependant ne l’ébranlaient pas. Ses pèlerinages annuels dans les camps de Sabra et Chatyla à la tête de son Comité pour la mémoire faisaient sourire d’aucun, mais lui ne s’en occupait pas et continuait sa route.

Je crois que le moment le plus glorieux de son histoire humaine et journalistique a été la première guerre du Golfe. Pendant plus d’un mois, il resta sous les bombes étasuniennes sur Bagdad, seulement lui et Peter Arnett, même si c’est l’envoyé de CNN qui en retira après toute la gloire, et même si on vit sortir par la suite d’autres improbables « envoyés de guerre ». Cet épisode, de la guerre irakienne de 91, fut aussi, entre autres, un moment où le Manifesto vendit jusqu’à l’épuisement, le double d’avant et d’après. Cela nous le devions à Stefano, même si peut-être nous ne lui avons pas rendu le mérite qui lui en était du. Peut-être plus attentifs aux aspects qui le rendait « différent » et parfois, irritant pour nous, ses camarades de la section internationale, pris par la grisaille quotidienne de la routine : les arrivées toujours en retard à la rédaction, les bouclages toujours trop tardifs, l’impossibilité de l’aiguiller sur d’autres sujets qui ne soient pas les siens ou sur tout autre travail de « cuisine ». Mais Stefano était Stefano. Je m’en souviendrai toujours comme d’une adorable, immuable, irritante, inflexible mule et je crois que nous tous au Manifesto lui devons beaucoup.

Il disait qu’il avait eu beaucoup du Manifesto, et c’était vrai. Mais Stefano Chiarini a donné plus, au Manifesto.

MAURIZIO MATTEUZI

Edition de dimanche 4 février 2007 de il manifesto

http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/4-Febbraio-2007/art3.html

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio


« Israël veut les terres pas la paix »

STEFANO CHIARINI
Envoyé à Damas

Edition de dimanche 9 juillet 2006 de il manifesto

Dans l’avion qui l’amenait à Islamabad, Madame Rice a commenté l’affaire du soldat israélien « enlevé » (Gilad Shalit, NdT), comme on a désigné celui qui, à tous points de vue, est un « prisonnier de guerre », et elle a défini l’opération comme étant « un acte qui ne peut pas être toléré ». Silence par contre sur les milliers de palestiniens « enlevés », torturés, tués, sur la destruction de leurs maisons et de leurs champs. Ces actes seraient-ils tolérables ? On ne peut pas s’étonner de l’augmentation de la violence quand, au niveau international, la politique des « deux poids, deux mesures » a atteint des niveaux aussi aberrants ».

Bouthaina Shaaban, née en 1953, tailleur bleu marine et coupe au carré, une des deux femmes ministres du gouvernement syrien, écrivain, ancienne porte-parole du ministère des Affaires étrangères, nous exprime toute son amertume : « On parle de démocratie et ensuite on coupe les vivres aux Palestiniens parce qu’ils n’ont pas voté comme on voulait. On parle du respect des frontières mais après personne ne demande raison à Israël des violations de l’espace aérien syrien ou libanais. On parle de paix et on fait semblant d’oublier que les pays arabes, à commencer par la Syrie, ont offert une paix totale en échange du retrait sur les frontières de 1967 ».

Bouthaina Shaaban nous reçoit dans son nouveau ministère pour les communautés syriennes à l’étranger, dans les montagnes de l’arrière pays de Damas, dans la ville satellite de Dumar. « La gravité de la situation actuelle - poursuit madame Shaaban - réside dans le fait qu’il n’existe aucune autorité internationale neutre et objective à laquelle les Palestiniens et les Arabes peuvent s’adresser pour faire valoir leurs propres droits. Je me souviens que, lorsque je faisais mes études à Londres, il y avait une grande sensibilité pour ce qui se passait en Afrique du Sud. Maintenant, on est en train de raser au sol Gaza et personne n’intervient. Les Etats-Unis continuent à financer les attaques militaires contre la population palestinienne, et en Europe, Javier Solana ne dit rien si ce n’est qu’il « comprend pleinement » que les Israéliens sont « très nerveux ».

Quel est l’objectif de l’offensive israélienne ?

Le monde sait très bien que ces mesures répressives n’ont rien à voir avec l’enlèvement du soldat mais veulent obliger les Palestiniens à partir, en les privant de leurs moyens de subsistance -plus de 200.000 oliviers ont été coupés - et en les enfermant à l’intérieur d’un mur comme en prison. Ici, ça n’est pas un problème de religion mais de terres. Un problème colonial. Une population indigène qui vit depuis des siècles sur ces territoires est chassée et remplacée par des colons venus de l’extérieur.

Pourquoi cette intensification des attaques contre la Syrie ?

Parce qu’ils ne veulent pas restituer les territoires occupés sur le Golan, ils cherchent à briser tout soutien politique à la résistance palestinienne et libanaise, ils essaient d’avoir une sorte de mandat colonial sur le Liban, de diviser les Arabes entre eux et continuer la désarabisation de l’Irak. Ils espèrent, avec ce genre de tactiques et de menaces, nous faire accepter le fait accompli mais ils se font des illusions. La Syrie a 5.000 ans et nous devrions oublier le Golan occupé, 50 ans après seulement ? Dans l’intérêt général, et pas seulement le notre, il appartiendrait à la communauté internationale de faire que nos droits soient respectés. Comment peut-on imaginer construire la paix si ce n’est à partir du respect du droit international et des droits des peuples ?

La paix est-elle encore possible ?

Certainement ; par la décision historique du sommet de Beyrouth en 2002, confirmée à Riad ensuite, vingt-deux pays arabes se sont engagés à faire une paix totale avec Israël en échange des territoires occupés de Palestine, du Liban et de la Syrie. C’est une occasion qui aurait pu, et pourrait, donner la paix au monde, mais qui a été refusée par Israël.

Pour quoi Israël aurait-il refusé l’offre ?

Parce que leur objectif, comme le rappelle le document de 96 sur l’avenir du Moyen-Orient, écrit par les néo-cons pour Netanyahu, n’est pas « la paix en échange des territoires » mais « la paix pour la paix », c’est-à -dire que eux gardent les territoires occupés et nous Arabes devrions accepter leur diktat en silence. En réalité, ils voudraient les territoires sans les habitants et à cet effet, ils utilisent tout moyen qui crée la terreur pour purifier ethniquement la Palestine des Arabes, compléter la colonisation et réaliser « le nouveau Moyen-Orient ». Leur programme de 96, réalisé ensuite en grande partie par Bush, prévoyait en particulier la fin du processus d’Oslo, la destruction de l’Irak, un mandat colonial sur le Liban et la désagrégation de la Syrie. Le tout couvert par une campagne médiatique, surtout étasunienne, qui essaie de faire passer les victimes pour des bouchers et les bouchers pour des victimes. Au point qu’Israël, avec ses bombes atomiques, ose demander des garanties de sécurité aux palestiniens et aux arabes au lieu d’en donner à ceux qui sont toujours attaqués.

http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/09-Luglio-2006/art47.html

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

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